Au philantro-lab, à Paris, s’est déroulé le 24 novembre 2022, la remise des bourses en recherche maïeutique à l’initiative de la fondation Mustela. Parole de Sages-Femmes vous dit tout sur cette soirée exceptionnelle.
Niché dans le 5e arrondissement, le Philantro-lab, ancienne faculté de médecine de Paris, a accueilli, ce 24 novembre, les représentants de la Fondation Mustela, les membres du comité scientifique et les lauréats pour la remise des prix et bourses de recherche. L’occasion aussi pour fêter les 40 bougies de la Fondation Mustela.
Depuis 1982, la Fondation Mustela finance des projets de recherche en pédiatrie, sociologie histoire et depuis 10 ans en maïeutique. Plus de 220 projets ont pu voir le jour avec le soutien de la fondation en France et dans d’autres pays européens. Elle a pour vocation d’ « encourager les travaux de recherche ou les projets sur le développement de l’enfant et la parentalité, partout dans le monde ». Soigneusement sélectionnés par le comité scientifique, composé de professionnels de la petite enfance exerçant à l’hôpital ou en libérale, les sujets de recherche portent sur les enjeux de notre société actuelle.
La Fondation Mustela et la recherche en maïeutique : L’histoire de la rencontre
L’ambition de faire évoluer la profession et une bonne rencontre, voilà comment a commencé l’histoire du soutien de la Fondation Mustela pour la recherche en maïeutique.
Sophie Guillaume, sage-femme, alors Présidente du Collège National des Sages-Femmes de France a croisé sur son chemin Chantal Lacarde, déléguée générale de la Fondation Mustela en 2011.
Sophie Guillaume souhaitait inscrire la recherche en maïeutique comme une priorité pour valoriser la société savante des sages-femmes et Chantal Lacarde a cru en la profession. Il faut dire que les sages-femmes sont des professionnels incontournables dans la protection de la femme enceinte, du couple et de l’enfant.
Ce soutien a été une véritable opportunité, car à l’époque les sages-femmes se trouvaient en difficultés pour conduire leurs recherches faute de financements. Voilà maintenant 10 ans que des travaux de recherche en maïeutique bénéficient de ce soutien. Obtenir une bourse a été, pour certains lauréats, un véritable tremplin pour poursuivre dans cette voie et pour d’autres, ils sont maintenant des figures bien identifiées de la recherche en maïeutique.
Les lauréates de 2022
Cette année encore les sages-femmes ont à coeur de conduire des recherches parfaitement en lien avec les préoccupations actuelles de santé.
Bienveillance dans les soins, communication soignants-soignés, la dépression du post-partum, voilà des sujets pour lesquels des sages-femmes ont décidé d’investiguer afin d’ améliorer les pratiques et l’accompagnement des femmes. Trois sages-femmes aux profils variés ont été sélectionnées pour recevoir une dotation de 5 000€ chacune.
Emmanuelle Dumas, Directrice Mécénat, Marion Lecorguillé, Lucile Abiola, Marianne Jacques
Lucile Abiola, sage-femme clinicienne au CHU d’Angers, réalise une thèse en épistémologie « MaternETHIC ».
Entre obligations légales, demandes sociétales et gestion du risque biomédical : quelle éthique du consentement et de l’information pour l’accouchement en milieu hospitalier?
Une violence obstétricale peut être définie comme tout « acte médical, posture, intervention, non approprié ou non consenti », selon les termes de l’Académie de Médecine (2018). Il peut donc s’agir d’un acte médicalement justifié, mais sans information préalable ou consentement de la mère, dans un contexte, qui plus est, « de demande sociétale de démédicalisation de l’accouchement » précise Lucile Abiola. Ce type de violence génère des insatisfactions chez les femmes, voire des séquelles psychologiques pouvant aller jusqu’à l’état de stress post-traumatique ou l’altération de l’attachement de l’attachement maternel. Or, durant l’accouchement, des décisions doivent parfois être adoptées en urgence pour la santé de la mère et l’enfant : rupture artificielle des membranes, épisiotomie, application des instruments… Cela complique naturellement le recueil du consentement.
Pour réaliser cette recherche, Lucile Abiola, va d’abord travailler sur un volet quantitatif afin d’estimer la prévalence du stress post-traumatique à un mois de l’accouchement ainsi que les facteurs de risque associés. Ensuite, il y aura un volet qualitatif pour décrire « l’éthique du consentement des professionnels » et la « place laissée aux femmes au processus décisionnel ». Ce travail de recherche a pour objectif d’améliorer les conditions de déroulement des accouchements et de dépasser le dualisme soignants-soignés.
Marianne Jacques, sage-femme au Centre hospitalier Erdre et Loire Ancenis et ingénieure d’étude à l’Inserm, mène une thèse en épidémiologie portant sur les liens entre « soins inappropriés lors de l’accouchement et risque de dépression du post-partum ».
La dépression du post-partum est un véritable problème de santé publique dans le cadre de la « Commission des 1000 premiers jours ». Les connaissances sur la problématique des violences obstétricales et les soins inappropriés durant l’accouchement sont encore insuffisantes, tout comme les liens qu’elles entretiennent entre elles, pourtant elles sont centrales dans la pratique quotidienne des sages-femmes.
Marianne Jacques va s’appuyer sur les données de l’Enquête nationale périnatale (ENP) réalisée en 2021. Elle va étudier les prévalences des soins inappropriés lors de l’accouchement et de la dépression du post-partum deux mois après et rechercher les mécanismes unissant ces deux processus. Le but étant d’identifier des pistes d’amélioration de prise en charge des femmes et dans nos maternités.
Marion Legorguillé, sage-femme de formation et chercheuse postdoctorale à l’Inserm, travaille sur les « stratégies de prévention de l’obésité infantile : impact des facteurs liés au mode de vie familiale dans les 1 000 premiers jours de vie ».
En France l’obésité touche au moins 12% des enfants de 5 à 6 ans. L’objectif de Marion Legorguillé est d’identifier les facteurs d’obésité infantile liés au mode de vie familiale et les « facteurs modifiables du comportement et des leviers d’action » afin d’ébaucher des pistes de prévention.
La période des « 1000 premiers jours » est propice pour prévenir l’obésité et promouvoir la santz future de l’enfant. On connait déjà des facteurs de risque individuels tels que le statut pondéral des parents, le tabagisme maternel durant la grossesse, la prise de poids rapide au cours de la première année, mais peu de travaux portent sur la globalité considérant le mode de vie familial comme l’alimentation, l’activité physique ou sédentarité, l’IMC des deux parents …
Marion Legorguillé va analyser deux cohortes françaises EDEN (déterminants pré et postnatals précoces du développement et de la santé de l’enfant) et Elfe (suivi sanitaire, social et environnemental de l’enfant) pour identifier les facteurs comportementaux et déterminer les profils de familles à risque.
Le monde de la rechercher s’agrandit dans différentes dimensions sociologiques, psychologiques, de santé publique, etc. La recherche en maïeutique offre ces possibilités si vastes. Alors merci aux lauréates de se mobiliser pour accroître la visibilité des sages-femmes, contribuer à l’état des connaissances en maïeutique et améliorer la santé des femmes et merci à la Fondation Mustela pour ce soutien sans faille !