La France est le pays d’Europe où les femmes enceintes fument le plus. Quel rôle peut jouer la sage-femme dans le sevrage tabagique?
Par Marie-Josée Falevitch, sage-femme, sage-femme libérale sophrologue, acupuncteur, spécialisée en rééducation périnéale formatrice, à Marguerittes.
Tabac: la connaissance des risques ne doit pas partir en fumer
Selon une étude clinique, publiée dans la revue Nicotine ans Tabacco Research, 1 femme sur 5 continue à fumer en étant enceinte.
Les conséquences morbides pour la mère et pour l’enfant sont bien connues pourtant, la notion « tabac, facteur de risque» semble avoir du mal à pénétrer dans nos pratiques obstétricales. Paradoxalement, les patientes sont en attente de solution pour parvenir au sevrage en cours de grossesse. Une attente peu formulée directement et souvent restant sans réponse. Un triste constat que j’observe au quotidien dans mon exercice libéral mais également dans ma fonction de formatrice auprès des professionnels.
Dépister et prendre en charge : le devoir du professionnel de santé
L’accompagnement de la femme enceinte fumeuse relève de tout praticien assurant son suivi et son accompagnement. Celui qui assure les consultations prénatales doit prendre en compte tous les facteurs de risque, tout comme la tension artérielle, la mesure du monoxyde de carbone devrait être prise à chaque consultation.
Le professionnel de santé doit favoriser le sevrage de la femme fumeuse, soutenir, prévenir les rechutes. D’ailleurs, l’HAS souligne que « les séances de psycho-prophylaxie obstétricale doivent systématiquement prévoir une interrogation sur le statut tabagique et proposer si nécessaire une aide au sevrage » et qu’« il convient d’apporter une réponse de proximité aux femmes enceintes fumeuses et à leurs compagnons ». Le diagnostic, le bilan, l’information, le suivi, l’orientation, voire le traitement des addictions et la prévention des rechutes doivent donc s’intégrer dans la pratique des sages-femmes.
La vulnérabilité de la femme enceinte est telle qu’il semble indispensable de situer nos actions en amont. De ce fait, le sevrage tabagique peut être réalisé avant la naissance de l'enfant, lors des consultations gynécologiques et pré-conceptionnelles (HAS).
Les consultations de sevrage tabagique et les sages-femmes
Comme le dit la psychologue Nouara Abdel-Hamid, « le tabac est à la base une solution à un problème donné, à un moment donné, devenu par la suite un problème de plus, majoré par la grossesse et son lot de vulnérabilités associées ».
Proposer d’arrêter de fumer peut donc tout simplement s’inscrire dans les objectifs de la prise en charge globale. Ma pratique quotidienne me démontre qu’accompagner la femme enceinte fumeuse, c’est l’aider à progresser sur son chemin et à résoudre ses problématiques, qui se sont étoffées avec les addictions et la grossesse. Il est indispensable de rappeler l’objectif de l’accompagnement prénatal : permettre à chaque couple, chaque femme et chaque enfant de pouvoir acquérir, renforcer son sentiment de sécurité émotionnelle qui ouvrira l’accès à son sentiment de soi.
L'accompagnement, le soutien et le suivi par les sages-femmes sensibilisées à prendre en compte les vulnérabilités sont indispensables. Sans cela l'échec du sevrage est assuré pour la plupart des femmes enceintes fumeuses, comme le soulgne ma collègue tabacologue, Catherine Marcais- Espiand.
Mais pour proposer un accompagnement optimal, la sage-femme doit bien connaître les aspects spécifiques de la Maternité psychique, avec sa fragilité propre à cette période, nommée par le neuropsychiatre Dr Bydlowski : transparence psychique. Elle doit avoir travaillé sur les notions phénoménologiques « d’Intentionnalité et de réalité objective» pour une juste distance thérapeutique et une juste empathie, sans à priori, sans jugement, ainsi que disposer d’outils permettant de renforcer la capacité de résilience et de sentiment de Soi.
Le tabac constitue pour la fumeuse une ressource anti- stress, paradoxalement il est aussi un vecteur de stress (culpabilité, dépendance). Le tabac doit clignoter comme un indicateur de grande vulnérabilité physique émotionnelle et affective, quelle que soit la situation présente personnelle et environnementale de la patiente. Et ici, la sage-femme prend toute sa place…
Les moyens proposés pour le sevrage
La stratégie thérapeutique d’aide au sevrage doit être globaliste. D’ailleurs, l’efficacité d’une prise en charge multipolaire (médical, psycho-affectif et comportemental) est démontrée, tout comme l’est l’inefficacité d’un traitement nicotinique substitutif isolé.
Ainsi, après avoir effectué le bilan et entendu le souhait des patientes et couples que j’accompagne, je propose des entretiens motivationnels, de l’acupuncture, de la sophrologie Caycédienne et du coaching. Cela inclut un travail de fond sur la gestion du stress, la confiance en soi … auxquels s'ajoutent les outils spécifiques « consommation tabagique » et les traitements nicotiniques substitutifs.
L'accompagnement en réseau et sur du long terme
Les objectifs doivent être en accord avec la patiente et en fonction de son bilan. Le travail en réseau est recommandé dans la continuité, sinon l’échec est assuré. La patiente en confiance, l’orientation peut alors être suggérée. Quoiqu’il en soit, la sage-femme conservera une place prépondérante pour poursuivre l’accompagnement de la patiente tout au long des étapes spécifiques de la maternité.
Dans tous les cas, il faut sensibiliser les mères à un sevrage avant la fin de la grossesse afin d’éviter le risque de rechutes ultérieurs. Rappelons que la notion de tabagisme inclut le tabagisme actif et passif pour la mère et l’enfant à naître. Encore une fois, si la prise en charge est globale, le suivi de la patiente intègre sans aucune difficulté cette spécificité du tabac.
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