La mortalité maternelle concerne une femme tous les quatre jours selon le 6e rapport de l’ENCMM. Dans un récent article du BEH, Santé publique France apporte des précisions sur les données épidémiologiques des suicides maternels et des stratégies de prévention.
La période périnatale est d’une grande vulnérabilité, les bouleversements physiques, psychiques, sociaux peuvent être si importants qu’ils peuvent conduire à la survenue ou l’aggravation de troubles psychiatriques.
Ces troubles sont délétères pour la mère, l’enfant à venir et après sur la relation d’attachement. Ils ont tendance à être négligés par les mères elles-mêmes, mais aussi le corps médical. Pourtant, non pris en charge, les conséquences sont susceptibles d’être dramatiques : le suicide de la mère.
Sur la période 2013-2015, l’ECNMM (Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles) chiffrait cette mortalité à 1,4 femme sur 100 000 naissances, dont les décès étaient majoritairement évitables avec des stratégies de prévention efficaces.
Avec 35 suicides rapportés dans la 6e ENCMM, soit 13,4%, les décès maternels à un an post-partum, en France, ils sont devenus la première cause de mortalité des mères.
À quelle période les mères mettent-elles fin à leurs jours ?
L’analyse des données montre que 77% des femmes se suicident tardivement dans le post-partum et 23% dans les 42 premiers jours du post-partum. Le délai médian est à 4 mois après l’accouchement.
Quels sont les facteurs de risque ?
Les facteurs de risques sont nombreux. La composante psychosociale (antécédent de violences, difficultés financières, l’isolement, l’absence de conjoint, difficultés financières …) concerne 43% des suicides.
Les femmes présentant des antécédents de troubles psychiatriques sont susceptibles de décompenser en période périnatale et les données montrent que 33% des femmes qui se sont suicidées souffraient de troubles psychiatriques connus.
Le risque de suicide augmente en cas d’addiction, de complication de la grossesse et d’accouchement.
Des décès évitables
Parmi les décès suffisamment documentés, soit 91%, ils pourraient peut-être ou probablement être évités avec une prise en charge adaptée.
En effet, des données (Vacheron et al.) soulignent que dans 90% des cas la prise en charge était inadaptée : changement de psychotrope par le psychiatre référent sans orienter vers une structure adéquate, sans informer la maternité et sans réévaluer la situation en post-partum, absence de diagnostic ou retardé, défaut de dépistage des vulnérabilités, défaut de communication entre professionnels de soins.
Comment prévenir le suicide maternel ?
Les principaux axes pour réduire le suicide maternel passent par le dépistage des vulnérabilités et l’amélioration des soins psychiatriques en période périnatale.
La grossesse offre bien des opportunités - par les consultations , les échographies, l’entretien prénatal précoce, etc. - de dépister des vulnérabilités. Il est ainsi nécessaire que les professionnels de la périnatalité soient formés au dépistage des vulnérabilités et à la santé mentale périnatale.
Selon plusieurs recommandations internationales, il est préconisé de procéder au dépistage précocement et de façon répétée.
À ce jour, le projet gouvernemental des 1000 premiers jours prévoit un parcours identifié avec trois moments clés contribuant au dépistage des vulnérabilités :
- Le dépistage prénatal précoce obligatoire depuis 2020, mais selon l’Enquête nationale périnatale de 2021, seuls 36,5% des femmes déclarent en avoir bénéficié
- Lors du séjour à la maternité
- Le dépistage postnatal, obligatoire depuis 2022, réalisé entre la 4e et la 8e semaine post-accouchement.
Le projet du gouvernement donne aussi aux parents qui le souhaitent la possibilité de remplir l’échelle d’Edimbourg et d’être orientés vers l’association « Maman blues » en fonction du score. Il prévoit également un renforcement des visites à domicile par la PMI (sage-femme, puéricultrice), le développement de nouvelles unités mère-enfant et la mise en place de nouvelles équipes mobiles en psychiatrie périnatale.
Parmi les autres actions, la Haute Autorité de santé a inscrit dans son programme de travail l’élaboration d’une recommandation de bonnes pratiques sur le thème « Repérage, diagnostic et prise en charge des troubles psychiques périnatals ».
Le site 1000-premiers-jours.fr développé par Santé publique France informe et sensibilise les parents sur les difficultés de cette période et comment ils peuvent être soutenus.
Une ligne téléphonique pour prévenir le suicide (3114) est à disposition depuis octobre 2021 pour les personnes en détresse, mais aussi pour les professionnels de santé qui ont besoin d’informations ou d’un avis spécialisé.
Pour favoriser la communication entre professionnels de santé, l’expérimentation des référents en parcours en périnatalité a été mise en place (RéPAP). Ces référents sont les interlocuteurs uniques pour les familles de la grossesse aux 3 mois de l’enfant et permettent la coordination entre les différents professionnels de santé.
Le renforcement des staffs médicopsychosociaux et une meilleure articulation ville-hôpital sont aussi des paramètres favorisant une meilleure prise en charge des femmes ayant des vulnérabilités.
Photo de Kristina Paukshtite: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mere-tenant-son-bebe-3270224/