La prise de paracétamol est possible pendant la grossesse, mais mieux vaut privilégier une dose efficace faible et sur une courte durée. Les auteurs d’un article publié dans l’Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica nous expliquent pourquoi.
Près de 50% des femmes enceintes consomment du paracétamol dans le monde. Le plus souvent ce sont les céphalées qui motivent la prise du médicament. Lorsque l’exposition in utero est de faible durée, les risques sont inexistants ou très faibles. Par contre, en cas d’exposition prolongée au paracétamol, des études ont montré que le médicament pourrait affecter le développement du cerveau fœtal.
Paracétamol et son impact in utero : que nous apprennent les études récentes ?
Si la plupart des études s’appuyaient sur la base d’une utilisation autodéclarée, les plus récentes ont employé les biomarqueurs pour mesurer l’exposition prénatale au paracétamol.
Les biomarqueurs ont permis de constater des différences de méthylation de l’ADN dans le sang du cordon des enfants atteints de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité exposés in utero de façon prolongée au paracétamol (plus de 20 jours).Ces différences de méthylation de l’ADN ont été observées dans les gènes impliqués dans le stress oxydatif, les voies de transmission neuronale et les voies sensorielles olfactives (étude MoBa).
D’autres études ont montré une association entre des niveaux de métabolites de paracétamol élevés dans le cordon ombilical et le risque de TDAH et trouble du spectre autistique ou bien une association entre une exposition in utero mesurée dans le méconium et la manifestation de TDAH chez les enfants âgés de 6, 7 ans. Les enfants exposés au paracétamol, mesuré dans le méconium, présentaient 2 fois plus de risque de développer un TDAH.
Les études ont également montré un effet dose-réponse de l’exposition du paracétamol in utero sur les effets indésirables du développement du cerveau. L’exposition à long terme, c’est-à-dire 20 à 30 jours était associée à un risque plus élevé.
Quels sont les mécanismes mis en jeu ?
Le paracétamol passe le placenta et la barrière hémato-encéphalique par diffusion passive.
Plusieurs mécanismes pourraient expliquer l’effet du paracétamol sur le développement neuronal in utero. Des auteurs évoquent l’inhibition de la synthèse des prostaglandines qui jouent un rôle dans l’apprentissage spatial, la plasticité synaptique et le développement cérébelleux.
Une autre hypothèse est celle que le paracétamol affecterait le système endocannabinoïde qui joue un rôle essentiel dans le développement du cerveau. Ou encore deux processus, l’un qui active l’immunité maternelle induite par la maladie qui motive la prise de paracétamol et l’autre généré par les effets du médicament. Le paracétamol est aussi susceptible de provoquer un effet de stress oxydatif et inflammatoire impactant alors le développement normal des microglies ayant un retentissement sur celui du cerveau.
On connait aussi au paracétamol des effets de perturbateurs endocriniens qui peuvent modifier les hormones du fœtus.
Les mécanismes physiopathologiques du TDAH et du TSA sont multifactoriels et il semble plausible que les résultats neurodéveloppementaux indésirables peuvent être causés par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux.
Paracétamol : Une utilisation raisonnée
Les données scientifiques collectées jusque-là suggèrent que le paracétamol affecte le cerveau fœtal et qu’il existe une association entre la prise de paracétamol à long terme et un risque plus élevé de TDAH et TSA. Par ailleurs, il est possible qu’il existe des facteurs de confusion liés par exemple aux facteurs familiaux. En attendant plus de preuves pour rendre plus solide ce lien d’association, les auteurs préconisent une utilisation de paracétamol avec parcimonie aux femmes enceintes, car rappelons-le, ce médicament ne nécessite pas de prescription médicale et sa prévalence d’utilisation pendant la grossesse est importante.
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