La formation de sage-femme est accessible aux hommes depuis 1982. Elle reste toutefois l’une des filières de l’enseignement supérieur les plus féminisées : en 2015, on comptait 97% de femmes. Mais alors pourquoi des hommes choisissent ce cursus ?
Avec Alice Olivier, doctorante à l’Observatoire Sociologique du Changement (Sciences Po) et à l’Institut national d’études démographiques (Labex iPOPs), Paris.
Des choix éclectiques
Dans sa recherche, Alice Olivier, doctorante en sociologie, a mené des entretiens et des observations au sein de 4 écoles de sages-femmes.
Parmi les 31 étudiants hommes rencontrés, il n’y a pas une, mais plusieurs voies d’orientation vers la formation. Ces hommes sont caractérisés par des origines sociales, des aspirations parentales, des trajectoires scolaires et des dispositions de genre variées. À la croisée de ces éléments, certains estiment que le choix d’études ne doit pas être dépendant du sexe et se tournent vers la formation de sage-femme en raison d’un fort intérêt pour la profession. D’autres voient dans cette filière la perspective d’une stabilité professionnelle. D’autres encore la choisissent avant tout pour les possibilités de réorientation vers d’autres formations de santé auxquelles elle donne accès.
Une profession peu connue
Les étudiants hommes sont plus nombreux encore que les étudiantes femmes à ne pas connaître la profession de sage-femme avant leur première année d’études de santé. Le plus souvent, ils ne la découvrent que parce qu’elle est accessible par un recrutement commun à plusieurs filières. Ainsi, lorsque le concours d’entrée en formation est mutualisé à celui d’autres filières médicales en 2002, la proportion d’hommes dans la filière passe de 1,4 % à 8,5 % en un an. C’est alors souvent leur classement aux épreuves communes qui les conduit à cette orientation. Depuis 2010, il faut choisir les filières présentées au concours dès la fin du premier semestre de l’année commune aux études de santé. Les hommes sont de nouveau beaucoup moins nombreux à intégrer la formation de sage-femme. Autrement dit, le nombre d’hommes dans la formation est intimement lié aux modalités de recrutement.
Trouver sa place parmi les étudiantes
Généralement, les hommes qui trouvent le mieux leur place au sein des promotions sont ceux qui sont le plus à l’aise avec leur choix d’études. Ceux qui sont déçus de leur orientation sont quant à eux réticents à l’atténuation de la distinction entre les sexes et déploient différentes stratégies pour y résister : mise en scène d’une forte « virilité », surjeu de la « féminisation » ou encore regroupement avec les autres hommes de la classe. Entre les deux, certains s’adaptent progressivement. D’abord gênés par leur présence au sein d’un groupe étudiant composé de très nombreuses femmes, ils s’y intègrent finalement petit à petit, à mesure que s’affirme leur souhait de devenir sage-femme.
D’un point de vue extérieur, les étudiants hommes sages-femmes sont associés à une meilleure ambiance dans les promotions. Par ailleurs, sur les terrains de stage, ils sont généralement accueillis chaleureusement. Parce qu’ils sont peu nombreux, ils sont plus facilement repérés, ce qui favorise souvent leur apprentissage. Avec les patientes, la situation peut être plus complexe. Certaines refusent d’être prises en charge par des hommes, ce qui peut provoquer de la frustration pour les étudiants. Cependant, ces cas sont assez rares, et les étudiants disent aussi qu’être un homme les aide parfois à créer un lien avec les patientes qui se montrent intéressées par leur parcours.
Référence :
"Hommes en formation de sage-femme : des étudiants singuliers, des profils pluriels", La Santé en action, n° 441, "Genre et santé" ; 2017