Nadège Beauvois-Temple, elle-même confrontée à des difficultés maternelles pour la naissance de son 3e enfant a fondé le site « Maman Blues », en 2006. Le site a connu un tel engouement qu’il a fait naître l’association « Maman Blues ».
Le site web « Maman Blues » existe depuis 2004.. C’est la fondatrice Nadège Beauvois-Temple qui a lancé ce projet. Elle-même a connu des difficultés maternelles à la naissance de son 3e enfant. Alors qu’elle a été hospitalisée avec son bébé pendant 6 semaines à l’unité de maternologie de Saint-Cyr-L’Ecole, elle a cherché plus tard des réponses sur internet sur ce qui lui était arrivée. Dans une grande incompréhension, elle s’est retrouvée à échanger avec d’autres femmes sur des forums de maternité. Elles n’étaient pas seules à avoir traversé des difficultés maternelles… mais ces forums n’étaient pas spécifiques. De là, elle a décidé de créer un site entièrement dédié aux difficultés maternelles. Le site a connu un tel engouement qu’il a fait naître en 2006 l’association Maman Blues. Elle est 100% bénévole et est constituée en immense majorité par des femmes passées par ces difficultés et ayant fait résilience. Cette association d’aide par les pairs comprend environ 44 référentes sur le territoire.
Avec Fabienne Lacoude, référente Maman Blues des Bouches-du-Rhône
Comment l’association aide t-elle les femmes ?
Tout d’abord, l’aide passe par la circulation de la parole au sens large, en offrant des témoignages, des partages d’expériences. On tient vraiment à garder le forum car il est sécurisé, bienveillant, les femmes viennent lire et se reconnaissent dans le témoignage des autres. Il permet aussi d’écrire, de poser des mots, de sortir ce qu’il y a l’intérieur de soi, il y a de l’entraide, de l’encouragement.
Nous proposons également des groupes de parole organisés tous les mois à Lyon, Paris et Castres. Enfin, nous donnons des contacts aux mères ou aux proches qui en font la demande. Depuis 13 ans on alimente un répertoire de professionnels sensibilisés, formés à la difficulté maternelle, il comprend des associations de TISF, des lieux d’accueil enfants-parents, des sages-femmes, des psychomotriciens, les unités mère-bébé… Maman Blues est une 1re étape d’aide, notamment axé sur la parole, mais nous ne sommes pas des professionnels alors nous passons le relais si ce 1er niveau ne suffit pas.
Avez-vous des actions pour faire reconnaître les difficultés maternelles auprès du grand public, des professionnels, des politiques ?
Il s’agit là de la 2e partie de notre travail. C’est un peu la partie plaidoyer politique. On prend la parole sous forme de témoignages aussi largement et aussi souvent que possible. On intervient régulièrement sur le plateau TV Les Maternelles, dans la presse…
On souhaite contribuer à la démocratisation de ce sujet, à donner des chiffres parce que la dépression post-partum concerne environ 15% des femmes. Un chiffre plus important que la séroconversion de la toxoplasmose pendant la grossesse, où la prévention existe. Pourtant la dépression du post-partum est la principale complication après l’accouchement. Le suicide est devenu l’une des principales causes de mortalité du post-partum, avec les hémorragies de la délivrance (Oates M. Suicide: the leading cause of maternal death. Br J Psychiatry. 2003;183(4):279–281).
On travaille auprès des professionnels pour faire de l’information, voire de la formation on leur envoie des plaquettes pour leur permettre d’avoir l’information de base, mais on est aussi de plus en plus invités dans les colloques, congrès. On interviendra à la journée Santé Femmes, à Paris, organisée par le CNGOF (29,30,31 janvier 2020). Nous sommes membres du CIANE, de l’alliance francophone pour la santé mentale périnatale qui vise à faire reconnaître les troubles psychiques de la maternité comme un vrai problème de santé publique. On travaille pour faire augmenter le nombre de lits en unité mère-bébé, encore insuffisants, et les inégalités territoriales sont terribles. Aujourd’hui, le climat est favorable, avec la période des 1000 jours mis en avant par le gouvernement. Cette période est par contre très centrée sur les bébés, nous allons nous battre pour inclure les parents, faire reconnaître les difficultés maternelles comme un enjeu important. C’est facile de leur dire qu’elles créent des dommages irréparables sur leur enfant quand les moyens manquent pour les prendre correctement en charge…
On soutient aussi les initiatives, qu’elles soient journalistiques, filmographiques autour de ces questions. Le dernier film en date est « j’ai mal à ma maternité », un documentaire offrant des témoignages et réalisé par la réalisatrice belge Marie Betbèz. Il nous permet d’organiser des projections débats pour des échanges, et de mettre le sujet sur le devant de la scène, de libérer la parole et de lever petit à petit le tabou.
Un mot pour les sages-femmes ?
Je dirai « écouter ».
Pouvez-vous développer ?
L’idée c’est de sortir du « c’est normal ». Quand les femmes évoquent des difficultés dans le post-partum immédiat on entend souvent « c’est normal », et là, c’est une porte qui se ferme… Si la femme parle de certaines difficultés, c’est que cela l’inquiète et on ne sait pas ce qui se cache derrière cette inquiétude.
Il arrive que la passion de l’action, l’envie de faire des choses pour aider fasse oublier la dimension de l’être. Pourtant écouter avec une oreille bienveillante peut suffire. La maternité est une multitude de remaniements physiques et psychiques, elle ne doit pas être banalisée.