Dans les premières semaines de vie d’un nourrisson, le mot « colique » est omniprésent dans le vocabulaire des parents. Déjà source de stress et d’anxiété, des explications parfois confuses, fusent sur cet inconfort de l’enfant. Alors, faisons le point avec la fiche de recommandations du GFHGNP (Groupe Francophone d'Hépatologie-Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques).
Les coliques du nourrisson : Douleur ou inconfort ?
Dans la définition des critères de Rome IV, les coliques du nourrisson sont définies dans le cadre des troubles fonctionnels intestinaux.
En fait, il s’agit d’un syndrome comportemental : l’enfant âgé entre 1 et 4 mois pleure sur de longues périodes, il est agité ou irritable, généralement l’après-midi et le soir. Difficile à calmer, la cause de ces pleurs n’est pas évidente. C'est ce qui préoccupe les parents, et les amène souvent à penser que l’enfant souffre, alors que jusque-là, aucune preuve n’a démontré que ces pleurs étaient causés par une douleur. Ils sont plutôt associés à un inconfort.
Pourquoi il pleure ?
La physiopathologie des coliques est assez complexe puisqu’il n’y a pas un facteur, mais bien plusieurs qui interviennent dans ce syndrome bénin.
- On retrouve une composante psychologique et comportementale
Si l’enfant pleure pour un besoin, mais que la réponse à celui-ci n’est pas adaptée, l’enfant continue à s’agiter. Un parent anxieux se sentira dépassé, angoissé, il voudra bien faire et compenser par un surinvestissement, mais qui sera le plus souvent délétère pour le nourrisson.
La tendance à comparer le comportement de l’enfant à un adulte influence aussi le vécu de ces pleurs comme en témoigne une enquête britannique. Parmi les nourrissons présentant des coliques, outre l’âge maternel, la primiparité, l’exercice d’un métier non manuel, retrouvés comme facteurs significatifs, il a été aussi retrouvé une tendance à « l’adultomorphisme » : quand l’adulte crie, il a un problème grave, si le nourrisson crie, le raisonnement est identique.
- Y a-t-il des troubles digestifs favorisants ?
Si les pleurs, l’agitation peuvent orienter vers des reflux, des études ne montrent aucune association entre reflux acides et coliques. Alors, en cas d’examen normal et de pleurs isolés, quelle que soit leur intensité, des examens complémentaires tels que l’endoscopie digestive n’est pas indiquée.
Les nourrissons manifestant des coliques sont-ils intolérants au lactose ? Cette théorie peut-être réfutée, car même si on retrouve une relation entre production anormale d’hydrogène et coliques, l’apport de lactase n’apporte pas de bénéfice clinique.
On peut aussi se demander si les enfants allergiques aux protéines du lait de vache sont plus exposés aux coliques. Des études suggèrent une efficacité d’un traitement diététique sans protéines du lait de vache. Mais il est difficile de conclure, car les enfants étudiés sont en faible effectif et présentent un fort risque atopique.
- Plusieurs paramètres peuvent perturber la motricité digestive
Chez les nourrissons présentant des coliques, on retrouve un taux plus élevé de motiline, celle-ci est d’ailleurs augmentée en cas d’exposition au tabac, lui-même facteur de risque de coliques. Le taux de sérotonine est également plus augmenté, et on lui connaît un rôle dans la médiation de l’hypersensibilité viscérale. Aussi, l’immaturité du système nerveux entérique des 3 premiers mois induit une dysmotricité digestive.
- Des microbiotes différents chez les enfants manifestant des coliques
Il semblerait que la colonisation bactérienne soit différente chez les enfants présentant ou pas des coliques. Si la diversité bactérienne est moins importante en cas de colique, on retrouve aussi plus de germes potentiellement pathogènes (Serratia, Vibrio, Yersinia, Pseudomonas, Phylum Probacteria) générant des gaz par fermentation de lactose, de protéines… Aussi, certaines souches d’E.Coli, de Klebsielles peuvent entraîner une inflammation intestinale. Ces arguments penchent vers une dysbiose intestinale dans l’apparition des coliques.
Face aux coliques : comment réagir ?
Sans gravité, l’incidence des coliques s’évalue néanmoins à 20 à 25% dans les pays industrialisés, avec en plus un caractère anxiogène pour les parents, on ne peut donc négliger ce trouble que rencontrent les nourrissons.
Le premier objectif est de rassurer les parents avec empathie
Procéder à un examen clinique soigneux pour éliminer d’autres diagnostics
Même si les preuves scientifiques manquent, des alternatives peuvent leur être proposées : emmaillotage, massage, portage…
Les parents déboussolés par ces pleurs ont besoin d’être accompagnés, informés, ils doivent être acteurs de la prise en charge de leur bébé. Il existe d’ailleurs un outil d’évaluation et d’accompagnement destiné aux parents pour améliorer la prise en charge des coliques.
Face à ces pleurs incessants, il est aussi essentiel de prévenir du risque du syndrome du bébé secoué.
En ce qui concerne l’approche thérapeutique, elle sera holistique et adaptée en fonction du contexte social, familial et culturel
La pharmacologie n’a pas sa place dans la prise en charge des coliques. Il ne s’agit pas de guérir mais d’accompagner les parents.
Un régime avec hydrolysats (FOS-GOS) en cas d’antécédent d'atopie familiale et/ou personnelle est discutable
Une revue Cochrane sur les traitements de la douleur colique infantile de 2016, évoque la phytothérapie comme ayant des propriétés pour atténuer les crampes et douleurs intestinales et que comparativement, à l’absence de traitement, ou d’un placebo, elle peut réduire l’intensité des pleurs.
Enfin les probiotiques, s’ils sont administrés en quantité adéquate peuvent jouer un rôle bénéfique sur la santé de l’hôte. Certains agissent sur les coliques en réduisant en autres l’inflammation intestinale, la dysmotricité intestinale et la douleur viscérale.
Mais tous les probiotiques n’ont pas les mêmes propriétés et selon la quantité de la colonie bactérienne les effets seront différents.
Huit méta-analyses convergent vers l’efficacité du Lactobacillus reuteri DSM 17938 (L.reuteri Protectis) dans les coliques, particulièrement chez les enfants allaités.
Par ailleurs, ce probiotique, issu du lait maternel, donné à titre prophylactique (à raison de 5 gouttes par jour) chez les enfants nourris au sein ou bien avec préparation pour nourrissons, réduirait le temps de pleurs de 51 minutes par jour à 1 mois et 33 minutes par jour à 3 mois, comparativement au groupe contrôle.
Référence :
Fiche de recommandations/informations du GFHGNP - Les coliques du nourrisson - M.Bellaïche et l'ensemble du Conseil d'Administration du GFHGNP - réalisée avec le soutien institutionnel du Laboratoire PediAct.