La Procréation Médicale Assistée a connu de grands progrès au cours de ces dernières années. Mais au-delà de l’aspect technique et médical, émergent d’autres réflexions menées par les couples, dont celle sur le devenir des embryons congelés.
Marianne Portmann, sage-femme, a cherché à mieux comprendre la relation entre la vision des couples portée sur l’embryon congelé et leur décision d’en faire don à la recherche. Elle nous en dit plus sur son travail* original récompensé au Grand Prix Evian 2020.
Pourquoi avez-vous décidé de travailler sur ce sujet de mémoire ?
Les domaines de la psychologie, de la sociologie et de l'éthique m'ont toujours passionnée. Je m'interroge sans cesse sur la pensée humaine et son fonctionnement. J’ai découvert la technique de congélation des embryons pendant mes études, lors d’un cours sur le Diagnostic préimplantatoire que j'ai découvert la technique de la congélation des embryons. J'ai trouvé cette technique tout bonnement extraordinaire : comment après avoir été interrompu, le cycle de la vie reprend-il son cours ? Mais surtout... Que pensent les couples qui ont recours à la congélation des embryons ?
En me renseignant plus à ce sujet, j'ai découvert qu'il y avait actuellement une volonté de facilitation de la recherche sur l'embryon. Recherche peu connue par le grand public, pourtant indispensable pour les avancées scientifiques !
Ces éléments ont donné naissance à mon sujet : symbolique des embryons congelés et don à la recherche.
J’ai alors mené une étude qualitative dans le service d’AMP au centre médico-chirurgical obstétrique à Strasbourg entretiens semi-directifs sur une période de quatre mois, auprès de couples en parcours de FIV et auprès de couples ayant cédé leur(s) embryon(s) surnuméraires à la recherche.
Sur les douze entretiens que vous avez menés, la vision des couples sur l‘embryon congelé évoluait au cours du parcours en assistance médicale à la procréation et même après. Elle variait en fonction des informations délivrées par les professionnels et du vécu des couples. Le don à la recherche des embryons n’était ainsi pas la première intention parmi les couples interrogés. Avez-vous été surprise par les résultats de votre étude ? Pourquoi ?
J'ai été très surprise par les résultats. J'avais notamment émis comme hypothèse que les couples, ayant donné leurs embryons surnuméraires à la recherche, avaient une vision très "scientifique" de l'embryon, basée sur le développement cellulaire, presque sur l'embryon défini comme amas de cellules. De ce fait, je pensais qu'ils donnaient à la recherche par grande conviction scientifique. Alors que pas du tout ! Le don à la recherche est pour certains la meilleure des solutions - après élimination des autres possibilités de devenir des embryons surnuméraires lorsque le projet parental est accompli, à savoir la destruction et le don à un autre couple - mais pour d'autres, il est plutôt la moins mauvaise des solutions. Ce qui fait que le don à la recherche était un choix par dépit. Par ailleurs, c'est le grand potentiel de l'embryon, à savoir l'embryon = bébé = enfant, qui prédomine, et qui complique toute prise de décision. Nous sommes donc bien loin de la vision purement scientifique que j'imaginais.
Qu'est-ce que ce travail vous a apporté ?
J'ai tout d'abord découvert une discipline, où la sage-femme a des compétences qui m'étaient totalement inconnues. J'ai pu assister aux consultations avec les gynécologues et les biologistes, aux explications de traitements pour les FIV, aux échographies de contrôle, aux ponctions ovocytaires, aux FIV en laboratoire, aux transferts intra-utérins des embryons... J'ai rencontré des couples formidables, qui se sont confiés sur leur parcours de vie, qui semble plus assimilé à un parcours du combattant pour avoir un enfant. Ces couples ont une grande force mentale, qui est totalement exemplaire !
Professionnellement, ce fut une expérience très enrichissante, qui m'a permis de comprendre à quoi sont confrontés les couples ayant recours à une AMP (Assistance Médicale à la Procréation). Malheureusement, l'infertilité touche de plus en plus de couples, et la sage-femme est de plus en plus amenée à les accompagner tout au long de leur parcours. Cela m'a permis d'adapter l'accompagnement de ces couples, au parcours particulier.
Personnellement, ce fut une grande leçon de vie. D'une part, grâce aux couples et à leur volonté sans faille. D'autre part, grâce au rappel que nous sommes tous identiques les premiers jours du développement : quelles que soient nos conditions socio-économiques, notre carrière, notre élévation sociale, nous avons tous été "des petites bulles".
Comment pourrait-il se prolonger ?
Il y a encore tant de champs à explorer ! Je ne me suis entretenue qu'avec des couples ayant donné à la recherche, il reste encore ceux qui ont choisi la destruction, le don à un autre couple, mais aussi ceux qui ne parviennent pas à faire un choix et qui stockent les embryons pendant de nombreuses années.
Tout ceci dans le but de garantir un meilleur accompagnement des couples, pour cette prise de décision, non sans conséquences !
*Symbolique des embryons congelés et don à la recherche : étude qualitative menée dans le service d’AMP du CMCO à Schiltigheim. Diplôme d’état de sage-femme présenté et soutenu par Marianne Portmann. Année universiatire2019-2020. Université de Strasbourg École de sages-femmes de Strasbourg.