Déclencher le travail après terme est une indication de routine pourtant cet acte n’est pas si anodin. Il peut influencer la patiente dans son vécu de l’accouchement.
D’après le NICE, on caractérise une grossesse post-terme, lorsqu’elle se prolonge au-delà de 42 semaines de gestation, définie par l’échographie du 1er trimestre ou au plus tard à 16 semaines (2008). Des études relatent que la prolongation de la grossesse fait courir des risques à la mère et l’enfant : mort fœtale, mort néonatale, risque de césarienne de 20%. Toutefois, nous ne disposons pas de données qui nous permettent d’établir un terme optimal pour déclencher une patiente avec une grossesse non compliquée. Alors, par peur du risque, la plupart des établissements de santé recommandent selon des protocoles, une date à partir de laquelle il faut déclencher. Mais cette indication peut susciter incompréhension et insatisfaction des patientes.
Déclenchement : La perception des patientes analysées dans Midwifery
Dans Midwifery, unerevue systématique d’études qualitatives a analysé « le vécu et la perception d’un déclenchement pour grossesse prolongée non compliquée », en milieu hospitalier et au-delà de 40 semaines de gestation.
Sur les 46 articles initialement sélectionnés, seuls 5 ont été gardés pour leur qualité méthodologique. A partir des données recueillies, 3 thèmes ont été dégagés : les Influences sur le choix et la prise de décision concernant le déclenchement du travail, la compréhension de l’indication du déclenchement du travail, les facteurs influençant l’expérience des femmes en matière de déclenchement du travail et de ses conséquences.
L’influence des choix et la prise de décision
Les résultats ont révélé que la source de l'information des femmes a influencé leur niveau de connaissances et leur niveau de préparation avant et pendant le déclenchement. Ceux-ci comprenaient des sages-femmes, des médecins, les feuilles d’information sur le déclenchement, la famille et les amis, les cours prénatals et Internet
Une patiente a indiqué pour le dépliant d’information qu’on lui avait remis : « j’ai trouvé cela intéressant et assez instructif aussi », alors qu’une autre : « on ne m’a pas assez expliqué comment les choses allaient se passer, le dépliant donnait des informations mais j’avais besoin de plus, des renseignements sur la douleur, ou que l’on me dise que je ne pourrai même ne pas me mettre en travail avec un déclenchement».
Le personnel médical, les membres de la famille et la perception du risque ont contribué au choix et à la prise de décision du déclenchement. En effet des patientes ont déclaré que la raison du déclenchement était inévitable des soins et que l’avis des professionnels étaient supérieur et qu’il n’était pas nécessaire d’approfondir la recherche, « c’est leur métier, je leur fait totalement confiance ».
D’autres femmes se sont senties sous pression, à cause des professionnels ou membres de la famille et éprouvaient des difficultés à rester positives. Certaines ont même vu leur corps comme un risque «Cela signifie pour moi que mon corps n’est pas prêt à sortir le bébé, c’est donc la meilleure façon d’aider mon bébé à sortir ».
La compréhension du déclenchement
Cette « horloge » imposée pour déclencher n’est pas toujours bien comprise, « je me sens comme si j’avais l’horloge de quelqu’un d’autre » déclare une patiente ou au contraire, pour d’autre « le temps c’est écoulé » et il est temps d’accoucher. A l’annonce d’un déclenchement, des femmes ont contesté et ont cherché des mesure pro-actives : « je ne suis pas malade », « Je n’aime pas l’idée qu’une intervention interfère avec l'accouchement. Cela me fait peur d’être touchée ou sondée… »
Comment le déclenchement influence l’expérience des femmes ?
Les expériences des femmes liées au déclenchement ont été influencées par divers facteurs entre autres la relation avec les sages-femmes et les médecins, leur implication et leur choix dans prise de décision lors de l'initiation du déclenchement.
Des femmes ont estimé qu'elles n'avaient pas beaucoup de choix dans le processus, « je ne pense toujours pas que nous avions vraiment le choix, cela devait arriver. » D’autres avec de bonnes expériences avec leurs professionnels de la santé déclaraient une vision positive de l'expérience. Une étude indique que les événements qui se sont déroulés pendant le déclenchement pouvaient impacter la santé des femmes et la relation avec leur bébé. Il y a aussi celles qui s’étaient préparées à une mise en travail spontané : « Je me suis préparée émotionnellement à cela, alors il était très difficile de me rendre compte que le temps était écoulé. Je serais déclenchée. Cela signifiait un changement dans mes attentes. »
Entre protocole et conduite à tenir individualisée
Cette analyse met un point d’honneur sur la spécificité des soins centrés sur la femme. Prendre en charge une patiente c’est l’informer pour favoriser sa participation et améliorer sa prise de décision, sans diminuer ses capacités. Ainsi lui permettre de faire un choix éclairé c’est lui donner les connaissances nécessaires en lien avec les données de la science mais en tenant compte également de la situation obstétricale et individuelle. Il ne s’agit pas juste de cocher une case dans un dossier médical pour certifier que l’information a été donnée, la qualité relationnel avec le soignant dans ce temps de discussion est essentielle et jouera positivement dans le vécu de l’accouchement.
Référence :
Woman-centered care: Women's experiences and perceptions of induction of labor for uncomplicated post-term pregnancy: A systematic review of qualitative evidence. Midwifery 2018 ; 67 : e46-56. Akuamoah- Boateng J, Spencer R.