Prévenir et traiter de façon ludique les troubles de la statique pelvienne et les incontinences urinaires semblent possibles grâce à la danse. Marie-Josée Falevitch, sage-femme libérale et formatrice nous éclaire sur cette méthode.
Le contexte
Actuellement, l’incontinence urinaire touche plus de 3 millions de femmes en France et constitue un réel handicap. Longtemps considérée comme une pathologie du vieillissement ou de la femme multipare, elle est à présent reconnue comme une pathologie affectant la femme jeune, sportive et en bonne santé.
Le quotidien de la femme est composé de verticalité, variations posturales, mouvements statiques et dynamiques, dans un contexte de multi-activités, multi-pensées, de stress, de performance, de décentrage le plus souvent des mouvements globaux et complexes, spontanés. Les mouvements les plus minimes peuvent avoir un impact sur les organes pelviens et le périnée et occasionner une symptomatologie morbide altérant la qualité de vie des femmes de tout âge.
Pourquoi la danse ?
La danse est une méthode « d’expression corporelle » : expression du corps et de l’esprit, de cette unité corps-esprit constituant l’individu, expression des émotions, de l’être dans et par son corps… Le corps dans son ensemble entre en mouvement et agit sur toutes ses structures en mettant en jeu la respiration, le système nerveux, l’appareil locomoteur, aussi, l’ancrage, l’axe, le corps dans l’espace, l’équilibre, la coordination. Le mental, le sensoriel et le corporel s’entremêlent et la recherche de fluidité est omniprésente et se créée plus facilement par le « laisser-aller » qu’offre le mouvement et la musique.
Le corps est programmé à des réflexes, et les habitudes le façonnent car elles créent des mouvements spécifiques. Mouvements qui sont le reflet de l’être, dans son corps physique et psychique, dans ses tissus et son âme, chargés de toute son histoire. Cette notion a longtemps intéressé les philosophes (Aristote et Descartes).
Ma pratique rééducative en cabinet, depuis 20 ans, m’a démontré que seul un travail en mouvement semble en accord avec notre quotidien, la vie étant un sport. Un travail que je cumule aux techniques de biofeedback, d’électrostimulation et manuelles en fonction des indications.
La difficulté étant le maintien de la protection périnéale et pelvienne dans le quotidien de la femme, notamment à l’effort, comme le cite l’équipe de B. LERICHE et al, dans les recommandations pour la prise en charge rééducative de l’incontinence urinaire non neurologique de la femme : « Une des limites de la rééducation périnéale est les fuites dans des activités dynamiques comme la marche ou la course car il est impossible de maintenir cette contraction sur une période longue ».
La rééducation périnéale par la danse permet de lever cette difficulté et correspond aux recommandations « Les principes thérapeutiques sont d’adapter les techniques aux déficiences ou incapacités repérées sur le périnée et la continence, sur le rachis et la ceinture pelvienne, et sur la sangle abdominale, ainsi que de respecter la synergie physiologique entre périnée et abdominaux.» (HAS 2002).
Seule une approche corporelle globaliste proposant un apprentissage en mouvement, semble pouvoir permettre une efficacité sur un long terme, sous réserve que l’intégration par tout son système sensoriel soit effective et en accord avec ce qu’est la patiente.
La méthode
Elle s’inscrit dans une prise en charge multipolaire, médico-rééducative. Elle permet à la patiente d'obtenir des résultats pérennes, en toute autonomie et en toute conscience y compris chez des femmes sportives.
Il s’agit de proposer une approche statique et dynamique, à partir d’un bilan complet, duquel découlera une prise en charge adaptée, étiopathogénique et ciblée, par une approche rééducative intégrative, corporelle et gestuelle. Elle vise l’intégration des acquis dans le système nerveux réflexe pour changer de façon durable les comportements et les habitudes. Cette réhabilitation, de par la danse, concerne le corps dans son ensemble, là est l’intérêt car les interactions entre le système sensoriel, l’appareil locomoteur et le pelvis sont étroites, les contraintes et les conflits d’information nombreux.
Ainsi, la méthode " Le périnée ludique ® - Périnée et danse" permet de travailler l’axe, la verticalité, l’ancrage : de puiser force et équilibre dans cette ressource pelvienne et dans son mouvement.
Tout passe par le corps. Corporaliser permet de donner du sens à la rééducation périnéale mais surtout au plancher pelvien. Il s’agit d’une pédagogie de la conscience du corps qui ouvre la porte de tous les possibles.
Lors de la séance la femme se connecte à son corps, ses mouvements, avec une respiration consciente, seule condition pour se percevoir. C’est là, la clé car il n’y a pas d’autonomie sans perception. La respiration consciente est concentrative, le mouvement engendre des variations posturales qui stimulent les connexions cérébrales cognitives. Plus l’on bouge plus notre concentration augmente et plus notre conscience s’éveille.
Cela peut se travailler dans n’importe quel mouvement, mais la coordination et la dynamique imposées par la danse sont vraiment intéressantes de par son efficacité sur la concentration, la libération des tensions. On ne peut travailler en rééducation périnéale avec un corps tout en tension! Se laisser guider par le mouvement lui-même insufflé par la musique et sa respiration qui devient elle-même, une danse peut modifier le niveau de conscience jusqu’à rejoindre un état méditatif pour certaines femmes.
De nombreuses revues de la littérature démontrent l’efficacité isolée des différentes techniques de prise en charge des incontinences et des troubles de la statique pelvienne, ainsi que la nécessité de proposer aux patientes une prise en charge multipolaire et un apprentissage qui les mène à l’autonomie et adaptée à leur activité avec intégration proprioceptive. Dans les recommandations professionnelles l’aspect proprioceptif est essentiel.
La danse et rééducation du périnée : quels bénéfices ?
La pérennité des améliorations acquises en séances ne peut s’obtenir que si les outils transmis s'intègrent dans chaque instant du quotidien. Ainsi, la danse vient proposer aux femmes et rééducateurs un nouveau souffle en rééducation périnéale. Loin des techniques analytiques qui demandent au cerveau de se représenter « le périnée ».
Par cette dynamique de la danse, la femme apprend à percevoir ses différentes structures pelviennes, mais aussi se connaître dans sa globalité, se sentir, se percevoir, se vivre. Cela lui permet de prendre conscience des liens entre statique pelvienne et statique globale. La respiration consciente en mouvement générée par la danse permet de développer la conscience physique, émotionnelle et mentale. Ces 3 plans se lient à la patiente par le mouvement de son corps, des trois diaphragmes, de la vessie, par la pression, le maintien, l’ajustement du tonus… La femme gagne en confiance, à s’accepter, à se reconnaître, se comprendre et se traiter !