Alors que le travail de nuit hospitalier est susceptible d’impacter négativement la santé et la vie sociale des travailleurs, il est intéressant de se demander comment ils appréhendent la qualité de vie et les conditions de travail. L’étude ALADDIN menée dans les hôpitaux de Paris apporte des données sur un sujet trop peu documenté.
En plus de 20 ans (entre 1990 et 2013), le recours au travail de nuit a doublé en France et le secteur de la santé y est particulièrement représenté avec les sages-femmes, les infirmiers et les aide-soignants. Pourtant, le travail de nuit est connu pour ses répercussions sur la santé : troubles du sommeil, anxiété, augmentation du risque cardiovasculaire, certains cancers et troubles métaboliques. La vie sociale et familiale n’est pas non plus épargnée.
Mais alors, que sait-on de la qualité de vie et des conditions de travail des travailleurs de nuit hospitaliers ?
Si le sujet fait l’objet d’une stratégie nationale depuis 2016, le travail de nuit reste encore peu connu. L’étude ALADDIN offre l’opportunité d’enrichir les données sur ce sujet. Elle a été menée dans 39 hôpitaux de l’Assistance Publique de Paris (AP-HP) entre le 15 juin et 15 septembre 2020, auprès de tous les professionnels travaillant de nuit ou en alternance jour, nuit (sauf les médecins). L’objectif de l’étude était de décrire la qualité de vie des participants et de la comparer entre les différents participants. Pour se faire, la QVCT a été évaluée à l’aide du questionnaire WRQoL qui permet d’évaluer le bien-être général, l’équilibre vie personnelle, vie professionnelle, la satisfaction au travail vis-à-vis de la carrière professionnelle, le contrôle au travail, les conditions de travail et stress au travail.
Seules 10% des sages-femmes estiment que leur travail est reconnu par la hierarchie
Ce sont 1 497 travailleurs qui se sont connectés sur le site de l’AP-HP et ont un répondu à au moins un item du questionnaire (sur un total de 12 000).
L’échelle WRQol a été complétée par 1 387 personnes représentées par 52,3% des infirmiers, 38,2% d’aide-soignants ou techniciens, 4,2% des sages-femmes, 0,8%-cadre et 4,6% à d’autres catégories professionnelles. Plus de 75% occupent un poste fixe de nuit et l’ancienneté moyenne de nuit est de 9 ans.
De façon globale, plus de 38% se déclarent satisfaits de la qualité de vie générale au travail de leur vie professionnelle et 65,9% estiment que leurs horaires actuels sont adaptés à leur situation personnelle. Par contre, seuls 17,3% des travailleurs estiment que la qualité du travail est reconnue par le supérieur hiérarchique.
Par catégorie professionnelle, les infirmiers sont les moins satisfaits de la qualité de vie au travail avec 34,7% (vs 50,5% les autres professionnels).
Lorsqu’on aborde la question sur l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle, 13,1% des sages-femmes se déclarent bénéficier d’une infrastructure adaptée et d’une flexibilité adéquate pour concilier travail et vie de famille. Ce pourcentage varie dans les autres catégories professionnelles entre 27,5% et 39,9%.
Les sages-femmes sont également la population à trouver les horaires de travail le moins adaptés en regard de leur situation personnelle, avec 38,4% vs 55,4% à 76,2% des autres catégories professionnelles.
A contrario, la satisfaction vis-à-vis de la carrière professionnelle est plus importante chez les sages-femmes ; 82% des sages-femmes estiment avoir des objectifs clairs à atteindre dans leur travail (vs 57,6% et 74% des autres catégories professionnelles), 70,1% sont satisfaites de leur formation reçue pour exercer leur travail (vs 46,7% et 55,2%).
Petit bémol, d’un point de vue de la reconnaissance de la qualité du travail par les supérieurs hiérarchiques, puisque seules 10% des sages-femmes que leur travail est reconnu (vs 31,7% et 30,3% des autres catégories professionnelles).
Le stress au travail est aussi représenté de façon importante chez les sages-femmes avec 73% (contre 37,3% et 46,9% des autres catégories professionnelles).
Les résultats montrent que les sages-femmes sont la catégorie professionnelle à avoir le plus de difficultés à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il faut dire que dans l’étude 95,1% des sages-femmes sont concernées par l’alternance jour/ nuit.
Aussi, elles déclarent un haut niveau de stress au travail, une insatisfaction dans les conditions de travail et un manque de reconnaissance de la part des supérieurs hiérarchiques.
Les sages-femmes sont les seules professionnelles de l’étude à présenter un caractère spécifique, c’est-à-dire une profession médicale avec un haut niveau de responsabilité.
Ceci confirme les données du rapport du Collège National des Sages-Femmes de France qui identifiaient le conflit vie professionnelle et vie personnelle et le manque de reconnaissance comme des facteurs de risque d’épuisement émotionnel.
Innover en QVCT !
Cette étude a été réalisée lors d’une période particulière puisqu’après la première pandémie de COVID 19. Il se pourrait que les perceptions des professionnels de santé aient été influencées.
Même s’il s’agit d’un échantillon issu de la région parisienne, on retrouve malgré tout, pour les sages-femmes, des points de corrélation avec l’enquête nationale du CNSF.
La qualité de vie et conditions de travail ne sont pas à sous-estimer, il faut investir, pour garder des professionnels impliqués, en bonne santé, en capacité de prendre soin de la population, leurs rôles sont bien trop importants !