La grossesse représente une opportunité pour arrêter de fumer. Pour y parvenir, les femmes ont besoin d’un accompagnement solide et personnalisé. Alors que la cigarette électronique fait de plus en plus parler d’elle, a-t-elle sa place dans l’aide au sevrage tabagique des femmes enceintes ?
La cigarette électronique, une aide probable au sevrage
C’est dans les années 2010 que les cigarettes électroniques ont fait leurs débuts en France. Leurs buts ? Proposer une alternative plus « saine » aux fumeurs pour se débarrasser de la cigarette classique. Si elles ont rencontré un vif succès depuis leur mise sur le marché, elles connaissent aussi la controverse. Entre nocivité et aide au sevrage, les avis divergent, et des chercheurs ont en fait leur sujet d’étude.
Selon une revue Cochrane, publiée en 2020, les résultats, avec des preuves qualifiées de « modérées », montraient que la cigarette électronique à la nicotine aidait plus de personnes à arrêter de fumer que les thérapies de remplacement de la nicotine ou des cigarettes électroniques sans nicotine. Du côté des sociétés savantes (Société francophone de tabacologie et Société de pneumologie de langue française), la cigarette électronique serait « probablement une aide efficace pour arrêter de fumer » - 700 000 fumeurs ont arrêté de fumer en 7 ans avec la cigarette électronique seule ou bien associée à d’autres aides –, mais « elle doit dans ce cas être utilisée de façon transitoire, en l’absence de données précises sur ses effets à long terme ».
On ne connaît pas ses effets à long terme sur la santé
L’ANSES se charge en France d’assurer le contrôle des liquides pour les cigarettes électroniques et jusque-là aucun d’entre eux ne pose de problèmes sanitaires. Mais ce qui manque ce sont des études sur les conséquences cliniques et épidémiologiques à plus long terme des cigarettes électroniques. Partant de là, il est impossible d’affirmer que le dispositif est sûr pour les femmes enceintes et les fœtus.
Selon des chercheurs du Sud Dakota ayant mené une étude sur 457 femmes enceintes utilisatrices de cigarettes électroniques, l’impact de la vape est moindre – sur la croissance fœtale au 3e trimestre de grossesse- « que la cigarette traditionnelle, mais plus que l’abstinence ». La position du CNGOF dans ses recommandations de 2020 est plutôt ferme et préconise « d’appliquer le principe de précaution ». Selon accord professionnel, « il est recommandé de déconseiller l’initiation ou la poursuite des produits de vapotage pendant la grossesse et de dispenser les mêmes conseils de sevrage que pour le tabagisme ».
Alors que dire aux femmes enceintes sur le vapotage ?
Selon Maud-Catherine Barral, sage-femme consultante grossesse et addictions, à Lyon : " L'utilisation de la cigarette électronique pendant la grossesse reste une question sans réponse franche. En l’état actuel des connaissances, il convient de respecter le principe de précaution. Il est recommandé de déconseiller l’initiation ou la poursuite des produits de vapotage pendant la grossesse (accord professionnel). Aussi, il est recommandé de dispenser les mêmes conseils de sevrage que pour le tabagisme (accord professionnel) chez les utilisatrices de produits de vapotage (CNGOF).
Par contre, dans la pratique un certain nombre de patientes deviennent enceintes alors qu’elles sont vapoteuses, pour celles-ci un accompagnement vers le sevrage de la cigarette électronique est conseillé. Lors de la consultation, nous évaluerons la consommation de nicotine journalière pour la remplacer par des substituts nicotiniques transdermiques et/ou oraux ainsi que la dépendance comportementale pour la remplacer par un autre plaisir afin que la patiente ne soit pas en frustration. Il serait contre-productif de déconseiller une cigarette électronique sous prétexte de précaution sans proposer un accompagnement spécifique au risque d’une rechute tabagique (sûrement plus toxique) .
La question est plus délicate quand la patiente qui souhaite arrêter de fumer demande si elle peut utiliser une cigarette électronique. Pour ma part, je ne conseille pas son utilisation en première intention, mais si après l’introduction de substitut nicotinique et un suivi rapproché, le taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré est toujours très élevé ( >10 ppm) et que la patiente souhaite essayer la cigarette électronique je l’informe de son absence de validation médicale, mais aussi de son intérêt dans la réduction des risques s’ il y a arrêt complet du tabac fumé . Il faut s’adapter à ce que les patientes veulent ou peuvent faire dans leur sevrage ; la réduction des risques peut être la seule alternative envisageable pour cette grossesse et pour la femme à ce moment-là. Mais nous gardons toujours comme objectif l’arrêt complet, quitte à passer par différentes étapes (patch, réduction de consommation et parfois la cigarette électronique ...)
En pratique, ce que l’on peut conseiller aux femmes enceintes s’est de prendre rendez-vous avec une sage-femme tabacologue qui saura au mieux répondre à ces questions et l’accompagner dans sa démarche quelle qu’elle soit arrêt ou réduction".
Références :
Rapport d’experts et Recommandations - Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse - Elaborés par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Société francophone de tabacologie (SFT), avec le soutien financier de Santé publique France - 2020
Informations sur la cigarette électronique utilisée dans un objectif d’aide au sevrage tabagique – Société Francophone de Tabacologie – 2019
Lettre de la Société Francophone de Tabacologie n°114 – octobre 2020
Electronic cigarettes for smoking cessation- Cochrane Library - 2020