Donner des informations transparentes aux parents sur un processus naturel qui est l’accouchement n’est pas si évident. En effet, des complications peuvent survenir, alors comment informer sans les stresser ? Cette étude lausannoise a exploré les perceptions et les besoins d’informations sur l’accouchement des parents attendant leur premier enfant.
Respecter les principes fondamentaux d'autonomie et ne pas nuire
Bien que le processus de l’accouchement soit un événement naturel, il est susceptible d’être contrarié par des complications entraînant des interventions en urgence telles qu’une césarienne ou bien une extraction instrumentale.
Le caractère imprévu d’un accouchement peut causer un mauvais vécu chez la mère et contribuer au développement d’une dépression du post-partum.
L’information anténatale sur la grossesse, l’accouchement et ses éventuelles complications pourrait aider à préparer les parents et diminuer ce sentiment d’inattendu. Cependant, informer sur les risques éventuels c’est aussi renforcer la culture du risque et transformer un processus naturel en processus pathologique. Et par conséquent générer de l’anxiété inutile chez les parents.
Par ailleurs, informer, c’est transmettre des connaissances pour permettre aux patients de faire un choix éclairé et participer aux décisions.
Toute l’ambiguïté réside entre respecter les principes d’éthiques fondamentaux d’autonomie et de ne pas nuire notamment dans les situations d’urgence où il est difficile d’obtenir un véritable consentement éclairé.
À ce sujet, des études internationales montrent qu’informer, recueillir le consentement des patientes sur le travail et l’accouchement est essentiel pour donner des soins respectueux. Ceci influence positivement l’expérience des femmes et les aide à s’autonomiser et participer à la prise de décision et à renforcer leur confiance en leur propre capacité. (1,2).
Donner des informations réalistes permet d’aligner les attentes sur l’expérience réelle de l’accouchement et éviter les divergences (3,4,5,6).
Pour certaines études, la préparation prénatale (physique et émotionnelle) permettrait de réduire l’anxiété et de mieux appréhender les peurs de l’accouchement des primipares (7).
Néanoins le contexte et le mode de communication ont un impact sur l’information. Des études suggèrent qu’une information est efficace lorsqu’elle est promue et coordonnée par des prestataires de confiance et quand elle soutient la participation active des parents (8)
L’étude a exploré les perceptions des parents et leurs besoins d’informations sur l’accouchement
Dans la présente étude qualitative, tout l’enjeu vise à explorer la manière dont les futurs parents anticipent l’accouchement et les actions qu'ils privilégient pour s'y préparer. L’objectif était d’adopter une approche globale de leurs besoins en matière d’information et de préparation à l’accouchement. Les chercheurs ont pris en compte les attentes et les préoccupations des parents car les besoins d'information, notamment sur les questions de risque, sont fortement définis par des processus personnels et subjectifs, basés sur les croyances et la compréhension du monde des individus.
À l’aide d’entretiens semi-structurés, cette étude a exploré les perceptions et les besoins d’informations sur l’accouchement des futurs parents attendant leur premier enfant (15 femmes enceintes et 5 co-parents).
Les répondants estimaient que l’accouchement était un événement naturel et qu’un processus physiologique était la meilleure voix possible pour la mère et enfant.
Mais ils étaient bien conscients qu’un accouchement pouvait comporter des risques. Ils jugeaient nécessaire d’acquérir lors des séances de préparation à la naissance, des connaissances et des outils (respiration, relaxation, gestion de la douleur) pour mieux gérer les situations imprévisibles sources de stress.
Même, si l’approche naturelle était préférée par les participantes, unanimement, elles ont déclaré que la priorité absolue était d’assurer la sécurité de la mère et l’enfant.
La plupart des femmes enceintes et des partenaires s’accordaient à dire que connaître les complications et les possibles interventions médicales aidait à se préparer aux difficultés, à mieux les anticiper et les accepter si elles survenaient.
Le besoin d’informations et de recherche active était variable selon les participants. Certains avaient plus besoin d’informations, car c’était un moyen de mieux gérer l’incertitude, comprendre la situation et connaître des solutions possibles. D’autres préféraient éviter les contenus potentiellement effrayants et ont limité les recherches.
En ce qui concerne l’expérience de l’accouchement, la majorité des participantes considèrent que l’état d’esprit est important, c’est pourquoi elles préfèrent adopter une attitude positive et résiliente dans leur anticipation à la naissance.
