Dans son livre Nourrir la vie*, Patricia Duchateau présente de façon simple et claire les grands principes de l'alimentation selon la diététique chinoise de la femme enceinte.
Patricia Duchateau, Sage-femme depuis 1990, exerce au Centre hospitalier Intercommunal Elbeuf-Louviers-Val de Reuil. Après vingt années d’exercice en salle de naissance, elle se consacre actuellement à la consultation de suivi des grossesses. Patricia Duchateau pratique également l'acupuncture depuis 2006 et fait partie de l’Association des Sages-Femmes Acupuncteurs du Nord-Ouest (ASFANO).
En proposant des recettes faciles à réaliser, cet ouvrage "Nourrir la vie" permet de comprendre comment la médecine chinoise a pensé l'importance d'une alimentation de qualité pour le bon déroulement de la grossesse. Ainsi, "il ne s'agit pas uniquement de manger correctement, mais de nourrir subtilement la vie en soi".
Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
J'ai écrit ce livre pour répondre à l'inquiétude des patientes qui se demandent toujours ce qu'elles peuvent manger pendant la grossesse. J'ai voulu aussi les rassurer par rapport au fait qu'elles croient qu'il y a beaucoup d'interdits dans l'alimentation des futures mamans. Lors de mes consultations, j'ai également découvert qu'il y avait de nombreux déséquilibres alimentaires responsables de prise de poids excessifs et de différentes pathologies comme le diabète, la macrosomie fœtale ou encore l'hypertension.
L'alimentation reste un excellent outil pour pouvoir maintenir la physiologie de la grossesse. De plus, la pratique de cette diététique maternelle permet de résoudre de nombreux petits maux de la grossesse, comme le reflux, la constipation, les nausées... Ce qui amène également à moins médicaliser les grossesses.
Les recettes que vous proposez sont inspirées des principes millénaires de la médecine chinoises, sur quoi reposent ces principes ?
La pensée chinoise est globalement axée sur le fait que l'Homme est au centre des échanges entre le ciel et la terre, que sa vitalité et son équilibre énergétique sont dus à l'air qu'il respire et à l'alimentation qu'il consomme. Cela est donc la base, c'est-à-dire le Chi, une impulsion de cette énergie qui va nous animer et nous donner vie.
En fait, l'équilibre énergétique est la recherche de la santé et être en bonne santé, c'est être en bon équilibre entre le Yin et le Yang. Nous allons donc avoir des aliments Yin et d'autres plutôt Yang et cette recherche consiste à équilibrer les plats, les activités pour avoir à la fois dans la journée des périodes Yin ou Yang. Cela permet aussi un bon équilibre intérieur. Ce qui me paraît très intéressant dans ce que propose la diététique chinoise est le Jing, c'est-à-dire la vitalité que nous donne l'aliment, ce que l'on pourrait appeler les vitamines. L'aliment va ainsi nous transmettre sa vitalité pour soutenir notre propre vitalité.
La première recommandation de cette pratique millénaire est de manger des produits de saisons qui reçoivent moins de produits phytosanitaires, cultiver dans nos régions et fraîchement récoltés ce qui est un discours complètement actuel et qui répond également à des inquiétudes écologiques.
Je reçois en consultation des patientes jeunes totalement épuisées et je me rends compte que dans leur alimentation elles consomment beaucoup d'aliments conservés depuis longtemps (yaourts aux fruits, conserves…) et peu de produits frais.
L'autre élément intéressant dans les principes de la diététique chinoise, c'est l'équilibre des saveurs afin de retrouver le goût des différents aliments. Ainsi, consommer des produits frais permet de redécouvrir toute cette sensorialité et l'on sait aujourd'hui que l'on obtient davantage de satiété en prenant son temps pour manger, pour mastiquer, pour goûter les aliments. Les saveurs vont ainsi venir nous nourrir de manière subtile, mais dès qu'elles sont en excès ou répétitives, elles deviennent toxiques, selon cette diététique, ce que nous observons aujourd'hui avec le sucre par exemple et la une forte hausse du diabète chez les femmes enceintes.
En quoi, vos recettes sont-elles différentes et quels sont leurs principaux bénéfices ?
