Les liens entre expositions prénatales et produits chimiques sont de plus en plus manifestes. Quelles sont ces molécules incriminées ? Et peut-on aider les futurs parents à faire la chasse aux toxiques ?
Selon le constat de la FIGO (Fédération Internationale des Gynécologues et Obstétriciens), « on trouve la trace de polluants organiques persistants chez les femmes enceintes et allaitantes dans le monde entier ». L’Institut américain du cancer affirme même que les bébés naissent "prépollués".
Laurent Chevalier, médecin nutritionniste, praticien attaché CHRU de Montpellier (Médecine Interne), chef de l’Unité nutrition, médecine environnementale à Castelnau-le-Lez, nous en dit plus.
A quelles maladies exposent les molécules de synthèses pendant la grossesse ?
Les molécules de synthèse exposent à différents troubles ou maladies. Parmi les données dont nous disposons, il existe des risques accrus de malformations, de faible poids de naissance, également des troubles neurocomportementaux (essentiellement à partir d’études expérimentales) qui pourraient expliquer l’augmentation de certains troubles dont les TDAH (troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité).
On incrimine également la responsabilité de l’exposition à diverses substances chimiques dans l’apparition d’allergies (en forte augmentation), d’obésité et de cancers même si les processus sont pluri factoriels. Bien sûr il est nécessaire de poursuivre les études pour affiner nos connaissances.
La nouveauté est la prise de conscience d’une latence entre l’exposition in utéro et l’apparition de pathologies à l’enfance et à l’âge adulte.
Quelles sont les molécules à éviter absolument ?
Il faut avant tout bien hiérarchiser les risques et donner des conseils positifs aux femmes enceintes, c'est-à-dire les inciter à agir sur leur environnement quotidien.
Inutile par exemple de les apeurer sur la pollution atmosphérique sur laquelle elles ne peuvent rien faire, et cela est du ressort des pouvoirs publics.En revanche toute sage-femme, médecin se doit de bien expliquer les dangers du tabagisme, or actuellement on a encore 15 % des femmes enceintes qui fument en fin de grossesse. Cela impacte des dizaines de milliers d’enfants intoxiqués in utero.
Attention à l’alcool, il n’existe pas de seuil connu en dessous duquel il n’y aurait pas de risque, et aussi aux sous déclarations concernant la consommation de drogues et de médicaments.
Ensuite il faut limiter l’exposition aux différents perturbateurs endocriniens présents dans l’alimentation, les cosmétiques, la lingerie, les produits ménagers.
Si on cesse de s’exposer à ces molécules, leurs effets sont-ils irréversibles ?
Malheureusement pas toujours, des dégâts chez l’embryon peuvent être irréversibles selon les molécules et les moments de l’exposition. En plus l’exposition à certains polluants, comme le mercure, entraine une concentration 7 fois plus grande chez l’embryon que chez la mère. Cette situation est heureusement rare et le plus souvent accidentelle, survient notamment dans un cadre professionnel.
Finalement, ces molécules, sont partout peut-on vraiment s’en prémunir ? Si vous aviez 3 conseils à donner aux femmes enceintes pour les protéger de ces substances, que leur diriez-vous ?
Je dirai:
Ne pas fumer, ne pas boire de l’alcool, ni prendre des stupéfiants, ni des médicaments sans avis médical.
Manger bio. S’il y a bien un moment dans la vie où il faut consommer bio c’est pendant la grossesse car il est indispensable de limiter l’exposition aux substances chimiques et notamment aux résidus de pesticides (voir étude Pélagie de l’Inserm)
Limiter l’usage des cosmétiques, des produits ménagers de synthèse et bien choisir son matelas ainsi que celui de son futur enfant : choisir des matelas 100 % latex, idéalement bio. Laisser au papa la préparation de la chambre peinture…et s’il y a des meubles neufs à acheter le faire suffisamment tôt pour laisser s’évaporer les COV (composés organiques volatiles type formaldéhyde) en les plaçant par exemple dans le garage pendant 1 à 2 mois avant de les mettre dans la chambre de bébé.
Et je rajouterai, de ne pas paniquer les femmes enceintes anxieuses, mais les sensibiliser et toujours présenter l’approche toxicologique sous forme de conseils et non d’injonctions. Etablir un véritable lien de confiance...
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