La grossesse, par ses modifications anatomiques, hormonales devient une période plus propice aux infections urinaires. De la colonisation urinaire à la pyélonéphrite en passant par la cystite aigüe, l’infection urinaire chez la femme enceinte peut entraîner des conséquences néfastes sur la mère et le fœtus. Quelles attitudes de dépistage et thérapeutique adopter ? Récapitulatif des dernières recommandations de bonne pratique de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française.
LA COLONISATION URINAIRE GRAVIDIQUE
Elle correspond à une bactériurie asymptomatique. Sa prévalence pendant la grossesse est de 2 à 10% et contrairement à la femme hors grossesse, la colonisation persiste et peut évoluer vers une pyélonéphrite aigue en l’absence de traitement.
Dépistage et diagnostic :
L’examen généralement recommandé pour le dépistage de la colonisation urinaire gravidique est la bandelette urinaire. Avec une bonne valeur prédictive négative, son utilisation est recommandée pour le dépistage de la colonisation urinaire gravidique, surtout chez les femmes sans facteur de risque d’infection urinaire.
Un ECBU n’étant réalisé qu’en cas de positivité de leucocytes ou nitrites (HAS). L’ECBU est l’examen de référence pour confirmer le diagnostic de colonisation urinaire gravidique avec un seuil de bactériurie = 100000 UFC/ml. L’HAS recommande le dépistage aux 4e, 5e, 6e, 7e, 8e,9e consultation.
En cas de positivité de nitrites ou leucocytes, un ECBU doit être réalisé. Pour les patientes avec antécédent d’uropathie sous-jacente, diabète, de cystite aigüe récidivante, l’HAS préconise la prescription d’ECBU à a 1e consultation de début de grossesse et au 4e, 5e, 6e, 7e, 8e et 9e mois
Traitement :
La nécessité d’un traitement pour une colonisation urinaire gravidique avec bactériurie = 100000 UFC/ml est consensuelle et évite l’évolution vers une pyélonéphrite aigue. Le traitement ne doit pas être probabiliste mais adapté selon les résultats de l’antibiogramme et débuté dès que possible.
Le traitement doit avoir la meilleure tolérance materno-fœtale avec un spectre étroit et faible impact sur le microbiote intestinal:
- 1ère intention : Amoxicilline
- 2e intention : Pivmecillinam
- 3e Fosfomycine- Trométamol
- 4e Triméthropine sauf les 2 1er mois de grossesse
- 5e Nitrufurantoïne / SMX-TMP (à éviter les deux 1er mois de grossesse), amoxicilline/acide-clavunique, céfixime ou ciprofloxacine.
La durée totale du traitement est de 7 jours sauf pour la fosfomycine (1 jour).
CYSTITE AIGUE GRAVIDIQUE
Son incidence est inconnue, elle serait chez la femme enceinte de 1 à 2%. Les 3 signes cliniques habituels sont : les brulures mictionnelle, des douleurs à la miction et la pollakiurie. Une hématurie macroscopique est possible. Son apparition est brutale, les signes peuvent être associés ou isolés.
Diagnostic :
Le diagnostic de la cystite aigue gravidique repose sur l’association des signes cliniques évocateurs et d’un ECBU positif avec leucocyturie et bactériurie significatives. Le diagnostic bactériologique nécessite la réalisation d’un ECBU avec antibiogramme. Le seuil de leucocyturie est significatif = 10000/ ml et de bactériurie est significatif pour les E. Coli et Staphylococcus saprophyticus =1000 UFC /ml et pour les autres enterobactéries (enterocoques, Corynebacterium urealyticum, P. aeruginosa et S. aureus) = 10000 UFC/ml.
