Fruit de 35 années d’expérience, la pédopsychiatre, Dr Myriam Pierson- Berthier, consacre un ouvrage au dépistage précoce des jeunes enfants victimes de violences sexuelles.
Après avoir exercé dans les services médico-sociaux et comme expert judiciaire, Dr Pierson-Berthier donne dans l’ouvrage « Le bébé maltraité se tait, mais il parle » des pistes pour faciliter le repérage des jeunes enfants victimes de violences sexuelles. Elle sensibilise sur les symptômes, une clinique, une succession de faits que met en évidence le croisement du champ médical et judiciaire et montre l’intérêt de l’approche transgénérationnelle et transdisciplinaire essentielle pour diagnostiquer et prendre en charge les enfants abusés.
Extrait
« La banalisation du mal », telle était l’expression d’Anna Harendt lors du procès de Nuremberg, alors qu’on jugeait les atrocités commises durant la période de barbarie nazie… cette banalisation existe encore aujourd’hui. Elle coexiste avec le déni concernant la barbarie subie par les hommes et femmes sous diverses dictatures.
Que dire de la banalisation et du déni sociétal majeur concernant les maltraitances subies par les enfants et en particulier les bébés, a fortiori lorsque ces maltraitances sont sexuelles ? La campagne Stop au déni, organisée par l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, (présidée par Muriel Salmona) a réalisé une enquête de mars à septembre 2014 auprès des victimes de violences sexuelles, intitulée « Impact et prise en charge des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » (Salmona, 2015). Cette enquête a fait suite au rapport de Jacques Lebas du Haut Comité de la Santé Publique, publié en 2004 :
« Rapport de la commission Genre et Violence : travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé ».
Céline Raphaël écrit cette très belle phrase en fin de son livre La démesure (Raphaël, 2013), qui peut être appliquée aux agressions sexuelles subies par les bébés et les enfants :
« J’espère que ce livre aura fait comprendre que le mal n’est pas toujours criant ou manifeste pour des regards étrangers. Souvent les bourreaux paraissent respectables et les victimes se taisent. À présent, vous saurez mieux entendre la petite voix qui appelle au secours, la petite musique de la souffrance cachée. »
Que vit le bébé ? Qui s’occupe du bébé maltraité ? Où est le bébé qui risque tant, quand les autres enfants de la fratrie sont placés, mais que le juge des enfants décide de laisser le bébé à « la mère » qui l’émeut tant ? Cette mère qui, dans nos traditions, est encore sacrée et ne peut faire de mal à son enfant, et encore moins à son bébé ?
On assiste dans notre société à un véritable escamotage de l’enfant et plus encore quand il est bébé ! Les bébés et les très jeunes enfants sont aussi maltraités que les plus grands, et parfois très gravement, ce que je vais mettre en évidence dans ce livre.
C’est d’autant plus important que la conscience mnésique de ces faits de maltraitances précoces est enfouie et fait trace dans le corps. C’est la porte ouverte aux pathologies somatiques, sociales et comportementales, si fréquentes et si peu explorées dans leur sens de fil conducteur à un passé traumatique précoce, le plus souvent intrafamilial.