Après une expérience de plus de 20 ans dans l’accouchement à domicile, Hélène Goninet s’est spécialisée en sexologie. À travers son travail validant son diplôme interuniversitaire, elle a mis en évidence la puissance de l’enfantement… Elle nous en dit plus dans cette rencontre!
Vous vous êtes formée en sexologie humaine, pourquoi cette orientation ?
J’ai choisi cette orientation, car de temps en temps je recevais des couples qui s’interrogeaient sur la sexualité et manifestaient leur mal-être. Je trouvais donc intéressant de me former à cette thématique. Au début, j’étais gênée par la rédaction du mémoire pour valider la formation, mais finalement j’ai adoré ! Il porte sur l’accouchement comme dimension de la sexualité féminine. Cette expérience m’a propulsée vers l’écriture si bien que j’ai transformé mon mémoire en livre et que d’autres travaux d’écriture ont suivi (album à colorier sur le sexe des femmes, le roman « Moi j'accouche »). L’écriture est devenue ma façon de transmettre.
Vous abordez l’orgasme à l’accouchement dans votre travail. Quel était votre objectif ?
Mon objectif était d’interroger les femmes sur leur vécu de l’accouchement en fonction de plusieurs critères (le respect envers elles et leur entourage, la prise en charge de leurs besoins spécifiques, l’écoute du personnel face à leurs demandes « atypiques », le ressenti physique et psychologique durant ‘accouchement et après, ce qui a changé dans leur vie de femme, de couple après un accouchement, etc). En activant mon réseau professionnel associatif, j’ai obtenu les réponses de 324 femmes (117 ayant accouché à domicile et 207 en institution).
Quels sont les principaux résultats ?
En comparant les expériences d’accouchement à domicile et à l’hôpital, J’ai observé 2 profils de femmes avec différentes conceptions de la naissance.
D’un côté, celles qui considèrent que l’accouchement est avant tout un acte médical et qui souhaitent « être prises en charge ». Pour elles, la dimension de la sexualité est absente de l’accouchement.
De l’autre côté, celles qui souhaitent être libres dans leurs mouvements, accoucher avec plus d’humanité, sentir le processus de la mise au monde en attendant du professionnel d’être accompagnée, et guidée juste si besoin.
Pour ces femmes, il s’agit plus d’un rite initiatique. Pour la plupart d’entre elles, la dimension de la sexualité est présente dans l’accouchement.
J’ai noté des réponses auxquelles je ne m’attendais pas concernant la position d’accouchement. Environ 48 % de femmes qui ont accouché à la maternité pensaient qu’elles étaient libres de leur position, mais un peu plus de 80% ont accouché sur le dos. Et cela, ne les avait pas dérangées, c’était la « normalité », celle qui formate les femmes dans notre culture…
Les femmes à domicile étaient libres de leur position pour 99% d’entre elles et seules 4% ont accouché sur le dos (29% à 4 pattes, 18%en position accroupie).
Vous parlez de sexualité et d’accouchement, cette association est taboue, non ?
Dans notre société, on a dû mal à associer la mère à la sexualité. Pourtant si on prend la définition sur la sexualité du Larousse, l’association entre enfantement et sexualité existe bel et bien : « Ensemble des phénomènes sexuels ou liés au sexe que l’on peut observer dans le monde vivant », de même pour l’Organisation mondiale de la santé : « La sexualité humaine est un élément naturel du développement de l’homme à toutes les périodes de sa vie et comprend des composantes physiques, psychiques et sociales. La sexualité est un aspect central de la nature humaine durant toute la vie. Elle comprend le sexe biologique, les rôles et identités liés au genre, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction ».
Qu’avez-vous observé concernant la dimension sexuelle à l’accouchement ?
La question portant sur l’expérience sexuelle à l’accouchement a suscité méfiance et interrogations pour certaines femmes. Si c’est une minorité qui éprouve du plaisir en accouchement, ce paramètre est d’autant plus présent dans le groupe ayant accouché à domicile, comparativement au groupe ayant accouché à la maternité : peu de plaisir 21% (vs 17 % ), beaucoup de plaisir 33% (vs 21%).
Près de 88% des femmes ayant accouché à la maison parlent de puissance d’enfantement, même si elles sont passées par des phases de découragement.Suite à l’accouchement, elles se sentaient fières et même plus fortes pour aborder d’autres évènements de leur vie.
Cette "puissance de l’enfantement" influence-t-elle leur sexualité ultérieure ?
Des femmes redécouvrent leur corps, apprivoisent des sensations qu’elles ne connaissaient pas et peuvent vivre leur sexualité de façon différente...