Sectionner un frein de langue chez un nourrisson peut s’avérer dangereux. Pratique en augmentation dans le monde, les sociétés savantes et les associations de professionnels, en lien avec la santé du nourrisson et de l’enfant, alertent, dans une tribune, les parents et les professionnels de l’enfance.
Il n’y a pas de recommandations claires pour la pratique clinique
Difficultés de succion ou échecs des aides à l’allaitement, la section du frein de langue est une pratique en augmentation à travers le monde. Pour exemple, l’Australie connaît 420% d’augmentation.
Même si les études sur l’ankyloglossie sont nombreuses, elles manquent pour la plupart de rigueur méthodologique et ne permettent donc pas de guider le clinicien. Pour cause, comme le précise le communiqué, on n’y trouve pas de « définition claire et consensuelle des freins de langue et de l’ankyloglossie ». Le « diagnostic est en réalité plus fonctionnel qu’anatomique. S’il est parfois reconnu comme l’une des causes de douleurs mamelonnaires et d’arrêt précoce de l’allaitement, il est loin d’en être la cause plus fréquente ». Aussi, il n’y a pas de « consensus d’experts sur l’existence même d’un frein de langue postérieur, et l’absence de preuve d’efficacité d’une frénotomie postérieure » si bien que l’entité « frein de langue postérieur » devrait ainsi être abandonnée.
Enfin, les preuves scientifiques sont pauvres concernant le traitement chirurgical ayant pour but « thérapeutique de libérer la restriction de la langue et de restaurer son amplitude de mouvement permettant un allaitement efficace et indolore ».
Des effets secondaires pour une pratique non justifiée
Avant d’entreprendre tout acte chirurgical, il est nécessaire d’évaluer « les capacités du nourrisson à téter efficacement et du confort maternel (douleur à la succion), par un professionnel qualifié pour rechercher les autres causes de difficultés d’allaitement, bien plus fréquentes ». La section du frein de langue ne doit pas être réalisée à la légère, car elle comporte des effets secondaires à savoir, des hémorragies, des lésions collatérales tissulaires, une obstruction des voies respiratoires ou nerveuses, sensorielles, un refus de tétée, une aversion orale, et des complications infectieuses… Ces informations doivent être largement communiquées aux parents, car on assiste sur le territoire à une augmentation des « réseaux proposant, à des tarifs excessifs, de traiter par frénotomie les douleurs mamelonnaires , ou pire de la pratiquer à titre préventif ».
Alors, comment aiguiller les professionnels de santé ?
Les experts appellent à la vigilance et proposent 5 recommandations :
1. En l’absence de difficulté, la présence d’un frein de langue court et/ou épais n'est pas une indication chirurgicale. La frénotomie est un geste agressif et potentiellement dangereux pour des nourrissons.
2. En présence de difficultés, quelles qu’elles soient, la démarche diagnostique scientifique doit être réalisée par des professionnels de formation universitaire, ou ayant une formation agréée officiellement en allaitement, respectant une médecine basée sur des preuves, prenant en compte l’état général global de l’enfant complétée d’une évaluation rigoureuse anatomique et surtout fonctionnelle de la succion/déglutition de l’enfant. La sanction chirurgicale, restant exceptionnelle, devra se prendre en lien avec le médecin traitant.
3. Une frénotomie aux ciseaux peut être indiquée après information aux parents du rapport-bénéfice/risque, à condition qu’il existe un frein lingual antérieur court et/ou épais et uniquement après échec des mesures conservatrices non chirurgicales classiquement mises en place. Ce geste est réalisé avec ou sans anesthésie de contact, remise au sein immédiate et antalgique. Après la frénotomie : aucun geste intrabuccal n’est nécessaire les jours suivants.
4. Que des études méthodologiquement rigoureuses ciblant les indications, l’efficacité et la tolérance de la frénotomie soient menées à terme sans délai.
5. D’améliorer la préparation à l’allaitement et la formation des professionnels afin de prévenir, et d’accentuer la prise en charge conservatrice et non chirurgicale en cas de difficultés.
Se former à l’allaitement
Si l’Organisation Mondiale de la Santé encourage largement l’allaitement maternel, il est essentiel que les professionnels de la périnatalité se forment à l’allaitement maternel. Diplômes universitaires, certification de consultante en lactation (IBLCE), les formations ne manquent pas pour soutenir les mères dans leur démarche d’allaiter. Devant des difficultés d’allaitement maternelle (douleurs chez la mère, difficultés de succion…), souvent où la mère se retrouve désemparée, il faut trouver une solution mais la frénotomie n’est pas la solution miracle! On observe, on évalue la situation. L’absence de culture scientifique sur la frénotomie a donné lieu à l’opportunisme lucratif alors que dans la plupart des cas, après observation et évaluation rigoureuse de la situation, les nourrissons même avec un frein court, peuvent se nourrir correctement.