Les nausées et vomissements gravidiques sont des symptômes assez fréquents pour les femmes enceintes avec des taux de prévalence respectifs de 50 à 80% et de 50%. Que faut-il savoir sur ces symptômes et ne pas passer à côté d’un autre diagnostic ? Quels traitements ? L’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) propose des recommandations sur le sujet.
Nausées, vomissements gravidiques : que faut-il savoir ?
Les nausées et vomissements gravidiques sont des troubles fréquents de la femme enceinte bien que les causes restent encore à ce jour obscures : théorie du stimulus hormonal (hCG, oestrogènes), l'adaptation de l’évolution pour protéger la mère et le fœtus des produits potentiellement dangereux, ou bien la prédisposition psychologique.
La plupart des femmes affectées par ce premier signe sympathique de la grossesse, manifestent ces symptômes avant 9 semaines. En général matinaux, les nausées et vomissements n’amaigrissent pas la patiente et régressent spontanément.
La forme extrême ou hyperemesis gravidarum (HG), avec une incidence de 0,3% à 3%, peut entraîner des perturbations hydroélectrolytiques et des carences nutritionnelles, elle est donc une indication d’hospitalisation.
Bien que les décès maternels liés aux nausées et vomissements de la grossesse soient rarement rapportés, on retrouve dans la littérature des cas d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke (déficit de la vitamine B1) lié à l’HG entraînant la mort maternelle ou des séquelles neurologiques permanentes. L’HG serait également associée à un plus grand risque d’anxiété et de dépression. Pour le fœtus, si une méta analyse a rapporté un taux plus important de petit poids d’âge gestationnel et de prématurés pour les femmes souffrant d’HG, elle n’a pas retrouvé de lien avec une morbidité périnatale et néonatale accrue. Il est donc approprié de rassurer les patientes souffrant de nausées et de vomissements et même d’HG, car le plus souvent la grossesse se déroule sans complication.
Pensez aux diagnostics différentiels
Cependant, lorsque la patiente souffre de nausées et/ou vomissements pour la première fois à partir de 9 semaines de gestation, d’autres diagnostics différentiels sont à considérer : cholelithiases, gastroparesie diabètique, ou plus rarement, l’HG liée à un désordre d’interaction hormone-récepteur et à des troubles mitochondriaux qui s’exacerbent au moment de la grossesse. Des symptômes cliniques (douleurs abdominales, céphalées, fièvre, examen neurologique anormal) alertent aussi sur d’autres orientations diagnostiques.
Bien qu’une hyperthyroïdie puisse être observée dans un contexte d’HG, la palpation d’un goitre n’est pas due aux nausées et vomissements de grossesse. La présence d’un goitre doit faire suspecter une pathologie primaire de la thyroïde. S’il n’y a pas de preuve de pathologie de la thyroïde préexistante, le diagnostic est alors en faveur d’une thyrotoxicose de la grossesse.
Peut-on prévenir ces maux de la grossesse ?
L’ACOG, souligne que l’apport de vitamines prénatales 1 mois avant la grossesse pourrait réduire l’incidence et la sévérité des nausées. Elles optimiseraient le statut nutritionnel et augmenteraient le niveau de la vitamine B6, impliquée dans la réduction des vomissements selon les hypothèses des auteurs.
S’il y a peu de preuve quant aux modifications diététiques, le bulletin recommande, toutefois, une alimentation en petite quantité mais plus régulière afin d’éviter de trop remplir l’estomac. Les aliments épicés, gras sont à proscrire. Par ailleurs, une étude montre que les aliments protéinés soulageraient les nausées et vomissements. Les femmes peuvent aussi cesser les vitamines contenant du fer ou privilégier celles avec un apport plus faible au 1er trimestre. D’autres recommandations comme le repos et l’évitement de stimuli sensoriels amélioreraient les signes.
Quels traitements ?
Le gingembre : Les revues systématiques ont montré que le gingembre améliorait les nausées mais pas les vomissements. L’algorithme de l’ACOG recommande des capsules de gingembre de 250mg 4 fois/ jour.
L’OMS reconnait également « cliniquement justifié » son usage pour la prévention des nausées et vomissements pendant la grossesse, et recommande 250 mg de rhizome séché en infusion, 4 fois par jour.Deux revues systématiques ont montré un intérêt mais limité pour l’acupression du point P6 (3 doigts sous le poignet, à l’intérieur du tendon) dans le soulagement des nausées et vomissements
On retrouve quelques cas, où l’hypnose thérapeutique s’est montrée efficace pour les patientes avec HG. La relaxation profonde induite par l’hypnose permettrait de diminuer la stimulation du système nerveux sympathique et par la suggestion hypnotique le déplacement du symptôme
La vitamine B6 ( pyridoxine, 10-25 mg, 3 à 4 fois /jour) seule ou associée à la Doxylamine est une combinaison sûre et efficace pour une première intention de traitement (Grade A). A noter, en France, la Doxylamine, contrairement aux USA, n’a pas d’AMM dans l’indication des nausées et vomissements de la grossesse.
Pour les formes persistantes, l’algorithme oriente vers des traitements plus lourds, entre autres, antihistaminiques H1, neuroleptiques.
Source :
ACOG Practice Bulletin No. 189: Nausea And Vomiting Of Pregnancy
Obstet Gynecol 2018 Jan;131(1):e15-e30. doi: 10.1097/AOG.0000000000002456