Avec une prévalence en France de 7 à 10% chez les femmes enceintes, la vaginose bactérienne est pourvoyeuse de complications pendant la grossesse. Un argument qui nous rappelle que son dépistage ne doit pas être négligé.
Quid sur la vaginose bactérienne avec Marie-Thérése Arcangeli-Belgy (sage-femme cadre enseignante à la retraite, Nancy).
1. Qu'est-ce qu'une vaginose bactérienne?
La vaginose bactérienne se définit comme un déséquilibre de la flore commensale vaginale, et son remplacement par une flore polymicrobienne. Le déséquilibre est responsable de la disparition quasi-complète de lactobacilles au profit de la flore anaérobie.
2. Quels sont les symptômes?
La symptomatologie est souvent discrète et 50% des vaginoses bactériennes sont asymptomatiques. Les leucorrhées sont grisâtres, abondantes, souvent nauséabondes, l’odeur est particulière, fétide, parfois la patiente signale un prurit.
3. Y-a-t-il des facteurs de risque?
Certaines populations sont davantage à risque. Les femmes avec une hygiène excessive, qui utilisent des douches vaginales, porteuses de carences ostrogéniques après une antibiothérapie, qui viennent de changer de partenaire, ou qui ont une activité sexuelle fréquente et des partenaires différents, ou porteuses d’un dispositif intra-utérin. De plus, l’homosexualité multiplie le risque par 2,5. Cette pathologie est aussi plus courante chez les femmes de race noire et chez les fumeuses.
4. Est-elle fréquente?
Une femme sur cinq est porteuse d’une vaginose bactérienne. La prévalence estimée est de 10 à 30% chez les femmes enceintes et de 10% pour les femmes consultant en gynécologie.
5. Quelles sont les méthodes diagnostiques?
La clinique est la première méthode, mais comme la symptomatologie peut être discrète, le praticien peut s’aider d’outils, toutefois certains utilisent plus facilement le traitement d’épreuve, car le prélèvement vaginal est plus coûteux que le traitement.
Le prélèvement vaginal montera une baisse significative de Lactobacillus et une présence plus ou moins élevée de germes pathogènes : Gardnerella vaginalis, Mobilincus.
Le score d’Amsel, établi à partir de trois sur quatre critères, est encore utilisé:
Un pH vaginal inférieur à 4.5
Des sécrétions vaginales grisâtres, homogènes, adhérentes à la paroi vaginale
Une odeur vaginale caractérisée de poisson avarié après mise en contact des pertes vaginales avec quelques gouttes d’hydroxyde de potasse à 10% (sniff test)
La présence de clue cells (au moins 20%) à l’examen microscopique à l’état frais des cellules vaginales
Enfin, la plupart des laboratoires utilisent un outil diagnostic, le score de Nugent. Il quantifie le nombre de morphotypes Lactobacillus, de bactéries pathogènes et établit un score :
l’obtention d’un score de 0 à 3 signale une flore normale
un score de 4 à 6 est signe d’une flore intermédiaire
un score de 7 à 10 évoque une vaginose.
6. Quelles sont les complications de la vaginose bactérienne?
La principale complication de la vaginose bactérienne est la récidive, mais aussi les infections post-chirurgicales et le syndrome inflammatoire pelvien subclinique. La vaginose peut favoriser la transmission d’IST comme le VIH.
La vaginose récurrente est fréquente, 1/3 des femmes ont connu une récurrence dans un délai de 3 mois. Les épisodes de récurrence peuvent être responsables de retentissement émotionnel, sexuel et psycho-social.
Chez les femmes enceintes, sa présence est associée à un risque de complications obstétricales : avortement spontané, rupture prématurée des membranes, chorioamniotite, naissance d’enfant de petits poids, endométrite du post-partum, infections de plaie de césarienne.
Les méta-analyses ont montré que les femmes enceintes présentant une vaginose bactérienne ont un risque d’accouchement prématuré deux fois supérieur aux autres, ce risque est d’autant plus élevé que le diagnostic a été porté en début de grossesse avant 16 SA.
7. Pourquoi les sages-femmes doivent être vigilantes?
Les sages-femmes doivent être vigilantes dans la surveillance des grossesses à cause des complications chez les femmes enceintes, et particulièrement lorsque leur patiente a présenté une menace d’accouchement prématuré ou un accouchement prématuré. Dans ce cas, il est préconisé de prescrire un prélèvement vaginal au 1er trimestre. En effet, les études ont montré une réduction du taux d’accouchement prématuré par le dépistage et le traitement de la vaginose asymptomatique en début de grossesse dans le groupe des patientes à risque. Elles doivent aussi être attentives dans le post-partum en raison des risques d’endométrite.
8. Doit-on traiter?
Oui, si la patiente présente une symptomatologie, ou si la patiente est enceinte.
9. Quel est le traitement généraliste?
Le Secnidazole (Secnol©) 1 sachet de 2g en prise orale, ou le métrodinazole (Flagyl©) 1 g par jour durant 7 jours en prise orale associé à : la suppression des habitudes d’hygiène excessive l'utilisation de préservatifs pourrait atténuer la probabilité de constater des récurrences sur les femmes actives au plan sexuel. Le traitement du partenaire ne semble plus d’actualité, car il n’est d’aucune aide.
10. Et les probiotiques?
L’utilisation de probiotiques n’est pas démontrée faute d’études, toutefois une étude chinoise publiée montre que les femmes du groupe « probiotique » ont une récurrence plus faible que celles du groupe « placebo », cette étude se fondait sur les critères cliniques. Les probiotiques sont des lactobacilles de remplacement, dans un premier temps, ils remplacent la flore naturelle défaillante puis ils vont créer les conditions écologiques propices à la recolonisation du vagin par la flore naturelle.