Alors que la reconversion professionnelle touche de plus en plus les sages-femmes, d’autres, à l’inverse, comme Marine, sont prêts à s’investir dans de nouvelles études pour exercer ce métier.
Quel est votre parcours professionnel ?
Avec un Master 2 en Neurosciences intégratives et cognitives, je me suis initiée à la recherche dans ce domaine et plus particulièrement sur l’autisme et le syndrome d’Asperger. J’ai travaillé pendant 5 ans dans l’industrie pharmaceutique à Paris puis en région PACA. Un métier où je ne m'épanouissais pas pleinement.
Être sage-femme a toujours été une évidence pour moi. Après 2 échecs en 1re année de médecine, il y a 12 ans, j’avais enterré ce rêve et je suis partie dans une autre voie qui me plaisait mais ce n'était pas mon souhait de départ. Peut-être aussi, n'était-ce pas le bon moment…
Comment avez-vous procédé pour changer d’orientation ?
Depuis 2010, une passerelle a été mise en place pour les titulaires d’un Master 2 souhaitant intégrer la 2e année de sage-femme (1re année d’école). Peu de places sont allouées chaque année par région, et la sélection se fait sur dossier, puis entretien oral devant un jury de professionnels de santé. En 2015, j’ai eu l’opportunité de quitter mon poste dans des conditions favorables, je me suis donc lancée pour tenter ma chance et réaliser mon rêve. Ma demande de passerelle a été acceptée et me voilà donc étudiante sage-femme.
Qu’est-ce qui vous attire dans la profession sage-femme ?
J’aime dans le métier de sage-femme la place privilégiée auprès des patientes et toute l’importance que nous avons dans la prise en charge de leur grossesse, de leur accouchement et de la période postnatale.
Le suivi gynécologique de prévention est également pour moi une source d’enrichissement qui vient compléter notre rôle. Ce métier allie tout ce que j’aime : le rôle médical qui me manquait avant, le lien humain que j'entretenais dans mon ancien métier, mais de façon plus futile. En effet, la sage-femme est présente dans les moments les plus importants de la vie d’une femme (et d’un couple).Par conséquent, les relations que nous établissons avec elle en sont très souvent démultipliées émotionnellement, que ce soit dans des cas heureux (la plupart du temps), comme dans les situations plus difficiles. Je dis souvent que nous vivons dans un ascenseur émotionnel et c’est entre autres pour cette raison que je trouve notre métier hors du commun.
Quitter son travail pour redevenir étudiante, comment gérez-vous cette situation?
Quitter son travail quand son poste bien établi et que l’on gagne sa vie est forcément un choix difficile et une remise en question, loin d’être anodine. Finalement, on quitte ce que j’appelle sa « zone de confort » et on se met en danger. Ce qui intrigue d’ailleurs beaucoup les gens.
Redevenir étudiante quand on a 30 ans et qu’on a déjà travaillé n’est pas facile tous les jours. Ma vie est, par définition, bien différente de celles de mes camarades de classe. En effet, ils ont 20 ans et vivent encore, pour la plupart, chez leurs parents.
J’ai 2 enfants encore petits (3 ans et 1 an). Alors le maître mot est : "organisation" et sur tous les fronts ! Mon mari m’aide énormément, et c’est clairement grâce à lui et à tout le soutien organisationnel et mental qu’il m’apporte au quotidien que je peux réaliser ces études. Nous faisons beaucoup de sacrifices pour cette reconversion professionnelle et notre vie sociale en est forcément changée.
Heureusement, ma famille et mes amis me soutiennent et me témoignent souvent leur admiration. Cela m’encourage et m’aide à tenir dans les moments plus difficiles. Je sais que je peux compter sur eux n’importe quand. Ces 4 ans ne sont qu’une parenthèse (sportive !) dans nos vies, mais le prix à payer pour faire ce qui me plaît. Nous nous sommes tous adaptés à ce rythme, et j’arrive à concilier ma vie de maman et ma vie d’étudiante du mieux possible, il suffit de penser différemment et de travailler plus efficacement !
Alors que de plus en plus de sages-femmes fuient la profession, sans regret pour cette orientation?
En aucun cas ! Je suis trop bien placée pour savoir qu’on ne peut pas s'épanouir pleinement quand on exerce un métier que l’on n’a pas choisi. J’ai moi-même fui ma profession pour une autre.
Je comprends donc que certaines sages-femmes se détournent de notre métier, si ce n'était pas un choix de départ ou bien par exaspération des conditions de travail. C’est le cas pour de très nombreuses personnes, tous domaines confondus. Je l'ai constaté en discutant avec les gens, qui voyant ma situation, m’avouaient souvent à demi-mot qu’ils n’aimaient pas leur métier.Mais pour des raisons matérielles, ils restaient pas obligation.
Chacun a ses raisons, son contexte et sa vie. De mon côté, je ne regrette rien, je suis sûre d’aimer ce que je fais, et tous les matins je sais pourquoi je me lève, je me sens utile. Se donner les moyens de faire ce que l’on a choisi, c’est aussi le modèle que je veux transmettre à mes enfants.
Une fois diplômée, vers quel secteur souhaitez-vous vous orienter ?
J’aimerais travailler en hospitalier pour accompagner les femmes à mettre au monde leur enfant. Néanmoins, je souhaiterais à moyen terme travailler en libéral en parallèle (mi-temps maternité, mi-temps cabinet), car c'est une organisation qui me correspond davantage. Le libéral offre la chance de suivre plus longtemps une patiente, d’intégrer son contexte et son environnement.
Ce projet s'accomplira dans un second temps... Je le garde dans un coin de ma tête pour plus tard. Je veux d’abord me perfectionner en hospitalier avant de me lancer. Ce n’est qu’en pratiquant au fur et à mesure que je saurai vraiment comment je veux travailler. Donc pour l’instant, même si j’ai mes idées, je reste prudente sans faire trop de projections, on verra !
Pour finir, quelle est votre vision de l’évolution de la profession ?
Notre profession évolue à vitesse grand V avec une augmentation croissante de nos fonctions dans le référentiel métier. Évidemment comme toutes, je suis persuadée que notre travail n’est pas reconnu ni valorisé comme il le faudrait et je suis outrée de voir que les conditions de valorisation peinent à progresser, même après des années de travail.
Il faudrait que les choses changent afin qu'un maximum de sages-femmes puissent exercer sans être blasé-e-s. Ce quotidien peut-être lourd mais ne doit pas nous faire oublier que c’est une véritable vocation !