Cette étude révèle que depuis les recommandations de 2005, le taux d’épisiotomies a drastiquement baissé quel que soit le type d’accouchement et que dans certaines situations le taux de déchirures périnéales a augmenté.
L'épisiotomie est une intervention chirurgicale courante lors de l'accouchement, historiquement justifiée pour faciliter l'expulsion et prévenir les lésions obstétricales sévères du sphincter anal (OASI). Pourtant, cette incision du périnée expose également à des complications maternelles significatives : hémorragie post-partum, rétention urinaire, infection, dyspareunie, anxiété et trouble de stress post-traumatique.
Depuis plusieurs décennies, la littérature scientifique appuie une pratique restrictive de l'épisiotomie, et les recommandations internationales préconisent de limiter son utilisation lors des accouchements vaginaux spontanés. En France, sous l'impulsion des usagers et du CNGOF, une politique restrictive a été instaurée dès 2005, visant un taux inférieur à 30 %. Cette orientation a été confirmée dans toutes les recommandations successives jusqu'en 2018. Toutefois, la réduction systématique de l'épisiotomie a soulevé de nouvelles interrogations, certaines études signalant une augmentation des OASI, notamment dans les accouchements instrumentaux.
Le principal défi est donc de mieux cibler les patients pour lesquels une épisiotomie serait bénéfique. Une classification en sept groupes, introduite en 2019, offre un cadre clinique plus précis pour l'évaluation des pratiques en fonction du contexte obstétrical. Dans cette perspective, les enquêtes périnatales nationales menées en France entre 2010 et 2021 permettent d'analyser l'évolution des taux d'épisiotomie et d'OASI. En utilisant ces données, cette étude publiée dans le journal Plos Medicine a évalué les variations de prévalence de l’épisiotomie et des lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA).
Une étude de grande envergure
Les chercheurs ont examiné les données de 29 750 femmes ayant accouché par voie basse d'un enfant vivant, issues des Enquêtes Nationales Périnatales (ENP) de 2010, 2016 et 2021. L'analyse a pris en compte plusieurs facteurs maternels et obstétricaux, tels que :
- Âge maternel : en 2021, 22,3 % des femmes avaient plus de 35 ans
- IMC ≥ 30 kg/m² : 11,3 % des femmes concernées
- Pays de naissance : 17,7 % des femmes étaient nées hors de France
- Primiparéité : 39,9 % des accouchements
Les chercheurs ont classé les accouchements en sept groupes obstétricaux, en fonction du mode d'accouchement et des facteurs de risque.
Une diminution marquante du taux d'épisiotomie et des situations à risque de déchrirures périnéales
L'épisiotomie a connu une baisse significative au cours de la dernière décennie passant de 25,8% en 2010 à 8,3% en 2021.
Cette réduction a été observée dans tous les groupes obstétricaux, avec des baisses allant de -33 % pour les accouchements par forceps chez les nullipares à -94 % pour les grossesses multiples.
Contrairement aux craintes, la baisse de l'épisiotomie n'a pas entraîné d'augmentation globale des déchirures périnéales sévères (LOSA, déchirures du sphincter anal de 3e et 4e degré).
Toutefois, certaines situations ont montré une augmentation significative des déchirures :
- Les accouchements par spatule chez les nullipares : augmentation de 2,6 % en 2010 à 9,6 % en 2021 (risque relatif ajusté 3,69)
- Les accouchements par forceps chez les nullipares : légère augmentation de 3,2 % en 2010 à 5,7 % en 2021, mais non statistiquement significative
Ces résultats indiquent que la politique restrictive de l'épisiotomie est globalement sécuritaire, sauf peut-être dans certains cas d'accouchements instrumentaux.
Quelles conséquences pour la pratique obstétricale ?
Cette étude apporte des données solides sur l'évolution de la prise en charge obstétricale en France. La baisse importante du taux d'épisiotomie n'a pas entraîné une augmentation globale des déchirures périnéales sévères, mais des ajustements pourraient être nécessaires pour certains accouchements instrumentaux. D’autres recherches seraient aussi necessaires pour déterminer le taux optimal d'épisiotomie pour les situations à risque.
L'enjeu actuel réside dans l'équilibre entre la sécurité maternelle et la pertinence des soins. Une meilleure personnalisation des pratiques pourrait permettre d'assurer un accouchement plus sûr et plus respectueux pour toutes les femmes.
Photo de Craig Adderley: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/noir-et-blanc-femme-mignon-enfant-4041805/