Une revue de la Cochrane de 2007 avait montré que l’administration de progestérone aux femmes présentant des métrorragies en début de grossesse réduisait le risque de fausse couche. Cette analyse était néanmoins de faible puissance avec de petits échantillons. Une étude de plus grande envergure publiée dans le NEJM infirme ces résultats.
Une grossesse sur 5 se solde par une fausse couche. Mais bien que 25% des femmes soient concernées par des métrorragies au premier trimestre de la grossesse, pour la moitié d’entre elles, la grossesse évoluera normalement.
Pour qu’une grossesse soit évolutive, un des facteurs importants est la sécrétion de progestérone par le corps jaune. Celui-ci prépare l’endomètre et permet l’implantation de l’embryon.
L’importance de cette hormone a donc incité les chercheurs à étudier les bénéfices d'une supplémentation en progestérone sur la prévention des fausses-couches spontanées (FCS).
Dans cette étude du New England Journal of Medicine (NEJM), les chercheurs ont mené un essai multicentrique randomisé en double insu contrôlé par placebo (The Prism –trial) chez les femmes présentant des métrorragies en début de grossesse.
Progestérone aussi efficace qu’un placebo dans les menaces de fausse couche spontanée ?
Quarante-huit maternités du Royaume-Uni, entre mai 2015 et juillet 2017, ont participé à cette étude pour évaluer les effets d’un traitement par progestérone (voie vaginale, 400 mg, 2 fois par jour ) sur les naissances vivantes après 34 SA vs placebo.
La progestérone était prescrite jusqu’à 16 SA aux femmes de 16 à 39 ans, ayant présenté des saignements avant 12 SA, après confirmation échographique de l’évolutivité de la grossesse. Du fait de l’augmentation du risque d’aneuploïdie, les femmes de 39 ans ont été exclues de l’étude.
Au total sur les 4138 femmes recrutées, les données étaient disponibles pour 4038 d’entre-elles (2025 pour le groupe progestérone et 2013 pour le groupe placebo).
Les 2 groupes étaient comparables en termes d’âge, de survenue des métrorragies, de leur abondance, d’antécédent de fausse couche spontanée et d’IMC.
Les auteurs de l’étude ont constaté que :
L'incidence des naissances vivantes après au moins 34 semaines de gestation était de 75% (1513 femmes sur 2025) dans le groupe progestérone et de 72% (1459 femmes sur 2013) dans le groupe placebo (taux relatif, 1,03; IC95%, 1,00 à 1,07; P = 0,08)
L’incidence des naissances vivantes pour les femmes sans antécédent de FCS était de 74% dans le groupe progestérone et de 75% dans le groupe placebo (taux relatif: 0,99; IC à 95%: de 0,95 à 1,04)
Pour les femmes ayant 1 ou 2 antécédents de fausses couches spontanées, cette incidence étaient respectivement avec progestérone ou avec placebo de 76% et 72% (taux relatif 1,05; IC à 95% de 1,00 à 1,12)
Quant à celles qui comptaient 3 fausses couches spontanées antérieures ou plus, les taux étaient de 72% et 57% (taux relatif, 1,28; IC 95%, 1,08 à 1,51)
Quand les antécédents de fausses couches sont récurrents
Partant de ces observations, l’administration de progestérone vagnale n’a pas apporté d’amélioration significative sur l’issue de la grossesse des femmes présentant des saignements au cours des 12 premières semaines de gestation.
On note toutefois, une différence significative pour le sous-groupe avec antécédents d’au moins 3 fausses couches.
Alors est-ce une population où la prescription de progesterone reste justifiée? En tout cas, suite à une analyse Cochrane de 2003 (mise à jour en 2018) portant sur 13 essais concernant des femmes avec antécédents de fausses couches récurrentes, L'American College of Obstetricians and Gynecologists avait conclu qu’« en cas de menace de perte de grossesse précoce, l'utilisation de progestérone est controversée par l'absence de preuves concluantes. Les femmes ayant connu au moins trois pertes de grossesse antérieures peuvent toutefois bénéficier d'un traitement à la progestérone au cours du premier trimestre » .
Bibliographie :
A Randomized Trial of Progesterone in Women with Bleeding in Early Pregnancy - N Engl J Med. 2019 May 9;380(19):1815-1824.
Hémorragie du premier trimestre de la grossesse : orientations diagnostiques et prise en charge pratique - Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction - Volume 39, n° 3S pages F33-F39 (mai 2010)
Progestogen for preventing miscarriage in women with recurrent miscarriage of unclear etiology - Cochrane Database Syst Rev. 2018 Oct 8;10:CD003511
Progestogen for treating threatened miscarriage. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Aug 6;8:CD005943