Les recettes que je propose apportent un bon équilibre énergétique. Elles favorisent le développement harmonieux du fœtus et maintiennent la mère en bonne santé pendant la grossesse en évitant les carences en fer, en vitamines…
La diététique chinoise a déterminé cinq périodes en fonction des besoins fœtaux. J'ai été très étonnée de découvrir qu'au 6ème mois de grossesse, période où nous supplémentons en vitamine D et où le fœtus fixe le calcium sur ses os, la diététique chinoise a dit (il y a 2000 ans !) que les aliments consommés à cette période doivent venir soutenir le développement osseux de l'enfant à naître. La diététique chinoise est ainsi totalement en lien avec les découvertes actuelles et il n'y a aucune incompatibilité.
Nos découvertes actuelles ne viennent que soutenir ce qui a été découvert par les chinois il y a 2000 ans. Ces derniers avaient l'obsession de vivre très longtemps et en bonne santé, ils ont approfondi leur connaissance en diététique au point de connaître chaque aliment et leur impact sur les organes (estomac, intestins, poumons...). Enfin, pour les recettes proposées dans mon livre, je me suis concentrée sur des produits simples à trouver, peu coûteux, faciles et rapides à préparer.
Les recettes sont-elles destinées à toutes les femmes enceintes ?
Les recettes sont destinées à toutes les femmes enceintes qui ont une grossesse physiologique. Ce sont des recettes simples, rapides et très pauvres en sucres rapides. Il est important d'insister sur le fait que ce n'est pas un régime, ce sont des recettes équilibrées valables pour toute la famille et qui amènent à cuisiner des choses simples. Par ailleurs, la grossesse est une bonne période pour les couples de s'investir dans la préparation des repas et de se faire plaisir.
Privilégiez-vous certains aliments ?
Je ne privilégie pas certains aliments puisque nous sommes toujours dans une recherche d'équilibre, en revanche je privilégie les sucres lents par rapport aux sucres rapides. Les sucres lents ont été beaucoup incriminés, notamment concernant la prise de poids, beaucoup de femmes ont ainsi supprimé les céréales, le pain, les féculents… Dans mon livre, je leur propose de réintroduire ces aliments, de favoriser les légumineuses (fèves, haricots blancs ou rouges, lentilles, pois, chiches…). Dans une assiette, il faut la moitié de céréales ou légumineuses, un quart de légumes et un quart de viande ou de poisson.
Quelles conseils souhaitez-vous donner aux sages-femmes qui souhaiteraient proposer ce type d'alimentation à leurs patientes ?
La pratique de l'entretien diététique, m'a amené à écouter les patientes avant de leur donner des conseils alimentaires. On découvre ainsi la façon dont elles consomment, car quand on les interroge elles nous disent ce que nous avons envie d'entendre ! Il faut également combattre les idées reçues, comme les bienfaits du jus d'orange au petit déjeuner ou encore que les femmes enceintes ont besoin de calcium. L'assimilation du calcium est augmentée pendant la grossesse et nous avons en France une alimentation qui n'est pas carencée en calcium.
Il est important de dire aussi qu'il ne faut pas se mettre au régime pendant la grossesse, mais proposer une régulation en fonction de ce que la patiente nous a dit sur sa façon de manger et ne pas vouloir changer trop de choses car c'est compliqué de changer notre alimentation qui est imprégnée en nous depuis notre vie fœtale. Dans mes recommandations, je propose à mes patientes et en accord avec elles de changer une seule chose, comme de boire de l'eau au lieu des sodas, de consommer des féculents ou des fruits et légumes à volonté et de cuisiner des recettes simples.
Il ne faut pas proposer de restrictions, ni s'éloigner de leurs habitudes alimentaires, car manger doit rester un plaisir. Le dernier point sur lequel j'insiste également et de proposer dès le début de la grossesse quelques recommandations alimentaires pour éviter les nausées et vomissements en supprimant les produits crus et les produits froids, car quand elles s'aperçoivent que cela fonctionne, elles adoptent.
En qualité de sages-femmes, le cœur de notre métier reste la prévention, la physiologie de la grossesse et j'estime que 80 % de la pathologie en obstétrique pourrait d'être évitée avec la prévention et un accompagnement nutritionnel dès le début de la grossesse.
*Editions Centon – 10,00 €