Selon une étude française publiée dans le Lancet Public Health, prendre deux semaines de congé paternité présenterait des bénéfices pour réduire le risque de dépression postnatal des pères.
Pour permettre au second parent d’être plus présent auprès du nouveau-né les premiers jours et de favoriser un rééquilibrage des tâches domestiques, le congé paternité est passé de 14 à 28 jours le 1er juillet 2021. Cette disposition s’inscrit dans les mesures prises pour un meilleur développement du nouveau-né et accompagnements des parents dans le cadre des 1 000 premiers jours de l’enfant.
En effet, le post-partum est une période à risque pour la mère comme pour le père de développer une dépression du post-partum. « Chez les personnes en bonne santé, 17 % des mères et plus de 10 % des pères sont susceptibles de la développer au cours de l’année suivant la naissance de leur enfant » (Inserm.fr). Alors prendre un congé paternité de deux semaines est-il la clé pour prévenir ce trouble ?
Des chercheurs de l’INSERM ont évalué l’impact des deux semaines de congé paternité payé sur le risque de développer chez l’un des deux parents une dépression du post-partum deux mois après la naissance. Les résultats ont été publiés dans le Lancet Public Health.
Plus de 24 000 parents inclus
Pour ce faire, ils ont analysé les données de la cohorte Elfe (Étude Longitudinale Française depuis l'Enfance). Il s’agissait de mères ayant accouché en 2011 dans un échantillon représentatif de 320 maternités de France métropolitaine. Les critères d'inclusion étaient les naissances vivantes simples ou gémellaires nées après au moins 33 semaines de gestation ; l'âge de la mère au moins 18 ans; n'envisage pas de quitter la France métropolitaine d'ici 3 ans. Les mères ont été interrogées en face à face peu après la naissance de l'enfant. Les pères et les mères ont tous deux été interrogés par téléphone 2 mois après la naissance de l'enfant, indiquant si le père avait droit au congé de paternité et si oui, s'il l'avait pris ou avait l'intention de le prendre. L'échelle de dépression postnatale d'Édimbourg a été utilisée pour évaluer la dépression post-partum chez les deux parents à 2 mois.
Au total, 10 975 pères et 13 075 mères ont été inclus en tenant compte des informations sur le congé de paternité et la dépression post-partum à 2 mois.
Une réduction de la dépression post-partum chez les pères mais des effets inverses chez les mères
Les pères qui ont pris un congé de paternité avaient un risque plus faible de dépression post-partum (OR 0·74 [IC à 95 % 0·70–0·78]), il en est de même pour les pères qui avaient l'intention de prendre un congé de paternité (0·76 [0·70–0 ·82]) comparativement à ceux qui n'ont pas pris de congé de paternité. La prévalence de la dépression chez les pères selon le statut du congé paternité était de 4,5 % chez ceux qui ont utilisé le congé paternité, de 4,8 % chez ceux qui avaient l'intention d'utiliser le congé paternité et de 5,7 % chez ceux qui n'ont pas utilisé le congé paternité.
En ce qui concerne l’impact sur les mères, la tendance est inversée, les auteurs ont observé un taux de dépression post-partum de 16,1 % chez les mères dont le partenaire a utilisé le congé paternité et de 15,1 % dont celles où le partenaire avait l’intention d’utiliser le congé paternité, et 15,3 % quand le partenaire n’avait pas pris de congé paternité. Pour expliquer cette tendance qui paraître surprenante, une des autrices de l’étude Katarine Barry explique que « l’association négative observée chez les mères pourrait suggérer qu’une durée de 2 semaines de congé paternité n’est a contrario pas suffisante pour prévenir la dépression post-partum des mères. » Les auteurs ajoutent aussi qu’ «une répartition inégale du temps alloué à la garde des enfants et/ou un biais de sélection ».
Les chercheurs concluent que ces résultats soulignent « l’importance que peuvent avoir les politiques familiales ciblées sur les pères en matière de santé mentale des parents et qu’ elles peuvent faire progresser l’égalité des sexes sur le marché du travail et accroître la participation des pères à la sphère familiale. »
On en saura davantage au travers de prochains travaux qui évalueront l’impact de la durée et du moment où est pris le congé paternité sur la santé mentale des parents et sur le développement de l’enfant.