Le 5e rapport de L’Enquête Nationale Confidentielle sur les Morts Maternelles (ENCMM), intitulé : « Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir », publié en octobre, dresse un état des lieux des décès maternel sur la période 2010-2012 en France.
Le rapport recense 256 décès maternels sur la période 2010-2012, soit 85 femmes décédées par an en France d’une cause liée à la grossesse, l’accouchement ou bien dans le post-partum. Si le ratio de mortalité maternelle (10,3/ 100 000 naissances) est stable comparativement à la période 2007-2009, et dans la moyenne des pays européens, malgré tout 56% de ces décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables ». L’analyse révèle aussi que dans 60 % des cas les soins dispensés n’ont pas été optimaux.
Des caractéristiques à risque
On constate que Le risque de mortalité maternelle (RMM) selon les âges est statistiquement significatif à partir de 35 ans. Celui-ci est multiplié par 2,4 pour les femmes âgées de 35-39 ans, et par 3 au-delà de 40 ans. Le pays de naissance impacte également ce risque : les femmes nées en Afrique subsaharienne présentent un risque plus élevé, 3 fois celui des femmes nées en France. Et Parmi ces décès, le groupe le plus représenté est celui des femmes nées en Haïti. Globalement, le rapport pointe une mortalité des femmes migrantes, 2.5 fois plus que celle des femmes nées en France. Les Disparités s’observent aussi en fonction du lieu de résidence, une fois de plus tout le monde n’a pas les mêmes chances ! Les DOM se démarquent largement avec un RMM 4,5 fois plus qu’en métropole. Suivant la même orientation, on observe pour l’Ile de un risque supérieur de 40% comparativement aux régions de France. Si les caractéristiques des femmes n’expliquent pas à elles seules ces hétérogénéités, des variations de prises en charge doivent également sont à prendre en compte.
Mais aussi obésité, grossesses multiples, PMA…
Entre 2010 et 2012, parmi 213 morts maternelles ( information disponible sur le statut d’obésité), 21 % sont survenus chez des femmes obèses, soit une proportion 2 fois plus grande que dans la population générale des parturientes. La grossesse multiple est un facteur de risque de complications obstétricales. Mais son impact sur les altérations sévères de la santé maternelle est assez peu documenté. Sur la période étudiée, 8 morts maternelles sont survenues chez des femmes porteuses de grossesse multiple (7 gémellaires et 1 triple), soit un RMM spécifique de 18,5 décès pour 100 000 accouchements multiples. Cependant, le RMM spécifique des grossesses multiples a diminué de moitié par rapport à celui observé pour la période 2007-2009. Concernant les grossesses obtenues par FIV, 7 morts maternelles sont survenues, dont 2 avec don d’ovocytes, soit 4 % des décès maternels (parmi ceux dont le contexte d’AMP était renseigné), proportion plus élevée que celle rapportée parmi l’ensemble des parturientes (2,3 % dans l’ENP 2010).
Le post-partum : la période noire
La période péri-partum, de l’accouchement à 42 jours post-partum, concentre 56 % des décès maternels (en diminution par rapport à la période 2007-2009 72%); au sein de cette fenêtre, la période la plus critique est le péri-partum rapproché : 21 % des décès surviennent dans les 24 h (post-partum immédiat) et 37 % dans les 7 jours suivant l’accouchement. Toutefois, 21,5 % des femmes sont décédées pendant une grossesse évolutive, sans accouchement, pourcentage en augmentation comparativement à la période 2007-2009 (14%).On note aussi que 10 % des décès maternels surviennent dans un contexte de terminaison précoce de la grossesse (interruption volontaire de grossesse, grossesse extra-utérine, interruption médicale de grossesse ou fausse-couche spontanée). Enfin, 12 % des décès maternels surviennent entre 42 jours et 1 an post-partum, ce qui confirme l’importance d’étendre la surveillance à cette période.
Les hémorragies obstétricales en diminution mais toujours premières
Les décès de causes obstétricales directes représentent près de la moitié des cas, mais en diminution par rapport à la période précédente.
L’hémorragie obstétricale, bien que sa fréquence ait diminué de moitié en 10 ans, elle demeure la 1ère cause de mortalité (11%); la cause principale est l’atonie utérine (41 %), suivie par la rupture utérine (21 %) et les plaies per-césariennes (21 %).
Puis viennent les thrombo-embolies veineuses et les embolies amniotiques, 10 % et 9 % des morts maternelles. Les causes indirectes sont responsables de 39 % des morts maternelles. Les AVC sont la principale entité de la mortalité indirecte, 8 %, devant les maladies cardiovasculaires, 7 %. Six décès maternels sont survenus dans les suites d’une interruption volontaire de grossesse. Ce groupe attire l’attention car il peut être un marqueur des conséquences graves d’un défaut potentiel de couverture contraceptive. Dans 1 cas, il s’agissait d’un avortement clandestin et la femme est décédée d’une hémorragie chez elle.
Pour la période 2010-2012, 11 suicides ont été classés parmi les morts maternelles, 1 comme mort maternelle directe car survenu dans un contexte de dépression du postpartum, et 10 survenus dans un contexte de pathologie psychiatrique préexistante décompensée par la grossesse, et donc classés comme mort maternelles indirectes. Ces 11 suicides représentent donc 4% des morts maternelles en 2010-2012 (versus 4 cas et 1,6 % en 2007-2009 Enfin, 14 % des morts maternelles n’ont pas pu être classées dans le groupe direct ou indirect, faut de cause établie.
Le rapport souligne en ce sens que l’autopsie permettrait d’établir des causes de décès, sauf qu’en France, seuls 29% des décès ont donné lieu à cette pratique alors qu’elle est fortement recommandée dans ce contexte (directive européenne).
Après l’analyse, l’objectif : mieux prévenir les mortalités maternelles
Si 56% des causes de décès sont jugés « évitables » ou « peut-être évitables », suite à cette analyse des mortalités maternelles, le 5e rapport diffuse 22 messages clés à destination des professionnels cliniciens. Ces messages proposent des pistes d’amélioration en terme de soins et d’organisations pour réduire les décès maternels en France. Chaque professionnel doit s’en emparer !
Source : Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir 5e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), 2010-2012 Santé publique France, INSERM