Fausse couche tardive, mort fœtale ou bien interruption médicale de grossesse … Ces événements sont potentiellement à risque de syndrome post-traumatique. Lucile Abiola, sage-femme diplômée en psychologie périnatale et doctorante en éthique, a cherché à en savoir davantage sur sa prévalence à court terme ainsi que sur les paramètres favorisants.
Les pertes fœtales tardives, qu’il s'agisse d'une fausse couche après 14 semaines de gestation, d'une mort fœtale in utero après 14 semaines de gestation, d'une interruption médicale de grossesse au 2e et 3e trimestre de grossesse, concernent 3 à 4% des grossesses.
Ces évenements traumatiques sont susceptibles d’altérer la santé mentale des mères et de générer un trouble du stress aigu (symptômes d'intrusion, altération de l'éveil et de la réactivité, altérations négatives de la cognition et de l'humeur, symptômes dissociatifs (tels que l'amnésie ou l'altération dans la perception de la réalité) et des symptômes d'évitement) trois jours à un mois suivant l’événement. Si le trouble persiste au-delà d’un mois, on parle alors de trouble de stress post-traumatique. Ce trouble toucherait 0,6% à 39%, selon les études, les mères endeuillées (vs environ 3% quand l’accouchement abouti à une naissance d’un enfant vivant).
Pertes fœtales et prévalence du trouble du stress post-traumatique à court terme
Pour en savoir plus sur l’état mental des mères après la mort du fœtus, des patientes (109 dont 88 suivies jusqu’à la fin de l’étude) ont été évaluées à 15 jours, un mois puis trois mois après la perte au CHU d’Angers, entre mars 2018 et décembre 2019. Les outils d’évaluation étaient l'Impact of Event Scale Revised (IES-R) utilisé pour évaluer les conséquences d’un événements stressant, et le Peritraumatic Dissociative Experiences Questionnaire (PDEQ) qui est utilisé pour étudier les symptômes dissociatifs lors d’un événement traumatique.
Lors de la première évaluation de cette étude prospective, à quinze jours, 44,2% des femmes présentaient un état de stress aigü (score ≥ 33 avec l’IES-R).
Le syndrome du stress post-traumatique était présent chez 34,1% des femmes à 1 mois et 9,1% à 3 mois.
Stress post-traumatique : quels sont les facteurs associés ?
Cette étude suggère des facteurs favorisants le syndrome du stress post-traumatique. Parmi eux, la dissociation peritraumatique lors de l’évenement ( 100 % vs 81,7%).
Ce que l’on pourrait penser comme étant une aide pour faire le deuil apparait ici comme des paramètres favorisants le syndrome du stress post-traumatique : le fait de tenir le fœtus inanimé dans ses bras (71% vs 48%), revoir le fœtus (58% vs 35%), organiser les obsèques (32% vs 15%).
Par contre, le terme avancé de la mort fœtale n’était pas associée à score IES-R plus élevé.
Quel enseignement pour les soignants ?
Alors faut-il conseiller aux mères de voir leur fœtus né sans vie pour les aider à faire le deuil ? Selon Lucile Abiola, sage-femme ayant mené cette étude, « on doit laisser le choix aux femmes, aux couples, tout en étant conscient du potentiel traumatique ». Elle explique aussi qu’ « il est important de rester vigilants lorsque les femmes ont du mal à se séparer du foetus. Le corps peut être vu mais nous avons un rôle de séparation, et le corps doit rapidement être adressé a un service mortuaire et ne pas être revu plusieurs fois et longtemps à la maternité. Il faut repérer les patientes ayant un attachement fort à leur fœtus in utero pour leur proposer un accompagnement précoce et adapté. Les sages femmes peuvent accompagner ces femmes en normalisant leurs émotions et en les rassurant sur les symptômes physiques et émotionnels mais aussi en les aidant dans les démarches administratives. Il est important que ces femmes gardent le lien avec l’équipe pour , en cas de besoin, demander une prise en charge psychologique ou psychiatrique. »