Sage-femme depuis 2005, Marion Monperrus a choisi d’allier pratique clinique et recherche. Lauréate de la bourse Mustela 2023, elle revient sur son parcours et ses travaux novateurs.
Quel est votre parcours ?
Diplômée de l’Université de Rennes, je suis sage-femme depuis 2005. En 2015, j’ai entrepris un master 1 en santé publique, suivi d’un master 2 en modélisation en pharmacologie clinique et épidémiologie. Ces études m’ont conduit à un doctorat, un chemin semé d’embûches pour une sage-femme, mais extrêmement enrichissant.
Mon intérêt pour la recherche a débuté avec mon travail de master sur le lien entre allaitement maternel et neurodéveloppement chez l’enfant de 0 à 6 ans. Ce travail m’a valu le prix de la meilleure communication orale du Congrès National des Sages-Femmes en avril 2024.
Quel est votre sujet de recherche ?
Mon travail de thèse porte sur la filière physiologique, un sujet que j’ai commencé à explorer en profondeur lors de mon inscription en thèse en septembre 2022. En décembre 2021, j’ai initié le projet de recherche PhysioCare, financé par l’Institut de Recherche pour la Santé Publique (IReSP) à hauteur de 307 000 €. Ce projet se concentre sur l’accompagnement des grossesses et des naissances en filière physiologique comparativement à la filière conventionnelle.
Je suis également ravie d’annoncer le début des inclusions pour un second projet de recherche intitulé PhysioCareTwo. Ce projet, financé par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) via l’appel à projets PREPS et par l’IReSP, explore les effets de la prise en charge en filière physiologique versus filière conventionnelle sur la santé psychique des couples et la santé de la mère et de l’enfant à l’âge de 2 ans.
En France, la filière physiologique est destinée aux femmes présentant une grossesse et un accouchement à bas risque. Ce modèle privilégie une prise en charge sans intervention médicale ni anesthésie péridurale. Quatre filières expérimentales ont été mises en place dans des hôpitaux, dont deux à Rennes.
Pour mener à bien ces études, nous avons constitué une cohorte prospective multicentrique regroupant 600 patientes à bas risque obstétrical entre 34 et 39 semaines d'aménorrhées (SA). Chaque patiente incluse en filière physiologique a été appariée à deux patientes suivies en filière conventionnelle, en tenant compte du centre hospitalier et de la parité.
Quels sont les critères de santé évalués ?
Nos études adoptent une approche multidimensionnelle : qualitative, quantitative et médico-économique.
Le critère principal est la voie d’accouchement (voie basse, accouchement instrumental ou césarienne). Les critères secondaires incluent :
- La mise en travail spontanée,
- L’intégrité du périnée,
- Un score d’Apgar > 7,
- L’absence de complications.
Nous explorons également des aspects positifs de la santé avec le concept de salutogenèse, axé sur le renforcement du bien-être. PhysioCare et PhysioCareTwo analysent aussi l’impact de la prise en charge physiologique sur la relation mère-enfant à court terme (J2 et 6 semaines post-partum) et à long terme (à 2 ans pour PhysioCareTwo).
En parallèle, une analyse médico-économique est menée pour comparer les coûts des deux types de filières, ainsi que la perception de la prise en charge par les mères, les coparents et les professionnels de santé.
Quelles sont les perspectives de ce travail ?
L’objectif principal est de démontrer que la filière physiologique est à la fois sécuritaire et bénéfique pour le vécu des femmes et des couples.
Une première analyse de PhysioCare indique une diminution significative de la dépression post-partum : 8 % de moins par rapport à la filière conventionnelle. PhysioCareTwo permettra d’aller encore plus loin en évaluant les effets sur la santé psychique des parents et sur le développement de l’enfant jusqu’à ses 2 ans.
Ces travaux visent à ajuster l’offre de soins pour répondre aux attentes des couples et des professionnels : des soins sécurisés, personnalisés et respectueux des besoins individuels.
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