L’évolution du métier de sage-femme ne serait-il pas intimement lié à celle des conditions de la naissance ? Catherine Thomas apporte un éclairage anthropologique et historique pour mieux comprendre comment les sages-femmes ont dû adapter leur savoir-faire au fil du temps.
« Evoquer la naissance d’autrefois, c’est inévitablement s’interroger sur la naissance d’aujourd’hui » (Gélis,1988). Aujourd’hui, la naissance, c’est 80% d’accouchement médicalisé. La conception normalisée du risque obstétrical tout comme la protocolisation de l’exercice ont impliqué une adaptation du savoir-faire des sages-femmes. Face à la standardisation de la naissance, nombreuses sont les sages-femmes à revendiquer de meilleurs conditions de travail, d’accompagnement et à demander le « une femme, une sage-femme ».
Parallèlement, les femmes prennent la parole depuis ces dernières années et dénoncent les violences obstétricales et gynécologiques, appellent à plus d’humanisation et à une offre de soins plus personnalisée.
Afin de mieux comprendre l’évolution de la naissance et de la profession, l’anthropologue Catherine Thomas a donné la parole aux sages-femmes qui s’efforcent de préserver l’essence même de leur métier : l’eutocie.
Extrait
« Parmi les entretiens formels et informels, fréquents sont les témoignages de femmes qui ne se sont pas senties soutenues dans la gestion ou l’autogestion de la douleur, particulièrement lorsqu’elles ont fait le choix d’un accouchement sans anesthésie.
Dans le cas de Maryse, l’accouchement s’est déroulé sans souci majeur et elle s’est sentie bien accompagnée par l’équipe de la maternité. La seule chose qu’elle regrette, et son cas n’est pas isolé, c’est de ne pas avoir pu gérer la fin du travail comme elle le souhaitait, dans l’écoute de son corps.
« La seule chose qui m’est restée en travers, c’est la position. On m’a fait quand même allonger sur une table d’accouchement, ça ne m’a pas trop aidée à l’expulsion, c’était long. On m’a laissée, jusqu’à la rupture totale de la poche des eaux, après j’étais complétement dilatée, on est parti en salle de naissance et c’est à ce moment-là que c’était difficile. Là je pense que j’aurais adoré rester dans la position où j’ai eu la rupture de la poche des eaux. J’étais accroupie sur un matelas, j’étais bien comme tout. Enfin bien comme tout, comme on peut être à ce moment-là […]Et puis non, on m’a emmenée en salle de naissance, c’était anti-organique, ça m’a coupé le mouvement. »