Face à la hausse alarmante de la mortalité infantile en France, l’Assemblée nationale a voté un moratoire de trois ans sur la fermeture des petites maternités. Mais pour le Collège national des gynécologues obstétriciens de France (CNGOF), cette mesure rate sa cible.
Une France à la traîne sur la mortalité infantile
La France, autrefois modèle en matière de santé périnatale, dégringole désormais au 23e rang européen pour la mortalité infantile. En 2024, 2 700 enfants de moins d’un an sont décédés, soit 4,1 décès pour 1 000 naissances vivantes, un chiffre en hausse constante depuis 2011. Près de 70 % de ces décès surviennent durant le premier mois de vie, période la plus critique pour les nouveau-nés.
Face à cette trajectoire préoccupante, certains députés, à l’instar de Paul-André Colombani (LIOT), estiment que la fermeture de nombreuses petites maternités et l’éloignement des structures de soins seraient en cause. Ils pointent notamment l’augmentation du nombre de femmes vivant à plus de 30 ou 45 minutes d’une maternité, une situation jugée particulièrement alarmante dans des territoires comme la Corse-du-Sud.
Le moratoire : une fausse bonne idée ?
Le 15 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un moratoire de trois ans sur la fermeture des petites maternités. L’objectif affiché : enrayer la hausse de la mortalité infantile en maintenant un maillage territorial serré. Mais cette décision provoque la colère des sociétés savantes et des syndicats médicaux, qui dénoncent une mesure inefficace, voire contre-productive.
Pour le CNGOF, l’éloignement des maternités n’est pas le véritable coupable. « Tous les chiffres disponibles montrent que la sécurité est la plus élevée dans les pays qui ont su renoncer aux petites maternités », rappelle le Collège, citant l’exemple de la Suède ou de la Finlande, où la centralisation a permis de diviser par deux la mortalité infantile par rapport à la France. Selon ces experts, la dispersion des moyens humains et techniques dans de petites structures fragilise la prise en charge, surtout face à l’augmentation des grossesses à risque (âge maternel élevé, diabète, hypertension, précarité).
Des équipes fragilisées, un risque accru
Le cœur du problème, pour le CNGOF et la Société française de médecine périnatale (SFMP), réside dans la capacité à constituer des équipes stables, pluridisciplinaires et expérimentées. Or, la majorité des petites maternités fonctionnent aujourd’hui sans pédiatre permanent ou en ayant recours à des intérimaires, ce qui nuit à la qualité et à la sécurité des soins. « Il est impossible de maintenir des compétences, à moins d’un accouchement par jour, sur la gestion de complications imprévisibles », insistent les syndicats médicaux..
Plus grave encore, plusieurs fermetures de petites maternités ont été décidées à la suite de décès maternels ou néonataux jugés évitables, faute de moyens humains et techniques suffisants sur place.
Des causes multiples, une réponse globale attendue
La hausse de la mortalité infantile ne se résume pas à la question des distances. Les experts pointent aussi la prématurité, les inégalités sociales, l’état de santé des mères, la surcharge des services de néonatalogie, et le manque de personnels spécialisés. Pour le CNGOF, la solution passe par une planification territoriale rationnelle, la création de centres périnatals de proximité et le renforcement des grandes maternités, capables d’assurer un haut niveau de sécurité et de qualité.
« Si la continuité des soins peut se décréter, la qualité des soins, elle, se construit », martèle le CNGOF.
Sortir du débat stérile, investir dans la qualité
Le moratoire sur la fermeture des petites maternités, loin de rassurer les professionnels, risque de figer la crise actuelle. Pour enrayer la dégradation des indicateurs périnatals, la France doit investir dans des équipes stables, renforcer les filières de soins et garantir à chaque femme un parcours adapté, quel que soit son lieu de vie.