Les établissements de santé sont de plus en plus performants et innovants, mais avec la diminution des effectifs, les professionnels souffrent de plus en plus d’épuisement. La crise sanitaire n’a fait qu’alourdir le bilan. Alors, comment redonner l’envie d’aller travailler dans un tel contexte ? Christine Benoît nous donne des pistes.
Christine Benoît a été directrice d’établissements de santé pendant plus de 20 ans. Force de son expérience en communication, développement personnel et entrepreneuriat, elle intervient en université et en formation continue, accompagne aussi les dirigeants et créateurs d’entreprise dans leur démarche professionnelle. Elle est aussi l’autrice de l’ouvrage « Manager un établissement de santé ».
Aujourd’hui, le système de santé est une usine à gaz, comment le manager peut-il remotiver les troupes dans un contexte auquel s’est rajoutée la crise sanitaire ?
La motivation, c’est une énergie qui nous pousse à agir.
Cette énergie est de deux sortes : Il y a la motivation extérieure, qui est donnée par le cadre, l’établissement, par la direction. Et il y a la motivation intrinsèque, c’est-à-dire la passion pour son métier.Pour la motivation intérieure, cette énergie peut s’épuiser au niveau corporel par une surcharge de travail, mais aussi au niveau du mental. On sait maintenant que le burn out peut brûler toutes nos ressources. C’est pourquoi, il est essentiel de prendre soin de soi après une garde. Il est aussi important de prévenir les conflits au sein de l’équipe, entre professionnels ou avec les patients.
La motivation des soignants est celle d’être auprès des patientes et non à réaliser des tâches administratives, à se retrouver derrière un ordinateur. Ceci va effriter encore la motivation intérieure.
Tant que le professionnel se dit « chouette, une journée de travail », c’est que la motivation intérieure est toujours là. Mais quand il se dit « encore une journée de travail », son énergie a besoin d’être reboostée. Il faut alors chercher ce qui ne va pas.
La motivation extérieure se nourrit de signes de reconnaissance, elle se nourrit par l’autre, par le cadre, la direction, les patientes. Ce sont des phrases toutes simples, comme « heureusement que vous étiez là », qui viennent apporter la reconnaissance. Il faut savoir remercier les efforts de venir remplacer sur un planning au pied levé lorsqu’une sage-femme est malade, d’avoir pris le temps après une garde de laisser l’office rangée, etc. Si des signes de reconnaissance ne sont pas donnés, les professionnels se diront que quoi qu’ils fassent, on leur dira que ce qui va mal.
La reconnaissance passe aussi par la rémunération, par la célébration en équipe d’événement (une augmentation du nombre d’accouchements à la fin de l’année, la réussite d’une certification…). Ce dernier point aide aussi à solidifier l’équipe et diminuer les conflits.
Les managers sont souvent écrasés par les taches RH et administratives ? Comment pourrait-on les libérer de ces tâches chronophages ?
Tout ce qui est outil doit rester un outil. Les outils informatiques sont là pour nous aider et non pas pour nous faire perdre du temps. Ils doivent être adaptés, rapides d’utilisation. Ils doivent aussi évoluer, s’il y a des lignes à remplir, il faudrait utiliser de l’audio, le recours aux tablettes… Il faut toujours repenser l’outil. On fait souvent une erreur dans le domaine de la santé, lorsqu’on a un outil, on ne l’améliore pas. Il doit être au service du soignant et non le contraire. Les besoins évoluent, le logiciel doit donc suivre ces évolutions.
Selon vous, quelles sont (dans une vie idéale) les missions essentielles du manager ?
Je dirai la présence, on ne peut pas manager dans une tour d’ivoire. Avec les réunions, les plannings, tout le temps passé loin de l’équipe est le plus gros défaut dans le monde du management car préjudiciable pour l’équipe.
La présence va permettre de donner des signes de reconnaissance, de donner l’exemple, quand on veut un service tel qu’on l’a imaginé, il faut le construire et pour le construire ensemble il faut le manager. Quand les choses ne vont pas le travail du manager c’est de redonner le cadre.
Il va motiver , il va soutenir, lorsque les personnes sont en difficultés, il va montrer, aider, accompagner .
Le nombre de réunions mal menées, mal préparées, pas d’heure d’arrivée, pas d’heure de fin, on ne sait pas si on rentre chez soi, si on repart dans le service. Normalement en réunion, on a déjà travaillé le sujet et essayé de trouver des solutions en amont. On perd beaucoup de temps et de l’énergie.
La crise sanitaire a bloqué des projets. Après presque 2 ans, il faut reconstruire, réinventer, lancer des projets malgré tout. Comment accompagner un projet en faisant mieux passer la pilule aux professionnels ?
La première des choses est de faire participer les personnes. La plupart du temps, les projets sont refusés ou mal acceptés parce que les soignants n’ont pas été partie prenante. C’est ce qu’on appelle les mécanismes de résistance. On va mieux adhérer si on a participé à l’élaboration du projet. Une autre astuce c’est de donner un nom plus personnalisé au projet. Ils sont souvent très administratifs.
Quand on lance un projet, il faut être certain de le mener à terme. S’il n’arrive pas à terme, les gens vont se dire qu’il s’agit d’un nouveau projet qui ne va rien donner. C’est vrai que la crise sanitaire a impacté des projets en cours, il faudrait ne pas les avoir abandonnés, parce que là encore les soignants ont pu être démotivés. Il faut aussi les mener dans les délais, pour cela, il faut planifier, travailler avec des managers de projet et faire des points réguliers pour l’état d’avancement sinon ceux qui tiennent les délais seront démotivés au détriment de ce qui ne les tiennent pas.L’adhésion vient aussi des actions passées, selon comment les projets ont été menés et s’ils ont été bien menés.