La carence en fer est un trouble fréquent de la grossesse. Pour aider le professionnel à la prévenir, la diagnostiquer et la traiter, le British Journal of Haematology (BJH) a publié un nouveau guide.
Un peu de physiologie…
L’anémie est définie par une faible concentration en hémoglobine. Dès le début de la grossesse, le volume plasmatique augmente plus que le volume érythrocytaire. Il en résulte alors une hémodilution contribuant à une diminution de la concentration en hémoglobine. On parle d'anémie lorsque la concentration en hémoglobine est <110 g / l au premier trimestre et <105 g / l aux deuxième et troisième trimestres et <100 g / l après l'accouchement.
L’anémie peut présenter différentes étiologies dont la carence en vitamine B 12 et en folate, la thalassémie, des troubles inflammatoires, mais dans la majorité des cas, il s’agit d'une carence en fer.
La grossesse est une période où le stock en fer diminue du fait de la croissance et du développement du fœtus et de l’augmentation de l’érythropoïèse maternelle. Si ce stock s’épuise, on parle alors de carence ferriprive.
L’anémie et les risques sur la grossesse
L’anémie pendant la grossesse est fréquente mais ne doit pas être banalisée car elle est associée à un risque augmenté de mortalité et de morbidité périnatales.
Les femmes anémiées par carence en fer sont plus souvent asthéniques. Selon certaines études, elles présenteraient même un risque accru de dépression du post-partum. L’hémorragie du post-partum touche aussi davantage les femmes anémiées. Une étude menée au Royaume-Uni avait montré que l’accouchement de 60% des femmes dont le taux d’hémoglobine est <85g/l s’était compliqué d’une hémorragie du post-partum. Ceci lié probablement par une faible contractilité utérine du fait d’une disponibilité réduite du taux d’oxygène.
Une revue systématique et une méta-analyse menée dans des pays à revenu faible ou intermédiaire montre aussi que l'anémie maternelle était associée à un risque plus élevé de mortalité périnatale et néonatale, de bébé de faible poids de naissance et de naissance prématurée.
Diagnostiquer l’anémie
L’anémie pendant la grossesse peut entrainer des signes cliniques bien qu’ils ne soient pas spécifiques. La fatigue est la plus fréquente, mais il y aussi la pâleur, des vertiges, des palpitations, une dyspnée, de l’irritabilité… Des auteurs ont aussi montré que des femmes développaient la maladie de Pica (géophagies, pagophagie)
Le Royal College of Obstetricians & Gynaecologists recommande de réaliser une numération globulaire en laboratoire à la consultation de 28 semaines.
Prévenir…
Selon les directives britanniques, toutes les femmes enceintes devraient recevoir des conseils diététiques mais une fois que les femmes présentent une déficience pendant la grossesse , l' alimentation seule ne suffit pas à corriger et la supplémentation orale est nécessaire .
Si les preuves sont insuffisantes pour évaluer les avantages et les dangers potentiels d'une supplémentation systématique en fer pour toutes les femmes enceintes, les recommandations préconisent néanmoins de cibler les patientes à risque :
- les femmes qui ont tendance à être anémiées
- les multipares
- les femmes avec une grossesse multiple
- quand l’intervalle de grossesse est < à 1 an
- de mauvaises habitudes alimentaires
- celles qui suivent un régime végétarien végétalien
- les adolescentes enceintes
- les femmes déclinant les produits sanguins peuvent bénéficier de fer à titre prophylactique
Ces femmes non anémiées mais à risque peuvent se voir administrer systématiquement 40-80 mg de fer une fois par jour, ou lorsque la ferritinemie est <30 g / l.
Le traitement
Le 1er niveau de traitement est la prise de fer par voie orale. Pris tôt le matin, estomac vide, avec de l’eau ou avec une source de vitamine C, il serait efficace pour corriger l’anémie. Les antiacides ne doivent pas être administrés en même temps.
Les sels de fer ferreux constituent actuellement la préparation de choix pour la supplémentation en fer par voie orale. Il est recommandé de prescrire 40 à 80 mg tous les matins, en vérifiant l'hémoglobine au bout de 2 à 3 semaines pour garantir une réponse adéquate.
Si la femme souffre de nausées , le professionnel peut s’orienter vers une posologie alternée ou des préparations à teneur réduite en fer.
Une fois que l’hb est dans la plage normale, le traitement doit être poursuivi pendant 3 mois supplémentaires et au moins jusqu’à 6 semaines après l’accouchement pour reconstituer les réserves de fer.
Une administration intraveineuse doit être envisagée à partir du deuxième trimestre chez les femmes présentant une anémie ferriprive confirmée qui ne tolèrent pas le fer ou qui ne répondent pas à celui-ci. Ce guide recommande aussi aux femmes après 34 semaines de grossesse avec une anémie ferriprive confirmée et une Hb <100 g / un traitement de fer par voie intraveineuse.
Référence : UK guidelines on the management of iron deficiency in pregnancy - doi.org/10.1111/bjh.16221