Au moins un cabinet médical sur 10 spécialisé en gynécologie, chirurgie dentaire ou psychiatrie refuse les patients en situation de précarité. C’est ce que rapporte une étude réalisée par le Défenseur des droits.
L’accès aux soins présente des inégalités, dans cette enquête portant sur les refus de soins discriminatoires liés à l’origine et à la vulnérabilité économique dans trois spécialités médicales réalisée par le Défenseur des droits, ce sont les personnes en situations de précarité qui sont concernées. La Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) ont été mis en place pour offrir des soins pour tous, pourtant il semblerait que les bénéficiaires n’accèdent pas si facilement à certaines spécialités médicales dont la gynécologie, la psychiatrie et la chirurgie dentaire.
Près de 42% des bénéficiaires de l’ACS ou de la CMUC-C n’ont pas obtenu de rendez-vous
Un testing téléphonique mené entre février et mai 2019 a mesuré les différences de traitement dans l’accès aux soins dans ces disciplines. Plus de 1 500 cabinets de ces trois spécialités ont été testés, 4 500 demandes de rendez-vous et 3 000 tests ont été réalisés. Les résultats ont montré que plus d’un cabinet sur 10 refuse les patients bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS avec 9% des chirurgiens-dentistes, 11% des gynécologues et 15% des psychiatres. Près de 42% des patients bénéficiant de ces prestations n’ont pu obtenir un rendez-vous avec une des 3 spécialités. Cela concernait davantage les praticiens en secteur 2, comparativement en secteur 1. Et ceux bénéficiant de l’ACS rencontraient 2 fois plus de refus de soins. Aussi, la discrimination à la CMU-C et à l’ACS était d’autant plus importante quand l’appel était reçu par un praticien que par une secrétaire.
Des discriminations selon les origines, identifiées par rapport au nom, ont été observées dans certaines régions notamment en Bretagne et en Centre-Val de Loire contrairement à la région PACA.
Refus de soins en cas de précarité et selon les origines : un délit ?
Cette étude n’a-t-elle pas mis l’accent sur un point sensible ? Car les lois portant sur les discriminations s’appliquent aussi aux soins.
L’étude rappelle que « les professionnels de santé se voient reconnaître la possibilité de refuser de dispenser leurs soins comme le rappelle expressément l’alinéa 2 de l’article R. 4127-47 du code la santé publique : « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. […] ». Toutefois, cette possibilité n’est légitime que dans certaines conditions qui s’inscrivent dans un cadre juridique complexe. Il convient de distinguer juridiquement les refus de soins selon qu’ils sont explicites et directs ou non, et selon qu’ils sont liés à la personne du patient ou non (Ministère de la santé, 2010). Les situations de refus de soins discriminatoires constituent un cas de refus de soins illicite (Dreyfus, 2014). Le code de la santé publique reprend les critères du code pénal et en particulier le refus de soigner un patient au prétexte qu’il est bénéficiaire d’une Couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), de l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) ou de l’Aide médicale d’Etat (AME). Un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’une personne bénéficiaire de l’une de ces aides sous conditions de ressources, ciblée sur les ménages en situation de vulnérabilité économique, est non seulement un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, mais aussi un délit au regard de la loi et un sujet d’intérêt pour les autorités publiques (Ministère de la santé, 2010, Défenseur des droits, 2014) ».
Source : Les refus de soins discriminatoires : tests multicritères et représentatifs dans trois spécialités médicales- Les Défenseurs des droits - Octobre 2019