Si la pandémie a bouleversé l’organisation des maternités, il semblerait que, selon cette enquête menée par le collectif « Tous contre les violences gynécologiques et obstétricales », les violences obstétricales aient empiré.
Témoignages de femmes en détresse sur les réseaux
L’épidémie a généré de nombreuses interrogations de la part du corps médical : comment organiser le suivi des femmes enceintes ? Comment limiter la contamination ? Comment les accompagner sans leur faire prendre de risque ? Etc. Aussi, de nombreuses questions des patientes mêlées à du stress et de l’anxiété. Certaines ont d’ailleurs partagé leur détresse sur les réseaux sociaux et ce qui a interpellé le collectif « Tous contre les violences gynécologiques et obstétricales » et qui l'a amené à mesurer l’impact de la crise Covid-19 sur la naissance en France à travers une enquête. Celle-ci a pour objectif de « rendre compte du vécu des femmes, des protocoles mis en place, du respect des droits des femmes et des droits humains pendant cette période troublée ».
Plus de 2700 femmes interrogées sur le territoire français et outremer à l’exception de Mayotte
L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon spontané de 2727 femmes qui ont accouché entre le 15 février et le 31 mars 2020. Elle a inclus 54% de primipares, 46% de multipares, 88% d’accouchements à bas risque, 11% à haut risque et 10 femmes ont été testées positives au covid-19.
Ce travail a mis en lumière 3 formes de violences : l’interdiction d’accompagnant-e à l’accouchement, l’obligation de porter le masque à l’accouchement et une hausse des déclenchements sans indication médicale.
Seule à l’accouchement
L’absence de conjoint-e à l’accouchement a été perçue comme une injustice pendant ce moment intime si particulier et une source de stress pour 69% des femmes quant à l’incertitude de sa présence. Parmi les témoignages : « Les 3 semaines qui ont précédé l’accouchement ont été très douloureuses psychologiquement. On m’a annoncé que l’accompagnant n’était pas autorisé à l’accouchement. Je me suis sentie abandonnée, esseulée, incapable d’accoucher, en grande détresse psychologique. Je ne voulais plus accoucher et j’espérais me réveiller de ce cauchemar ». Au final, se sont 11% des accompagnant-e-s qui ont été interdit-e-s quel que soit le type d’accouchement. Pour Les autres, 15% des femmes ont pu retrouver leur conjoint-e pendant la phase d’expulsion, 33% dès leur arrivée en salle de naissance et 37% dès leur admission à la maternité et pendant tout l’accouchement.
Efforts expulsifs avec le masque
Le port du masque a été mal vécu pour certaines femmes : « accouchement anxiogène dû au masque », « révision utérine avec port d’un masque obligatoire, inhumain je trouve ». Elles ont été 46% à porter le masque pendant l’accouchement et l’enquête met en évidence un lien de corrélation entre port du masque et augmentation d’actes ou de complications (extraction instrumentale, perfusion d’ocytocine…). Il n’est cependant pas possible d’affirmer si le masque est une cause directe à ces complications ou si les maternités concernées sont plus interventionnistes.
Plus de déclenchements
Les témoignages recueillis ont mis en évidence une hausse des déclenchements artificiels du travail avec 25% dont 7% justifiés comme « mesure Covid-19 » alors que l’enquête nationale de 2016 en a rapporté 22%. Des femmes ont demandé ou accepté un déclenchement car elles craignaient que leur conjoint-e ne soit plus autorisé-e si l’accouchement tardait, « j’ai été déclenchée car j’avais peur que la décision change concernant l’accompagnant ».
Une remise en question ?
Le contexte de la crise sanitaire a été difficile pour les futurs parents comme pour les soignants. Cette situation inattendue a généré de la peur, du stress, des modifications d’organisations régulières où il fallait combiner aussi dans certains hôpitaux avec un manque de matériel. Un chiffre qui attire l’attention est le faible taux de confiance accordé aux professionnels de santé : seulement 27% ! Conséquence probable du stress des patientes - et du biais de recrutement de l'enquête.
Pour autant, cette enquête doit ouvrir les consciences et faire garder à l’esprit que la physiologie de la naissance doit être maintenue quel que soit le contexte. Cette crise a probablement impacté les femmes sur le plan psychologiques à plus ou moins long terme comme la relation d’attachement mère-enfant, qu’il serait pertinent d’évaluer.