Le périnée envisagé autrement, Périnée mon amour, une conférence dansée de la compagnie Transverse et des ateliers…
Une rencontre dynamisante entre une sage-femme et une danseuse : se remettre en/au mouvement!
Un jour Ingrid Bizaguet a tapé à la porte de mon cabinet de sage-femme. Elle était dans un état étrange, je sentais qu’elle avait besoin de partager. J’étais avec une étudiante en formation. Nous l’écoutions, nous la regardions bouger.
Elle avait quelque chose à dire, son corps parlait. Elle voulait me présenter son travail, ses ateliers en pré et postnatal. Dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans l’apprentissage de celles et ceux qui travaillent avec le corps, et notamment avec le corps des femmes. Qu’il est étonnant que bon nombre de professionnels ne sache pas ce que c’est que le périnée, que cet endroit est tabou, qu'il reste souvent mystérieux, vague (“le centre” ), non habité ou comme déserté. Elle parlait des danseurs, mais des kinésithérapeutes aussi, des sages-femmes, des gynécologues, de ces praticiens auprès desquels elle n’a pas trouvé de réponse et notamment sur un point qui touche particulièrement à son identité, pourra-t-elle continuer de danser après son accouchement ?
Accompagner un sportif de haut niveau, qui connaît très bien son corps, et ses performances, n’est pas toujours évident.
Je me disais en l’écoutant, qu’elle tenait quelque chose, un combat, proche de celui de Bernadette de Gasquet, ou de Blandine Calais-Germain, ces femmes qui nous ont fait avancer, ou d’Hélène de Gunzbourg qui nous font nous remettre en questions et nous font évoluer dans nos pratiques. Mais elle le disait dans son corps, avec son corps, dans son va-et-vient, dans ses mouvements, comme des marques.
Je reconnaissais en elle, des femmes que j’ai pu accompagner dans leur rééducation du périnée: ce chemin intime, qui s’offre le plus souvent dans ce moment particulier de la naissance d’un enfant.
Ce moment où l’on prend conscience de son périnée a toujours de l’importance, il recèle du sens, un moment à soi, et revêt pour certaines, quelque chose d’une réparation.
J’avais aussi mon point de vue sur nos manières de faire, ce qui nous a été transmis, sur ce que nous transmettons, et les enseignements de certains physiothérapeutes américains me faisaient dire que nous devions tenter de trouver des moyens d’appropriation et de représentations pour chacune, chacun.
De nos échanges sont nés des ateliers et des formations pelvicfloordance®, danse&périnée®, danse&naissance®, pelvicfloorproprioception&breath® à destination des professionnels qui travaillent avec le corps, comme les danseurs, les sages-femmes, les kinésithérapeutes, les psychologues, les chanteurs, les gynécologues, en fait, toute personne, qui souhaite habiter autrement son corps et celles et ceux qui ont à cœur de travailler dans une conscience attentionnée (en pleine conscience) lorsqu’ils travaillent avec d’autres, en portant soin, attention à l’autre, ces professionnels pour qui le psychocorporel intervient, le transfert aussi.
Et Ingrid me parlait de ce désir de conférence dansée. Idée réjouissante, fortifiante. Nous étions dans le post mouvement « #metoo, », dans ce temps de révélation des violences obstétricales et gynécologiques, dans un temps singulier de prise de parole des femmes. Et là, il était question de ça et de ces lèvres qui empruntent la voix de la création, dans le sillage d’Annette Messager, de Louise Bourgeois. Et après des heures de travail et le temps de l’élaboration, Périnée mon amour, voit le jour. Nous sommes heureuses de partager cette nouvelle avec vous, et serions honorées que vous veniez, toutes et tous, assister à cette conférence dansée.
Périnée mon amour est une conférence dansée, drôle, légère et profonde.
Deux conférencières, exploratrices et chercheuses,y tournent autour du pot et s’aventurent dans le fascinant et mystérieux labyrinthe de nos cavernes intérieures.