La plupart déclarent vouloir faire tout leur possible pour accoucher naturellement, et y voient une forme de défi, de fierté personnelle. Mais elles évoquent une sorte de pression sociale pour un accouchement réussi et tentent de se protéger des injonctions jugées péjoratives.
L’environnement autour de la naissance a été abordé. Les répondants sont favorables à un environnement respectueux, attentif et personnalisé avec les professionnels de santé, mais aussi dans l’aménagement des salles.
Dans ce contexte, les parents ont exprimé le besoin de se familiariser avec l’environnement de l’accouchement. Certains exprimaient le besoin de rencontrer en amont les professionnels de santé présents à l’accouchement, d’autres de visiter la salle de naissance ou bien encore de préparer une playlist musicale.
Pourvoir une identifier un professionnel de santé référent au moins à l’arrivée à l’hôpital représentait un élément rassurant.
Quant à l’organisation des soins, les participantes regrettent de ne pas avoir la même personne de référence lors du suivi. Elles ont aussi observé une discontinuité en termes d’informations, insuffisantes ou fragmentées pour répondre à leurs besoins pour se préparer à l’accouchement.
Elles estiment ne pas avoir reçu assez d’explications sur la délivrance du placenta, les pertes sanguines du post-partum, les douleurs de l’allaitement et la détresse psychologique qui pouvaient survenir après l’accouchement.
Pour prendre des décisions, les femmes et les co-parents ont confiance en les professionnels de santé en matière de connaissances et d’expérience. Mais ce qu’elles souhaitent, c’est être respectées dans leurs attentes et recevoir des explications sur les actes médicaux prodigués lors de l’accouchement. Les perspectives d’une prise de décision ne sont pas vraiment claires et mériteraient d’être précisées avant la naissance. Pourtant, cette participation aux décisions médicales est une façon d’être impliqué dans l’accouchement.
Le rapport de confiance patientes/ professionnels de santé est important. Pour qu’il soit instauré, les participantes souhaitent que leurs préférences soient entendues et respectées et qu’elles soient soutenues sans craindre la pression des personnels de santé pour accepter des interventions médicales.
Dans cette transition vers la parentalité, les participantes déclarent que les femmes jouent un rôle central dans l’accouchement. Toutefois, l’implication du co-parent est importante pour le soutien de la mère et comme interlocuteur auprès de l’équipe soignante.
Les répondants estiment que les femmes jouent un rôle central dans le processus de l’accouchement, c’est pourquoi, elles sont prioritaires dans la prise de décision même si en raison de leur vulnérabilité pendant l’accouchement, leur participation pouvait être limitée.
Savoir ou ne pas savoir les risques ?
L’accouchement se veut être vécu comme le plus naturellement possible, mais il peut comportait des risques. C’est un moment qui peut être difficile à vivre, mais il est aussi une expérience unique. Malgré ces paradoxes, la préparation à la naissance et répondre à leurs attentes sont pour les parents des options possibles pour concilier les oppositions.
Les attitudes des parents semblent liées à « un maintien d’équilibre », concept défini par Levy , décrivant comment les femmes régulent l’information en évitant les informations qui ne leur permettent pas de changer la situation ou génératrice de stress.
Donner des informations réalistes peut aider les femmes à améliorer le vécu des femmes qui ont des attentes plus romancées. Tout comme leur fournir des informations concrètes, pratiques (environnement) et personnalisées.
Dans la communication, l’élément essentiel est la confiance. Les parents répondants ne souhaitent en aucun cas remettre en question les décisions médicales, mais ils attendent d’être actifs et une relation de confiance avec les professionnels de santé.
Cette étude, bien que de faibe envergure, donne des pistes intéressantes. Ici, parler des risques de l’accouchement n’est pas le sujet prépondérant, il s’agit plutôt de communiquer sur comment aider les parents pour faire face à des situations imprévisibles pour qu’ils ne se sentent pas en totale perte de contrôle.
La façon d’informer est également importante, il ne s’agit pas que de transmettre des connaissances, mais de les contextualiser, de les adapter pour répondre à des besoins personnalisés. C’est transmettre en donnant du sens.
Enfin, une véritable collaboration fondée sur la confiance soignant/soigné est primordiale. Il ne s’agit pas d’opposer le naturel au médical, mais de faire preuve de flexibilité pour concilier les contraintes et les valeurs.
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