Lucile, sage-femme expérimentée est l’invitée de France Inter pour 8 émissions : La chronique du périnée. "Ça s’annonce dense, drôle, profond, détonnant ! ». Bienvenue dans l'envers du décor, Catherine Coq, l' auteure de l'ouvrage " La chronique du périnée" est votre guide!
Ces chroniques ne sont-elles pas un condensé de votre expérience professionnelle ?
Lucile est le personnage central du roman, à mi-chemin entre la fiction et la réalité. Pour certaines réflexions ou parties de l’histoire, j’assume ma place de sage-femme et mes 25 années de carrière. Elle est moi, mais pas tout à fait…
Ces chroniques, ce sont des sujets d’actualités, des réflexions, des coups de gueule… Quels sont les sujets que vous avez souhaités dénoncer ?
La place des sages-femmes, d’ailleurs dans les premières pages on peut lire « Je suis une invisible, pourquoi m’avoir invitée ? ». Malgré tout « Jeprends la parole pour toutes celles qui se taisent ».
Récemment dans l’enquête « Travail et bien-être psychologique » de la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (Dares), les sages-femmes étaient classées dans la catégorie des « accablées » et des « empêchées »… La profession est en souffrance et en manque de reconnaissance, vous savez en 15 ans de carrière j’ai reçu une augmentation de 1,21€ de la prime pour 12h de nuit. « Les sages-femmes doivent sortir du silence ! ».
J’aborde les violences faites aux femmes, aux sages-femmes, la situation préoccupante du monde de la naissance. Ces maternités tentaculaires matraquent la santé des femmes et des nourrissons. Finalement « humaniser les maternités, c’est lutter contre les violences intrafamiliales » !
Aussi, La physiologie de la naissance, parce qu’ « une vraie maternité doit travailler pour maintenir le plus de naissances possible dans la physiologie. On sait que la naissance la moins chère est la meilleure. »…
Dans les premières lignes de "La chronique du périnée" , on peut lire « Nous la connaissons tous et nous l’avons tous oubliée », c’est violent cette invisibilité, quelles sont vos réflexions ?
Il y a deux formes d’invisibilité. L’une physiologique, nécessaire, celle où la sage-femme est le plus professionnelle et la plus discrète possible, elle porte le devenir parent et la famille qui n’existe pas encore. À partir du moment où l’enfant paraît, elle disparaît et d’ailleurs le cercle familial se referme. Il faut avoir une grande humilité pour être mise sous les projecteurs de la naissance et tout d’un coup disparaître. C’est intrinsèque à l’exercice du métier.
L’autre invisibilité est celle imposée, celle où les tentatives de prise de parole sont vaines, « la résistance passive et psychologique […], où la sage-femme cède par fatigue, s’épuise pour résister ».
Prendre la parole, c’est pour aller mieux et non pour cesser de travailler… Mais alors quel est notre seul droit de parole ? La démission ?
Ces chroniques c’est en quelque sorte un exutoire ?
Oui, c’est mettre au grand jour, ce qui n’est pas dit, le spot publicitaire de l’émission commence d’ailleurs par: « Vous voulez tout connaître sur les coulisses et les tabous du plus beau métier du monde ? ».
Je n’en pouvais plus d’être à côté de moi-même, on dit que « le lumbago [est le] sport national de la sage-femme qui en a plein le dos. À force d’avoir un pied dans le plat, un pied dans la norme » avec les protocoles, « un sur le quai, un sur le navire de pirate » je fais allusion à l’empirisme, nécessaire aussi au bon accompagnement de la physiologie ! « On dit aussi assise entre deux chaises, la responsabilité médicale et l’acte paramédical. Cela doit cesser ! »
Pas d’édulcoration sur la profession, pas de rose bonbon, la réalité est tout autre. Aujourd’hui en avez-vous fini avec cette profession ?
Je n’en sais rien, « je ne sais faire que ça pour manger, payer le loyer, comme tout le monde, quoi ! ». Je sais, cela peut sembler prosaïque…
Une chose est sûre, « Étudiante, j’ai vu une sage-femme au bout du rouleau être violente avec une femme, je me suis dit : jure-toi que tu t’arrêteras « avant ça ».
C’est la réception du livre qui va me dire ce qu’il en est de mon rapport avec ce métier. Par ce livre je me suis retrouvée, quel est le lieu où je peux travailler sans me perdre à nouveau ?...
Une idée sur l’évolution de la profession ?
Je dirai, mitigée, perplexe, prudente pour le devenir des sages-femmes… Les usagers me donnent encore de l’espoir notamment dans leurs souhaits d’accompagnements globaux, de la vision alternative de la parentalité celle où ils prônent « notre parentalité nous appartient ! ».
Retrouvez-vous Catherine Coq :
Le 29 novembre 2018 à la journée de la Mairie de Paris sur les violences faites aux femmes autour du film "mademoiselle L". - Maison des pratiques artistiques Amateurs – Mairie de Paris 20e.
Les 1 et 2 décembre 2018 au Salon du livre de Boulogne-Billancourt pour des séances de dédicace.
Les 7 au 8 décembre 2018 au colloque GYPSY "Intimités en danger?" - Faculté de médecine, 45 rue des Saints-Pères Paris (possibilité d'acheter l'ouvrage).