Transcender la blessure de l'intime, révéler sa beauté et son universalité
En ces temps #MeToo, alors que les scandales de violences obstétricales s’affichent en plein jour, Ingrid Bizaguet a souhaité exposer le périnée comme un lieu beau, fort et puissant, comme une partie de nous-même intime et pourtant si sociale. Lieu symbolique. Fenêtre ouverte ou non sur la conscience de soi. Parler du périnée c’est prendre le temps de penser notre façon d’être au monde, notre rapport au corps, aux autres.Dés la naissance, le périnée est mis en mouvement. Tant de rites de passage vers l’adolescence et la vie d’adulte le concernent sans que son nom ne soit jamais prononcé. Et tant de traumatismes s’y logent aussi.Traversé par le nerf pudendal, de la pudeur.
Tabou. Ce bassin, bassine qui accueille et évacue. Vide de mots, d’images. Absent des apprentissages. Laisse la peur, la soumission ou le silence s’y agripper.
Equipe et distribution
Chorégraphe Ingrid Bizaguet
Interprètes Marguerite Chaigne et Ingrid Bizaguet
Voix et regard extérieur Pauline Higgins (Sage-femme)
Illustrations Cyrielle Lefebvre (Architecte)
Photos Philippe Forestier
"Autour
Faire évacuer
L'étymologie du mot périnée se décompose ainsi. Le mot est prononcé. Ses origines aussi.
Quelque chose commence à s'exposer.
Deux corps féminins qui interrogent ce mot.
Mot masculin qui se termine comme un mot féminin.
Mot médical qui néanmoins recèle du tabou, de l'insu et qui reste de l'ordre de l'intime,
que nous partageons sans le savoir avec les mammifères. Hommes et femmes.
Mot-siège de secrets, de non-dits, d'empreintes, d'héritages.
Mot-partie du corps enfouie. Mot associé à la femme.
Mot qui apparaît autour d'une naissance et qui lui même se charge, alors. Et cette partie du corps, qui d'absente, hors-scène, devient présente, nommée, vivante, en mouvement conscient.
Ici, l'intime s'offre une danse publique.
Ici les maux se disent par les corps qui se font face, se meuvent, émeuvent et se font écho.
Ici se rejoue quelque chose de la représentation des sexes, et notamment celui de la femme:
corps féminins et ses artifices, corps sombres, corps tremblants, corps hystériques, sexe fendu et qui se défend. Sexe tendu. Lèvres habituellement inaudibles. Cavités et cloaques entrent en scène. D'un bout à l'autre.
Elles nous disent quelque chose, nous racontent une histoire, tournent autour. Se font cycles, se font écho des animaux : singes, cerfs, élans ou vaches africaines. Présences majestueuses des corps,
des organes, des muscles, des tissus. Elles se font contenants, ressacs. »
Pauline Higgins, sage-femme, ancienne élève de l’école des arts politiques, réalisatrice
Génèse du projet et processus de création
Les mots d’Ingrid Bizaguet, chorégraphe et interprète, cocréatrice avec Pauline Higgins des ateliers et des formations danse&périnée ®, pelvicfloor&dance®, pelvicfloorproprioception&breath®, danse&naissance ®
« Ce projet voit le jour à la naissance de mon deuxième enfant de la nécessité de traiter du corps de la femme, du don qu’elle fait, de sa reconstruction post-partum. Comme le périnée lui-même, je concevais ma pièce en strates. Petit à petit, nous allions briser la coquille, nous immiscer…
Je souhaitais traiter des non-dits, des tabous, du pouvoir que détiennent ceux qui savent. Je désirais jouer avec humour de ce qui, finalement, rassemble l’humanité toute entière. Puis j’ai compris. Exposer le périnée c’est entrer dans une dynamique de (re)conquête de soi, d’empowerment, de mythologie personnelle. C’est aller à la rencontre de ce qui fait notre essence.
C’est aussi rencontrer ceux qui ne sont pas prêts, ceux qui refusent de voir.
Alors j’ai dessiné, j’ai respiré, j’ai symbolisé le corps avec mes mains, j’ai traversé la scène en faisant 28 pas… Pour ne pas avoir à dire ce que les oreilles ne peuvent entendre, lorsque l’on n’a pas de mots. Pour trouver d’autres voies, d’autres chemins, j’ai eu le souhait de faire rire, autant par le choix des mots utilisés que par les situations créées.»
Ingrid Bizaguet, danseuse et chorégraphe, pédagogue et danse-thérapeute.