L’accouchement se retrouve pris en étau entre deux extrêmes : la surmédicalisation et le dogme du “tout naturel”. L’éditorial du Lancet lève le voile sur cette double imposture, qui prive trop souvent les femmes de leur pouvoir et de leur voix lors de la naissance. Comment sortir de cette impasse et replacer la femme au centre de son accouchement ?
Quand l’accouchement dépossède
L’annonce récente d’une enquête nationale sur les défaillances des services de maternité au Royaume-Uni, à la suite de rapports accablants sur l’ignorance de la parole et de la douleur des femmes, met en lumière un problème mondial : trop de femmes accouchent sans être entendues, ni préparées à ce qui les attend. L'editorial du 05.07.2025 de la revue The Lancet dénonce ce constat, loin d’être isolé, et qui traverse les frontières et les systèmes de santé.
Deux idéologies
L’accouchement se trouve aujourd’hui tiraillé entre deux pôles extrêmes :
La surmédicalisation, où le pouvoir médical prime sur l’autonomie des femmes. Surveillance excessive, épisiotomies ou césariennes non justifiées deviennent des réponses par défaut, souvent au détriment du vécu et du consentement des patientes.
L’idéologie du “tout naturel”, qui suppose que le corps féminin est toujours prêt à accoucher sans aide, ni gestion de la douleur. Cette vision, si elle a permis de limiter certains excès médicaux, engendre aussi de la culpabilité chez celles qui nécessitent une intervention ou une analgésie.
Ces deux approches reposent sur des croyances plus que sur des données probantes, et exposent les femmes à des risques évitables. L’évolution démographique – âge maternel avancé, obésité, diabète gestationnel – rend parfois indispensable une intervention médicale adaptée.
Les conséquences invisibles
Les effets de cette dichotomie dépassent le moment de l’accouchement :
Complications physiques : lésions vaginales sous-diagnostiquées, douleurs chroniques, incontinence, prolapsus, impactant durablement la vie intime, sociale et professionnelle.
Traumatismes psychiques : jusqu’à 27% des femmes souffrent de troubles mentaux périnatals, souvent sous-estimés et mal pris en charge.
Disparités raciales : les femmes noires présentent un risque trois fois plus élevé de mourir en couches dans certains pays occidentaux.
Défiance envers le système de santé : un accouchement traumatique peut entraîner l’évitement de futures grossesses ou des soins médicaux.
Sortir de la fausse opposition
Opposer accouchement médicalisé et accouchement naturel est une impasse. Ce dont les femmes ont besoin, c’est d’une prise en charge personnalisée, fondée sur les meilleures preuves scientifiques, et d’une information claire, transmise en amont du travail. Les protocoles doivent s’adapter à chaque situation, et le consentement éclairé rester la règle.
Les clés d’un accouchement respecté
Éducation prénatale fiable : informer sans inquiéter, préparer sans conditionner.
Accompagnement pluridisciplinaire : obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes, psychologues, tous mobilisés autour de la femme.
Plan de naissance et partenaire de confiance : pour défendre les choix et préférences de la parturiente.
Prise en charge des séquelles : kinésithérapie du périnée, soutien psychologique, suivi postnatal renforcé.
Communication et écoute : la clé pour prévenir les situations de crise et restaurer la confiance.
Redonner le pouvoir aux femmes
L’accouchement restera toujours une expérience intense, parfois chaotique. Mais l’information, l’écoute et le respect du choix de chaque femme peuvent transformer ce moment en une étape d’empowerment, et non de dépossession. Il est temps de dépasser les dogmes pour bâtir une culture de la naissance centrée sur la femme, ses besoins, ses droits et sa dignité.
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