Une analyse secondaire de l’essai ASPRE éclaire un point clé : chez les femmes enceintes souffrant d’hypertension chronique, l’aspirine ne prévient pas directement la prééclampsie prématurée, mais repousse son apparition. Une nuance essentielle pour affiner nos pratiques et nos conseils aux patientes à haut risque.
La prééclampsie prématurée, survenant avant 37 semaines de gestation, reste l’une des complications majeures de la grossesse, particulièrement chez les patientes hypertendues chroniques. Les données éprouvées de l’essai ASPRE démontrent que l’aspirine à forte dose (>100 mg/j), débutée avant 16 semaines, diminue nettement le risque de prééclampsie prématurée (EP) chez les femmes à haut risque. Mais qu’en est-il lorsque l’hypertension chronique s’invite dans l’équation ?
Retarder la prééclampsie précoce chez les hypertendues chroniques
L’analyse ciblée sur ce sous-groupe, représentant 7% des participantes de l’étude, révèle une réalité plus nuancée. Comparées au placebo, les patientes hypertendues sous aspirine connaissent en moyenne une apparition plus tardive de l’EP : autour de 35,6 semaines contre 30,5 semaines avec placebo, soit plusieurs semaines gagnées. Un décalage précieuse quand on sait les impacts d’un accouchement prématuré sur la morbidité périnatale et les hospitalisations néonatales.
L'aspirine repousse les effets de la prééclampsie
Toutefois, cette action sur le timing ne suffit pas à faire disparaître l’EP avant terme : la proportion globale de cas prématurés reste similaire entre aspirine et placebo. Autrement dit, l’aspirine semble transformer une EP très précoce en une EP plus proche du terme.
Ces résultats livrent un message double à la pratique clinique. D’un côté, ils confirment que l’aspirine conserve un intérêt chez les patientes hypertendues chroniques, en limitant les formes les plus précoces et sévères. De l’autre, ils rappellent que cette population reste à très haut risque et nécessite un suivi obstétrical intensif, l’aspirine n’étant pas un rempart absolu.
Message pour la pratique clinique
La limite majeure de cette analyse réside dans l’effectif restreint de patientes hypertendues incluses dans ASPRE, rendant délicate l’extrapolation. Mais au vu des bénéfices sur le pronostic néonatal, il paraît improbable — et éthiquement contestable — de priver ce groupe à haut risque d’aspirine dans de futures études.
Pour les sages-femmes et médecins, l’enjeu est donc clair : intégrer ces données dans les protocoles, informer les patientes hypertendues qu’un traitement par aspirine est recommandé pour gagner des semaines précieuses, tout en maintenant une vigilance constante jusqu’à la fin de la grossesse.
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