Avec les consultations régulières que le suivi de grossesse impose, ce moment peut être propice au dépistage des femmes victimes de violences. Mais une fois dépistées comment les prendre en charge ?
Après l’écoute, la prise en charge
La prise en charge passe par l’information de la patiente. En effet, elle doit savoir que les violences constituent un fléau de grande ampleur puisqu’elles touchent 1 femme sur 5. Les victimes culpabilisent généralement de ces violences subies, c’est pourquoi il est important de leur rappeler que ces actes sont inadmissibles et que l’unique responsable est l’agresseur. Si ces agressions sont préjudiciables pour leur santé, elles doivent être informées qu’elles le sont aussi pour l’enfant à naître.
C’est également le moment de leur citer leurs droits et la loi. La victime peut hésiter à mettre fin à ces actes d’agressions sous peine de représailles du conjoint, il est de ce fait indispensable qu’elles se sentent soutenues par différents professionnels (des membres d'associations, une écoute téléphonique, la police, une assistante social, une psychologue, aide juridique…).
Elle doit savoir qu’elle en droit de quitter le domicile conjugal avec ses enfants, en signalant son départ à la police ou à la gendarmerie, qu’elle peut porter plainte (auprès de la police, de la gendarmerie, du procureur de la République). La loi du 9 juillet 2010, spécifique aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants permet de renforcer la protection des victimes de violences quelle que soit la nature de celles-ci, avec l'ordonnance de protection. Cette loi permet de mettre en place des mesures d’urgence, sans attendre le dépôt d’une plainte par la victime, notamment l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal. L’analyse de nombreux cas montre que la capacité d’une victime à mettre fin à sa situation dépend étroitement de la clarté des réponses qui lui sont données et de l’aide qui lui est offert.
Consigner les données de l'interrogatoire et de l'examen dans le dossier médical
La sage-femme doit aussi consigner les données de l'interrogatoire et de l'examen dans le dossier médical pour rédiger un certificat, prouver l'ancienneté et la chronicité des dommages. Le certificat médical rapporte le témoignage de la patiente, les lésions traumatiques et le retentissement psychique des violences. C’est un acte médical. Il doit comporter :
L’identification de la personne qui le rédige, de la femme
La date et l’heure de l’examen
La description exhaustive des lésions
La description des soins nécessaires
Les conséquences fonctionnelles des blessures et la détermination de l’Incapacité Totale de Travail (ITT) qui concerne le travail personnel et non professionnel.
L’ITT permet d’apprécier le préjudice subi, d’évaluer la dangerosité de l’agresseur et de fixer la peine. L’HAS incite les professionnels à faire preuve de discernement au moment de la transmission interprofessionnelle d’information et d’en vérifier la pertinence avec l’aide d’une liste de questions : « Si je transmets l’information, c’est dans quel objectif ? Pour aider qui ? Avec quelle retombée positive espérée ? Est-ce approprié à la fonction du professionnel concerné ? L’alliance avec le professionnel à qui je pense parler nécessite-t-elle vraiment cet échange de contenus ? La femme ou le couple à aider est-il au courant de cet éventuel passage d’information ? Puis-je me passer de leur accord ? Comment vais-je formuler la part utile de l’information à transmettre ? En fonction de tout cela, que vais-je garder pour moi, que vais-je transmettre ? ».
En raison de l’importance de l’information, il est fondamental de garder une trace écrite de l’entretien (consigner par écrit l’observation que l’on a fait de l’état de la femme : son état physique, son stress, son angoisse, les traces constatées…). Le certificat médical, s’il a été rédigé, en est un bon exemple. Il pourra être apporté comme éléments complémentaires dans une procédure judiciaire. Même si la procédure intervient plus tard, la femme aura besoin de différentes attestations, or souvent elles manquent de preuve au moment d’agir. De plus cette « trace écrite », permet aux différents professionnels qui vont suivre cette femme par la suite de connaitre son histoire et ainsi de mieux comprendre ses différentes réactions pour adapter la prise en charge. Particulièrement en salle de naissance où le travail et l’accouchement sont beaucoup plus pénibles et où les examens génitaux et pelviens peuvent provoquer une réaction extrême chez la femme.
Les outils et informations à mettre à disposition de la patiente
Il faut en aucun cas tenter de résoudre seul les problèmes engendrés par les violences conjugales et s’entourer de professionnels médicaux, sociaux et judiciaires. Si le professionnel juge la situation grave, la patiente peut être hospitalisée pour la protéger. Dans le cas où elle décide de rentrer au domicile conjugal, il est nécessaire de lui remettre les adresses et numéros de téléphones utiles. Il s’agit aussi d’établir un « scénario d’urgence » pour réfléchir aux différentes mesures de protection dont elle peut disposer pour se protéger de la violence de son conjoint : repérer les situations à risques, identifier les facteurs déclenchants, identifier une personne de confiance et convenir avec elle d’un mode de communication à utiliser en cas d’urgence, éduquer les enfants sur les conduites à tenir en cas de situations de violences. On lui remet également les informations concernant les objets à emporter le jour où elle décidera de quitter le domicile conjugal. On peut lui conseiller de tout mettre dans « un sac de sécurité » (contenant les papiers d’identité, les documents personnels, des vêtements, de l’argent, le double des clés…) et le placer dans un endroit sûr, si elle doit un jour partir précipitamment.
La sage-femme peut faire un signalement au Procureur de la République en vertu de l’article 226-14 du Code pénal avec l’accord de la victime. Il se fait par écrit auprès du Procureur de la République (ou des services de police/ gendarmerie). Dans le cas où la victime est une mineure ou une personne vulnérable, le professionnel de santé peut signaler sans l’accord de la victime. La patiente peut aussi être orientée vers une des nombreuses associations d’aide aux victimes.
Sources :
Violences sexuelles- éditions Dunod- Muriel Salmona
Coy-Gachen C. Dépistage systématique de la violence conjugale par onze médecins généralistes avec le questionnaire RICCPS. Thèse : Med : Université de Paris VI. 2005
Henrion R. Les femmes victimes de violences conjugales. Le rôle des professionnels de santé. Les dossiers de l’obstétrique 2002 ; 303 : 3-17
La Haute Autorité de Santé. Recommandations professionnelles : Préparation à la Naissance et à la Parentalité. 2005 56p
Guilloto J. Les conséquences de la violence conjugale. Vocation Sage-femme 2008 ; 65 : 25-7
Dépliant Violences conjugales aide à la prise en charge médicale à destination des médecins - CHU d’Angers
République française. Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes. JO du 23 juillet 1992
République française. Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code. JO du 8 août 2004 p.14150
https://www.senat.fr