Traitement probabiliste
Le traitement antibiotique probabiliste doit être débuté avant même les résultats de l’antibiogramme du fait du risque d’évolution d’une pyélonéphrite aigue:
- En 1e intention : Fosfomycine-trométamol (les méta-analyse de la Cochrane Library de 2011 ne montre pas d’infériorité d’un traitent en dose unique par rapport à un traitement long)
- En 2e intention : Pivmécillinam
- En 3e intention : Nitrofurantoïne
- En 4e intention : Céfixime ou Ciprofloxacine
Traitement après antibiogramme :
- 1e intention : Amoxicilline
- 2e intention : Fosfomycine-Trométamol
- 3e intention : Triméthropine (à éviter les 2 1er mois de grossesse)
- 4e intention : Nitrofurantoïne – SMX-TMP, amoxicilline-acide-clavunique- céfixime ou ciprofloxacine
La durée du traitement est de 7 jours sauf pour la Fosfomycine-trométamol en unidose avec contrôle d’ECBU 8-10 jours après l’arrêt du traitement.
LA PYELONEPHRITE AIGUE GRAVIDIQUE
Pendant la grossesse, on observe 0,5 à 1% de pyélonéphrite aigüe gravidique. Près de 25% des morbidités maternelles sont d’origine urinaire. Quant au risque de prématurité, son lien avec la pyélonéphrite aigüe gravidique reste controversé dans les études.
Diagnostic clinique :
La pyélonéphrite aigüe gravidique siège le plus souvent à droite. On retrouve les signes de la cystite avec association de fièvre >38,5°C, de douleurs lombaires, douleurs à la palpation des fosses lombaires. Le tableau clinique peut être aussi incomplet. Les signes de gravité sont les sepsis graves, choc septique, indication de drainage chirurgical ou interventionnel.
Diagnostic paraclinique :
L’ECBU est effectué en urgence, les seuils de leucocyturie et bactériurie sont les mêmes que la cystite aigüe. En cas de pyélonéphrite aigüe gravidique grave, la réalisation d’hémocultures est indiquée et également l’échographie des voies urinaires dans les 24h, en cas de signe de gravité ou de pyélonéphrite aigüe gravidique hyperalgique. Un bilan sanguin avec NFS, CRP et créatinémie est recommandé.
Stratégie et traitement:
L’hospitalisation est usuelle et conseillée, après laquelle un traitement ambulatoire est envisageable chez certaines patientes. Le retour à domicile est le plus souvent possible après 48-72h de surveillance quand la pyélonéphrite aigüe gravidique est sans signe de gravité, sous réserve de disposer des résultats d’ECBU et d’une évolution favorable (accord professionnel). Le traitement doit être débuté sans attendre les résultats de l’antibiogramme. Le choix de l’antibiothérapie probabiliste dépend de la présence ou de signes de gravité et dans les pyélonéphrites aigues graves, les facteurs de risque d’infection à EBSLE (entérobactéries productrices de B lactamase à spectre étendu).
Traitement en l’absence de signe de gravité:
- 1e intention : Céphalosporines de 3e G par voie injectable (cefotaxime , ceftriaxone)
- En cas d’allergie, Aztréonam (en hospitalisation) ou ciprofloxacine (en l’absence de traitement par quinolones dans les 6 derniers mois)
Traitement avec signe de gravité :
- 1e intention : Céphalosporines 3e génération parentérale (Céfotaxime ou ceftriaxone) + amikacine
- En cas d’allergie: Aztréonam + amikacine
- En cas d'antécedent de CUG ou IU à EBLSE <6 mois ou de choc septique avec au moins un facteur de risque d'IU à EBLSE: Imipénème + amikacine
Traitement après antibiogramme:
Les antibiotiques recommandés sont : Amoxicilline Amoxicilline + acide clavunique Céfixime Cirofloxacine SMX-TMP (sauf les 2 1er mois de grossesse)
La durée du traitement est habituellement de 10 à 14 jours. Une récidive de pyélonéphrite aigüe est observée chez 20% des femmes enceintes, c’est pourquoi, il est conseillé de réaliser un ECBU de contrôle de 8 à 10 jours après la fin du traitement puis tous les mois jusqu’à l’accouchement (accord professionnel).
Source : Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française - Décembre 2015.