Des chercheurs de l’INSERM ont démontré les effets néfastes de l’Ibuprofène sur le développement de l’ovaire fœtal en cas d’exposition au 1er trimestre de grossesse.
L'Ibuprofène mesuré dans des tissus ovariens
L’étude a porté sur des tissus ovariens (après consentement des mères et conformément à la procédure de l’Agence nationale de la recherche biomédicale) issus de 185 fœtus, entre 7 et 12 semaines, à la suite d’IVG. Aucune IVG n’était liée à une anomalie fœtale.
Pour analyser l’exposition, l’Ibuprofène a été mesuré dans le sang du cordon ombilical parmi des femmes qui avaient consommé (400 ou 800 mg) ou non le médicament pour une analgésie préventive avant l’IVG. Ensuite, la poursuite de l’analyse a été réalisée avec culture ex vivo des tissus ovariens pendant 7 jours, entre 1 et 100 μM. Puisque les concentrations thérapeutiques d'ibuprofène dans le plasma varient de 10 à 200 μM, les concentrations de l’Ibuprofène utilisées dans l'étude étaient de 10 μM pour tester l'effet thérapeutique et de 100 μM pour évaluer les effets dose-réponse potentiels.
Quels sont les résultats ?
D’abord, ils ont constaté que :
L’Ibuprofène traverse la barrière placentaire. La concentration en Ibuprofène était plus importante dans le cordon ombilical de 13 fœtus quand la femme avait ingéré 800mg de la molécule 2 à 5 h avant l’IVG (0,37-14,5 μM), comparativement à la prise unique de 400mg (0,83-6,95 μM). Elle était nulle lorsque la mère n’avait pas consommé le médicament.
Il supprime la production de prostaglandine E2 ovarienne. Un jour d’exposition à cet AINS à 10 μM a diminué de plus de 66% la production de prostaglandine E2.
L’Ibuprofène bouleverse la croissance des cellules ovariennes. Lorsque les organes étaient exposés à l'ibuprofène à la concentration de 10 μM pendant 7 jours, le nombre total de cellules ovariennes était significativement réduit (de -50% en moyenne) par rapport aux témoins non exposés, quel que soit l'âge de développement de l'explant.
La molécule induit la mort cellulaire dans l’ovaire fœtal. Le pourcentage de mort cellulaire était plus élevé dans les explants exposés à l’Ibuprofène et il augmente progressivement dès 2 jours après le début du traitement.
Les cellules germinales fœtales sont très sensibles à l’Ibuprofène. Le traitement induisait en moyenne une diminution de 30 % des cellules germinales. Après un sevrage de 5 jours pour les explants exposés pendant 2 jours au traitement, il persiste encore un taux d’apoptose élevé. Mais il semblerait que les cellules ayant résisté au traitement peuvent proliférer à l’arrêt de celui-ci, néanmoins, les chercheurs n’excluent pas des éventuels dommages sur l’ADN de ces cellules.
L’ibuprofène en vente libre
Presque 30% des femmes ont déclaré avoir consommé de l’Ibuprofène pendant leur grossesse en 2013. Comme le Paracétamol, l’Ibuprofène est couramment utilisé et en vente libre dans les pharmacies. Si on sait que cet AINS est clairement contre-indiqué à partir de 24 semaines de grossesse, cette étude, bien qu’expérimentale, appelle au principe de précaution pour l’utiliser avant.
Source :
Ibuprofen is deleterious for the development of first trimester human fetal ovary ex vivo
S Leverrier-Penna, RT.Mitchell, E.Becker, L.Lecante, M. Ben Maamar, N.Homer, V.Lavoué, DM.Kristensen, N.Dejucq-Rainsford, B.Jégou, S.Mazaud-Guittot
Human Reproduction, 02 February 2018