Martin Winckler nous explique ce que devrait être la relation entre patient et soignant.
Dans son livre Les brutes en blanc (Ed. Flammarion), Martin Winckler explique que le mal-être ressenti par les patients face aux médecins est dû à la formation. On fabrique des praticiens bien plus techniciens que soignants. Il suggère alors comment devrait être la relation entre malade et personnel médical. "On attend d’un médecin qu’il écoute, rassure, explique et s’efforce de 'guérir parfois. Soulager souvent. Consoler toujours'. On attend d’un médecin qu’il soigne, explique l'auteur. En France, la réalité est autre : de la violence verbale aux jugements de valeurs, de la discrimination au refus de prescription, des épisiotomies arbitraires à la chimiothérapie imposée, bon nombre de médecins brutalisent les patients, à commencer par les femmes".
Pourquoi avez-vous eu envie d'écrire sur le sujet de la violence médicale ?
J'écris sur le sujet depuis très longtemps, dans mes romans, sur mon site internet martinwinckler.com et je souhaitais consacrer un ouvrage entier au problème, à partir des témoignages que j'ai reçus, des enquêtes qui existent, mais aussi expliquer pourquoi le problème est aussi ancré dans la culture médicale française, car il s'agit d'un problème culturel et structurel.
Quelle est aujourd'hui la principale problématique entre patient et soignant ?
C'est le rapport de force. Un trop grand nombre de médecins se sentent en position de supériorité par rapport aux patients. S'ils sont bienveillants, ça les conduit au paternalisme : "je sais ce qui est bon pour vous, laissez moi faire", et si ils ne le sont pas, ça conduit à la brutalité : "si vous refusez que je vous fasse un examen gynécologique, je ne vous prescris pas votre pilule. C'est comme ça et pas autrement". Dans les deux cas, c'est de la maltraitance car cela balaie complètement l'autonomie - l'autodétermination - du patient et l'obligation de service (écoute, soin, accompagnement, soutien) que les médecins ont à leur égard.
C'est comme si ces médecins pensaient que c'est toujours à eux de définir ce qui est bon pour les patients. Or, ce n'est pas acceptable, sur un plan éthique. Et cela fait trente ans que dans les pays du Nord de l'Europe et les pays anglo-saxons, on respecte l'autonomie des patients, même s'ils prennent des décisions contraires à l'avis des médecins.
Comment expliquez-vous cette problématique ?
Parce que la formation médicale en France est encore napoléonienne, fondée sur l'idée que les médecins sont une aristocratie et que leur valeurs l'emportent sur leurs obligations. Le sexisme est très courant dans le monde médical, tout comme le racisme et les discriminations à l'égard des plus démunis, ce qui n'est pas sans relation avec le fait que la grande majorité des médecins, de par la nature de la sélection, viennent de milieux favorisés. Ils se comportent en aristocrates parce qu'on ne leur a jamais fait réfléchir à ce que sont les inégalités sociales avant qu'ils entrent en médecine, et quand ils y entrent, la mentalité ambiante les conforte dans l'idée qu'ils n'ont pas besoin de réfléchir à ces inégalités. Or, la santé d'un individu est directement liée à son milieu socio-économique : plus on est pauvre, plus on est en mauvaise santé ; mais ce sont surtout les riches qui sont soignés. Pourquoi ? Parce que la plupart des médecins préfèrent soigner les riches pour des raisons psychologiques, morales, politiques…
Accueillir des patients en surpoids en les insultant ou en les harcelant parce qu'ils sont en surpoids, alors même que dans la plupart des cas, ils subissent ce surpoids et ne l'ont pas délibérément choisi, c'est une discrimination, née d'une posture et d'une mentalité de classe. Toutes choses qui sont largement entretenues ou simplement tolérées, mais jamais dénoncées ou combattues ou sanctionnées pendant les études de médecine.
Quelle est, selon vous, la relation idéale entre patient et soignant ?
C'est une relation de partage et de coopération, dénuée de rapport de force, dans un sens comme dans l'autre. Une relation de respect mutuel. Les médecins doivent mériter le respect des patients, et ils ne le méritent que s'ils respectent les patients, les écoutent, les accompagnent et les soignent, sans jamais faire pression sur eux.