Les bouleversements physiques et psychologiques du post-partum peuvent mettre à rude épreuve la sexualité des couples devenus parents. Pour les aider à retrouver une sexualité épanouie, faisons le point.
Par Delphine Chene, sage-femme, sexologue
Quand les modifications physiques et psychologiques mènent aux troubles sexuels
Le post-partum est une période où les femmes connaissent d’importants bouleversements psychiques et somatiques qui peuvent fragiliser la sexualité de jeunes parents. Pour Jacques Waynberg, médecin sexologue et psychothérapeute, le post-partum représente pour un tiers des femmes un « passage à vide » (1994). Visibles (vergetures, excès de poids, acné, alopècie…) ou invisibles (relâchement périnéale, accouchement traumatique…), les blessures de l’accouchement peuvent troubler la sexualité du post-partum. Il n’y a rarement qu’un seul trouble qui émerge mais plusieurs, en lien les uns avec les autres: l’appréhension (trouble du désir) qui peut conduire à des douleurs (trouble de l’excitation, du plaisir) qui a son tour peut mener à l’ évitement (trouble du désir).
Prendre en charge précocement les dysfonctions sexuelles
La prise en charge précoce permet d’éviter le risque d’une détérioration de la sexualité. Dès les suites de couches, Il est essentiel que les sages-femmes délivrent des informations claires permettant à la patiente de (re)découvrir cette zone génitale après l’accouchement dans un climat bienveillant . L’utilisation d’antalgiques efficaces aidera à diminuer considérablement l’appréhension.
C’est aussi la période où est évoquée la reprise d’une contraception selon les souhaits du couple, afin d’écarter toute peur d’une nouvelle grossesse ou d’un nouvel accouchement, pouvant impacter le désir sexuel du couple. Après, la sage-femme libérale poursuivra la travail en repérant les éventuels problèmes et apporter des solutions avant que la situation ne s’aggrave.
Durant cette période, la rééducation périnéale joue un rôle prépondérant en termes d’éducation et de prévention. Elle constitue un véritable moment d’échange autour des craintes, des douleurs persistantes, de la sexualité. Puis par le biais d’exercices du plancher pelvien, la rééducation va limiter les adhérences, permettre une meilleure compétence périnéale et augmenter la vascularisation de cette zone génitale pour en améliorer la lubrification. Elle va également stimuler la proprioception du périnée amenant la femme à une réappropriation corporelle. Tout ce travail va favoriser considérablement la qualité de reprise des rapports sexuels.
Le passage d’amants à parents
Le couple devienant parents voit ses priorités et ses besoins se modifier. La relation à l’autre change, l’enfant étant au cœur de toutes les préoccupations et prenant bien souvent toute l’attention maternelle (préoccupation maternelle primaire, Winnicot). Bien peu de professionnels informent les couples de ces comportements naturels. Seuls, faisant face à toutes ces problématiques inconnues, le repli et l’évitement deviennent des stratégies fréquentes chez ces jeunes parents. Or la reprise de la sexualité nécessite un espace pour les amants, une disponibilité à soi et à l’autre, une envie de se retrouver.
Et puis parfois, on voit émerger des conjugopathies sur ces périodes dont l’origine est en réalité plus ancienne. La maternité vient alors combler le manque affectif chez la mère qui détourne son attention. Là encore, peu d’informations circulent sur la nécessité d’une prise en charge avant la naissance et même avant la grossesse.
Retrouver une sexualité post-partum épanouie
Les sages-femmes tiennent une place privilégiée auprès des femmes en étant présentent lors de ces périodes de grands changements. Bien avant la mise en place de la grossesse, elles éduquent, échangent, préviennent et informent sur la santé sexuelle.
Chaque consultation de suivi peut permettre de distiller déjà des informations et de repérer certaines problématiques. Toutefois, le moment de la préparation à la naissance et à la parentalité reste le moment le plus propice à la prévention.
La sage-femme doit informer de tous les bouleversements pouvant intervenir chez la femme, chez l’homme mais aussi dans le couple, et de la nécessité d’une consultation précoce pour ne pas que les difficultés persistent et se répercutent sur leur sexualité. Elle doit expliquer l’importance de la réappropriation du corps avec toutes ces cicatrices de grossesse et d’accouchement ainsi que les difficultés directement liées à l’allaitement maternel.
Elle pourra conseiller l’utilisation de lubrifiant pour la reprise des rapports qui devra se faire sans précipitation, quand chacun des membres du couple sera prêt.
Pour conclure, il me paraît important de positiver cette période du post-partum car pour certaines femmes, c’est au contraire l’occasion d’une réelle découverte de leur génitalité, un moment de ressentis et de valorisation de cette zone génitale, la découverte d’une maîtrise périnéale avec de nouvelles sensations. Et puis dans d’autres cas, ce sera la prise d’un statut dans la société de cette fille qui devient mère qui amènera à une meilleure estime de soi, une plus grande confiance et une meilleure assertivité personnelle et sexuelle. L’effet sur le plaisir féminin est alors tout autre et on peut voir une réelle amélioration de la satisfaction sexuelle. La sage-femme pourra également aborder le sujet du plaisir que certaines patientes relatent au moment de l’expulsion : échanger autour de cette « jouissance obstétricale » permettra à la patiente de dédramatiser et d’envisager peut-être son accouchement et ses suites avec une plus grande sérénité.