« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes » (définition officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur). Mais est-il si facile de la comprendre lorsque les lésions ne sont pas visibles, comme dans d’endométriose ? Avec Dr Delphine Lhuillery, médecin algologue, Paris
Pour l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), « une douleur qui dure longtemps ou qui est permanente ou récurrente est appelée chronique quand elle dure plus de 6 mois ».
Selon les études, la prévalence de la douleur chronique varie en France de 17 à 31,7%. Quant à l’endométriose, elle serait responsable de 30 à 40% des douleurs chroniques pelviennes et 70% des douleurs chroniques chez l’adolescente.
Les 3 piliers de la douleur
- La composante physiologique
La douleur peut prendre naissance depuis la lésion d’un organe et/ou du nerf qui passe à l’intérieur.
« La douleur associée à l’endométriose peut être expliquée par la nociception, l’hyperalgésie et la sensibilisation centrale, associées à des degrés divers chez une même patiente (NP2) » (HAS). Les récepteurs périphériques de la douleur, appelés nocicepteurs, stimulés de façon excessive et/ou de façon persistante déclenchent la douleur. Il existe des preuves que les mécanismes nociceptifs, inflammatoires et neuropathiques coexistent dans les douleurs d’endométriose.
- La lésion du nerf immobilise le tissu qu’il innerve
L’inflammation provoquée par les menstruations entraîne une irritation des nerfs dans la région proche de l’utérus. À leur tour, ces nerfs sensibilisés vont immobiliser les organes.
Les tissus immobilisés se rétractent et deviennent douloureux. De cette immobilité, il en découle une dysfonction tissulaire et articulaire. Au cours du temps, l’immobilité « contamine » les organes périphériques, et la douleur pelvienne augmente crescendo.
Les cervicales, les dorsales, le rachis lombaire se bloquent et le bassin se verrouille. Les tissus endométriaux ectopiques entretiennent l’inflammation à chaque cycle menstruel.
Un exemple, celui dont se plaignent régulièrement les femmes atteintes d’endométriose : les troubles digestifs. L’immobilité intestinale aura pour conséquence des ballonnements, une alternance de diarrhée et constipation.
- Le cortex
Il joue un rôle important dans le ressenti de la douleur, inhérent au vécu de chaque individu.
Dans cette pathologie, la douleur est souvent associée à la détresse psychologique et à la fatigue qui peuvent toutes deux l’amplifier.
Les nocicepteurs, récepteurs de la douleur, se trouvant dans les tissus, à la périphérie, transmettent le stimulus de la douleur par les voies de la douleur jusqu’au cortex cérébral. Une fois dans le cortex, la douleur sera perçue par l’individu.
Dans le processus de la douleur, divers systèmes de signalisation rentrent en jeu, dont la voie NMDA (acide N-méthyl-D-aspartique). Elle conduit l’information douloureuse et son augmentation dans le cerveau peut s’accroître au cours du temps (douleur intense, stress chronique). Plus cette voie augmente, plus l’information est douloureuse.
L’enchaînement des mécanismes physiologiques excite en quelque sorte la zone corticale en contribuant à l’augmentation de la douleur.
Comment agir ?
Il est impossible de faire une dichotomie cerveau-corps dans le processus de la douleur. Il s’agit d’une spirale dans laquelle l’un agit sur l’autre.
Ces douleurs seront influencées certes par les hormones, mais aussi par l’anxiété, par son rapport à la douleur, son vécu et son terrain. elles surviendront également dans des circonstances particulières. De fait, la prise en charge doit être globale.
- Action sur le mécanisme physiologique
Des traitements particuliers peuvent être conseillés, tous les antiépileptiques ou certains antidépresseurs, agissant spécifiquement sur les nerfs. D'autres traitements réduisent aussi la mémorisation de la douleur en jouant sur la voie NMDA. Les AINS ne se justifient que pendant la période des règles.
- Agir sur l’immobilité tissulaire
Des médecines alternatives peuvent constituer une aide pour les patientes aussi bien sur le plan physique que psychologique. Par exemple, la fasciathérapie va relancer la dynamique, favoriser la circulation sanguine et diminuer les tensions au niveau des ligaments. Elle permet de redonner mobilité aux tissus « bloqués » par des manipulations adaptées.
Les patientes peuvent recourir à l’acupuncture, à la mésothérapie. Si ces approches sont différentes, néanmoins, l’impact de l’aiguille agira sur le cerveau qui sécrétera des endorphines, permettant de soulager la douleur. D’autres thérapies complémentaires sont bénéfiques telles que l’ostéopathie, la kinésithérapie, le yoga, etc. Quoi qu’il en soit, une pratique sportive douce quotidienne est vivement recommandée.
- Action sur le cortex
le cerveau s'emballant, des techniques peuvent apprendre à réduire, voire le reformater pour mieux se défendre : hypnose, psychothérapie, méditation... De façon incroyable, ces approches augmentent l'activité de certaines zones cérébrales qui elles-mêmes se projettent par l'intermédiaire de neurones et réduisent l'hyperactivité de la zone de la douleur.