Marianne Jacques est sage-femme et doctorante en épidémiologie. Elle a remporté en novembre 2022 une bourse de recherche maïeutique par la fondation Mustela. Elle nous en dit plus sur son parcours et son travail de recherche.
Quel est votre parcours ?
J’ai été diplômée de l’école de sages-femmes de Nantes en 2015 et j’exerce depuis en maternité publique de type 1. J’ai suivi en parallèle de mon activité clinique un master 1 puis un master 2 en santé publique. Après une année à exercer en tant qu‘ingénieure d’étude, je suis désormais en première année de doctorat en épidémiologie au sein de l’équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), qui est l’une des équipes du Centre de recherche épidémiologique et bio statistique de Sorbonne Paris Cité (CRESS), sous la tutelle de l’Inserm et de l’Université Paris Cité.
Sur quels sujets de recherche avez-vous déjà travaillé ?
Le travail réalisé dans le cadre de mon mémoire de fin d’études de sage-femme s’intéressait aux complications obstétricales chez les femmes ayant une endométriose à l’issue d’une grossesse obtenue par PMA. Ce qui était la première étude réalisée sur cette question en France et il a fait l’objet d’une publication en 2016. Par la suite, durant mon travail de Master 2 puis d’ingénieure d’étude, je me suis intéressée aux déterminants de la vaccination incomplète chez les enfants de 2 ans en me basant sur les données de l’Étude Longitudinale Française depuis l'Enfance (ELFE) initiée en 2011.
Vous avez obtenu la bourse Mustela pour votre travail de thèse, quel est le sujet ?
Mon travail de thèse s’intéresse aux soins inappropriés pendant la grossesse et l’accouchement et à leur lien avec la survenue d’une dépression du post-partum. Depuis mon stage de master 2, j’ai eu l’opportunité de travailler dans l’équipe de recherche qui a initié les enquêtes nationales périnatales en France il y 28 ans. J’ai eu la chance de rencontrer une des chercheurs de cette équipe, le Pr Camille Le Ray, qui est la responsable scientifique de l’enquête nationale périnatale (ENP) 2021. Elle s’était saisie de la question des pratiques de soins inappropriées et avait implémenté un certain nombre de questions sur ce sujet dans l’ENP 2021 afin de faire le premier état des lieux quantitatif sur ce sujet en France. Lorsqu’elle m’a proposé ce sujet de recherche pour ma thèse, cela a fait écho à mon activité clinique qui m’avait mené à m’interroger sur les pratiques de soins en maternité.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie?
L’ENP est une étude qui a été réalisée auprès de toutes les femmes ayant accouché dans toutes les maternités Françaises pendant une semaine en mars 2021. Cela constitue un échantillon considéré comme représentatif des naissances françaises. Un nombre de données important a été recueilli en maternité grâce au travail des nombreuses sages-femmes enquêtrices et à la participation des femmes, ce qui nous donne de nombreuses informations sur les caractéristiques socio-démographiques et médicales des femmes et sur les caractéristiques organisationnelles des maternités. Les femmes ont également été interrogées à 2 mois ce qui a permis de mesurer plusieurs indicateurs et en particulier le fait d’avoir vécu des soins inappropriés pendant la grossesse et l’accouchement, ainsi que les symptômes de dépression du post-partum.
Quel est le but de votre travail ?
L’objectif de ce travail de thèse est tout d’abord d’essayer de mieux comprendre qui sont les femmes les plus à risque de vivre des soins inappropriés. Puis nous allons chercher à identifier s’il existe un lien entre le fait d’avoir vécu ce type de pratiques durant la grossesse ou l’accouchement avec, d’une part, la survenue d’une dépression du post-partum à 2 mois et, d’autre part, la consommation de soins en psychiatrie et en médicaments psychotropes dans l’année suivant l’accouchement.
Où en êtes-vous dans l'avancement de votre travail et que pouvez-vous dire de vos premières observations ?
J’ai débuté ma thèse en octobre 2022, je suis donc au début de ce travail de recherche. A ce stade, je me suis principalement intéressée à la caractérisation des soins inappropriés et notamment aux déterminants associés à l’absence du recueil du consentement aux interventions médicales pendant le travail et l’accouchement.
Avez-vous déjà des pistes d'amélioration qui se dessinent pour le travail au quotidien des sages-femmes?
De façon générale, selon les interventions médicales considérées, entre 40% et 60% des patientes déclarent que leur accord n’a pas été recherché, il semble donc important de renforcer le recueil du consentement des patientes à toutes les interventions médicales. Si le recueil du consentement avant l’administration d’Oxytocine semble bien réalisé dans le cadre d’un déclenchement, c’est moins le cas au cours du travail. Par ailleurs, parmi les femmes ayant eu une épisiotomie, celles pour lesquelles elle a été réalisée dans le cas d’extractions instrumentales rapportent davantage que leur consentement n’a pas été recherché, sans que ce soit associé à des situations d’urgence fœtale, et notamment dans les établissements réalisant un faible nombre d’accouchements. Cela semble donc surtout lié à des éléments organisationnels qu’il est important de considérer. Et enfin, en ce qui concerne la césarienne en urgence, l’absence de recueil du consentement de la mère semble fortement liée aux situations d’urgence fœtale, ce qui signifie en pratique qu’il est important d’anticiper l’information délivrée aux femmes sur leur état de santé et celui de leur enfant et de s’enquérir formellement de leur accord, car la situation d’urgence ne permet pas de s’en affranchir.
Quand pensez-vous communiquer les résultats finaux ?
Nous prévoyions de publier un premier article dans une revue scientifique à la fin de l’année 2023. Ma thèse devrait être achevée au deuxième semestre 2025.
©Capture d’écran fondationmustela.com