Parmi les « petits maux de la grossesse », la constipation, concerne environ 25% des femmes. Si sa prise en charge se veut proactive, n’y a-t-il pas un travail de prévention à faire en amont ?
Avec Dr Abramowitz, responsable du service de proctologie médico-chirurgicale à l'hôpital Bichat, Paris
Pourquoi la constipation touche autant de femmes enceintes ?
Si la constipation est habituellement une plainte des femmes (1 femme sur 3), elle est d’autant plus chez la femme enceinte et même 29%des femmes rencontrent ce problème lors de la grossesse alors qu’elles ne sont pas concernées habituellement.
Des mécanismes de compression liés à l’utérus gravide sur le côlon en sont une des causes. De façon plus hypothétique, des phénomènes hormonaux, notamment l’imprégnation de la progestérone, sont responsables du ralentissement du transit digestif à cette période. Mais d’autres causes plus standards interviennent, comme des modifications électrolytiques et des problèmes de motricité digestive ou bien la réduction de l’activité physique en fin de grossesse.Des modifications, qui négligées, semblent impliquer des traumatismes obstétricaux et des troubles pelvi-périnéaux. D’où la nécessité, d’agir sur la prévention et d’en faire le diagnostic pour traiter constipation avant que des complications ne surviennent.
Quelles complications?
La définition de la constipation est assez large, il peut s’agir d’une patiente déféquant moins de 3 fois par semaine, même si cela dépend du rythme de chacun et/ou d’une patiente qui présente une dyschésie pouvant même nécessiter une assistance manuelle. Ces troubles s’accompagnent de ballonnements et de douleurs abdominales.
Considérée souvent à tort comme banale dans les services de maternité, la constipation peut entrainer des complications qui peuvent laisser des séquelles à plus long terme. Les deux grandes complications sont les thromboses hémorroïdaires et les fissures anales. Une femme régulièrement constipée, par ses forts efforts de poussée, altère son nerf honteux, ce qui entraine des problèmes d’incontinence anale : 10% des femmes sont concernées à 45 ans et 30% à 70 ans.
La constipation et ses conséquences représentent aussi une source d’anxiété pour certaines femmes qui, par honte, peinent à assumer ces troubles au quotidien.
Quels moyens de prévention ?
Le rôle des professionnels est de sensibiliser les patientes sur des habitudes à prendre notamment de ne pas pousser pour aller à la selle. L’intérêt d’une alimentation riche en fibres, c’est à dire légumes, produits céréaliers, fruits frais et fruits secs, a largement été démontré dans les études scientifiques. L’apport en fibres doit être progressif, environ 5g/24h et s’augmente selon le résultat par paliers de 8 jours jusqu’à 10-15g/ 24h. Toutefois, ce régime n’est pas toujours toléré car il peut entraîner un météorisme ainsi qu’une malabsorption des vitamines et des oligo-éléments.
L’apport hydrique (2L/j), particulièrement les eaux riches en magnésium ont un effet bénéfique supplémentaire sur le transit. En l’absence de contre-indication, la pratique d’une activité physique régulière est recommandée, qui sera aussi bénéfique pour apaiser les tensions émotionnelles et le surmenage.
Traitement
Quand il s’agit d’une petite constipation, le Dr Abramowitz préconise plutôt des fibres alimentaires et/ou des mucilages. Mais en cas de constipation plus sévère, plutôt des laxatifs osmotiques, c’est d’ailleurs ce que recommande la SNFGE (Société Nationale Française de Gastro-Entérologie) en 1ère intention. La posologie de ces laxatifs, plus doux pour le transit, est de 1 à 4 sachets par jour, à adapter pour retrouver des selles moulées molles. Leur but est de réhydrater les selles qui stagnent dans le côlon par un appel d’eau.
En retrouvant une consistance normale, les selles relancent alors la motricité colique et peuvent être évacuées sans effort.
Lorsqu’on interroge des femmes sur le ressenti de leur grossesse ou du post-partum, certaines ne gardent en tête que « le vécu douloureux des thromboses hémorroïdaires, pourtant le traitement est radical, en quelques jours la douleur disparait. On ne doit plus souffrir de l’anus dans le post-partum, or c’est ce que j’observe tous les jours à mon cabinet », souligne Dr Abramowitz.
Pour les traiter, l’objectif premier est de réguler le transit puis d’associer des suppositoires et pommade 2 fois/ jour à base de corticoïde et d’anesthésique local que l’on associe à des AINS pendant 3 à 7 jours en post-partum. En fin de grossesse, au lieu des AINS qui sont contre-indiqués, on prescrit du Paracétamol avec de la Codeïne ou du Tramadol en cure courte.
Références :
Abramowitz L, Sobhani I, Benifla JL, Vuagnat A, Darai E, Mignon M et al. Anal fissure and thromosed external hemorrhoids before and after delivery. Dis colon Rectum 2002 ;45 :650-5.
Thoulon J-M.Petits maux de la grossesse. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Gynécologie/obstétrique, 5-012-A-20,2011
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