PDSF a assisté aux 23e Journées de médecine fœtale, des sujets passionnants ont été abordés dont la « consultation anténatale en cas d'affection non curable chez un couple conservateur ».
L’annonce d’une malformation fœtale incurable est un déchirement pour les parents. Malgré le sombre pronostic, certains souhaitent poursuivre la grossesse par conviction religieuse, influence culturelle ou bien par expérience individuelle. Intervient alors l’information anténatale, loyale, éclairée pour que le couple puisse être accompagné et accueillir, comme il le souhaite, cet enfant différent.
Diagnostic de maladie incurable foetale, comment envisager la suite ?
Une maladie incurable se définit dans le Larousse, comme une maladie « qui ne peut se guérir », faute de traitement efficace et qui conduit inévitablement à la mort.
La notion de temporalité de cette mort, n’est pas toujours facile à apprécier et dans certains cas, une prise en charge médicale peut la retarder et même améliorer le taux de survie, comme en témoignent des publications. L’une d’entre-elles a mis en évidence qu’une intervention cardiaque améliorait la survie de 50% chez les patients atteints de trisomie 18.
Sans prise en charge spécifique, l’incertitude de la date de cette mort certaine constitue une situation déstabilisante : Va-t-il mourir dès la naissance ? Mais s’il né vivant, ne peut-on pas retrouver un peu d’espoir ? Comment gérer la fratrie, l’entourage ? etc.
Cette maladie létale, dont on connait l’issue soulève néanmoins, pléthore de questions qu’il faudra aborder durant la grossesse pour anticiper toutes les situations possibles et les réévaluer si de nouveaux éléments surviennent. Il s’agit de bâtir un projet avec les parents sur une communication claire et loyale. Les éléments du projet doivent apparaître dans le dossier et les équipes prévenues de cette naissance qui n’est pas classique.
Anticiper les situations
Toutes les interrogations des parents doivent être exprimées en amont à l’occasion de consultations anténatales et en présence de plusieurs professionnels (obstétricien, pédiatre, psychologue, sage-femme). Les différentes issues sont évoquées : décès in utero, naissance prématurée, la surveillance du travail, le mode d’accouchement, en cas de décès en salle de naissance ou de survie à la naissance, la démarche palliative, l’accompagnement à domicile…Il faut s’assurer également que la sévérité de la pathologie soit comprise.
Pour Dr Boize, du service de réanimation et médecine néonatales de l’hôpital de Pontoise, aux 23e journées de médecine fœtale, "la plupart des parents refusant l’IMG désirent rester auprès de l’enfant et l’accompagner au cours de sa vie" aussi courte soit-elle, alors il faut "trouver un équilibre entre les soins curatifs et les soins de confort" et leur offrir le soutien nécessaire.
Dans la présentation de cet exemple, où l’enfant a été diagnostiqué trisomie 18, le couple n’a pas réclamé d’IMG, les parents souhaitaient rester avec l’enfant à la naissance. Le bébé a survécu à la naissance et quelques jours après, le couple a été accompagné à domicile. Les parents étaient informés que l’enfant pouvait succomber lors d’un malaise. Quelques jours plus tard, ils ont conduit leur enfant aux urgences pour malaise. Il était mort. Le couple préparé, a accompagné comme il le souhaitait cet enfant.
Mais d’autres exemples montrent que la situation est loin d’être si facile, malgré les consultations anténatales et une volonté de coordination minutieuse entre professionnels.
Ici, l’enfant est diagnostiqué trisomie 13. Le couple très religieux ne souhaitait pas de réanimation néonatale mais demandait une surveillance monitoring et une césarienne pour que l’enfant naisse vivant, très important pour ces parents. Des anomalies du rythme cardiaque sont survenues et la césarienne a été réalisée à leur demande mais l’enfant était déjà décédé.
Ou bien, dans la découverte d’un fœtus présentant une acrânie, Les parents ne désiraient pas d’IMG, ni de surveillance monitoring et de césarienne. Par contre, ils réclamaient une prise en charge en cas de naissance d’un enfant vivant (sonde gastrique…). Au final, le bébé est décédé à 34 semaines d’aménorrhées. Cette issue n’avait pas été envisagée…
Dans ce dernier exemple, des parents conservateurs ne demandaient ni surveillance monitoring, ni césarienne pour leur bébé atteint de trisomie 18. Il est né vivant, il a été transféré en néonatalogie. Une brève apparition du père, la venue de la mère à 36 heures de vie. Les parents ont exprimé alors toutes leurs difficultés, ils refusaient que la fratrie rencontre le bébé. Déclaré mort auprès de la famille, cette naissance n’était acceptable qu’avec un décès à la naissance. L’enfant est parti à 5 jours de vie. Incompréhension ? Déni ? Manque d’informations ?...
Répondre parfaitement au besoin des parents où de multiples paramètres coexistent nécessite vraiment des échanges inter-professionnels. Cela favorisera la prise de décision pour bâtir « des projets de naissance cohérent et dans le respect du principe d’autonomie parentale » comme on peut le lire dans l’ouvrage « Deuil en maternité ».
Une cohérence qui peut se montrer aussi si fragile et bouleverser les limites de l’éthique : que faut-il accepter ? Peut-on tout accepter dans une telle situation ?
De l'incompréhension à tous les niveaux
Crainte, culpabilité, peuvent envahir le couple et l’enjeu est d’éviter les incompréhensions avec les soignants pour qu’ils puissent les accompagner au mieux. Mais côté soignant aussi, la situation peut sembler gênante, stressante, « pourquoi attendre la mort quand on a la possibilité de pratiquer une IMG ? ». Comme l’explique Isabelle de Mézerac, présidente de l’association Spama dans une interview de l’ouvrage « Deuil et maternité » : « Pour certains, cette démarche n’a pas de sens, ils n’y voient qu’un attachement inutile […], d’autres pensent que des mères sont dans le déni de la réalité ».
La maitrise des professionnels s’échappent dans ce type de situation, peut-être faudrait-il changer son regard. Comment réagiraient des parents accompagnant un petit enfant atteint d’une maladie ? Ils resteraient auprès de lui pour profiter des derniers instants de vie et non pour attendre la mort…
Sources :
consultation anténatale non curable chez un couple conservateur , Dr Boize, service de réanimation et médecine néonatales. 23e Journées de médecine fœtale, 6 avril 2018, Marseille.
The impact of cardiac surgery in patients with trisomy 18 and trisomy 13 in Japan- Maesa J, Yamagishi H, Furutani Y, Kamisago M, Waragai T, Oana S, Kajino H, Matsuura H, Mori K, Matsuoka R, Nkanishi T- AJMG
2011 Nov;155A(11):2641-6. doi: 10.1002/ajmg.a.34285. Epub 2011 Oct 11.
Deuil en maternité sous la direction de Jocelyn Clutier Seguin et Rose Marie Toubin, éditions Eres.