Lorsque Christelle Graf n’est pas de garde au CHU de Montpellier, elle est en intervention avec les pompiers ou le SAMU. L’urgence n’a plus de secret pour cette sage-femme !
Sage-femme et sapeur-pompier, pourquoi cette casquette supplémentaire ?
C'est une expèrience de la vie qui m'a orientée vers cette compètence de sapeur-pompier.
En janvier 2000, je rentre de vacances avec ma fille de 3 ans, je me gare devant mon immeuble, à Montpellier, en même temps que les sapeurs- pompiers. Je reconnais le médecin sapeur-pompier volontaire de garde, c’était un anesthésiste avec qui je travaillais au CHU de Montpellier. Il intervenait pour un accouchement inopiné dans ma résidence et il m’a demandé de venir l’aider, il semblait soucieux. J’y suis donc allé avec ma fille qui a attendu dans la salle à manger…
Il s’agissait d’une femme qui n’avait connaissance de sa grossesse que depuis 2 semaines, une drôle de surprise pour le couple, et pour nous aussi !
Le bébé n’était pas loin, au petit couronnement, puis 30 minutes plus tard une petite fille de 3800g est née. La mère l’a glissée de façon instinctive sous son t-shirt, c’était très beau ! Ensuite, les pompiers ont conduit la mère et l’enfant au CHU de Montpellier.
Je dois dire que ce jour-là, je me suis sentie complètement désarmée et l’équipe l’était aussi. C’était un accouchement, mais tellement différent de ma pratique clinique quotidienne ! De cette expérience est née l’envie d’apporter mon expertise de sage-femme aux sapeurs-pompiers et de me former au pré-hospitalier.
Vous vous êtes donc lancée, expliquez-nous !
Pour intégrer le corps des sapeurs-pompiers volontaires au sein du centre de secours de Gignac, il m’aura fallu presque 10 ans. Je n’avais pas le statut de sage-femme. J’ai appris ce qu’était un corps de sapeurs-pompiers, j’ai effectué la formation sur le feu, les accidents… J’ai signé mon 1er arrêté en 2007.J’ai toujours été considérée comme « la sage-femme » et j’ai bien compris que si je m’habillais en pompier je ne pouvais intervenir pour un accouchement inopiné ou une parturiente, je restais donc en civil…
Aujourd’hui, vous êtes sage-femme expert sapeur-pompier, comment vous êtes-vous en arrivée là ?
Une nuit de juin 2012, la nuit de la fête de la musique, on m’a appelée en me disant qu’une patiente avec grossesse gémellaire était en train d’accoucher dans mon village. J’y suis allée, je me suis retrouvée face à une patiente qui poussait à 31 semaines d'aménorrhées. Il s’agissait d’une grossesse monochoriale, j’ai réalisé une grande extraction pour J2. Deux petits garçons sont nés, Liam et Vassily. Toute la famille se portait à merveille.
Puis de nombreux accouchements inopinés ont suivi... Je souhaitais obtenir un statut en totale cohérence avec mes compétences de sage-femme… Mais comme disait Gandhi « Les opportunités ne sont pas offertes. Elles doivent être arrachées. Et cela demande de la persévérance et du courage » ! On m’a nommée en octobre 2012, sage-femme expert sapeur-pompier volontaire au SDIS 34 (Service départemental d’incendie et de secours). Je suis une des seules en France où ma fiche opérationnelle me permet d’effectuer des interventions.
Lorsque vous êtes de garde à l'hôpital et que vous êtes appelée pour une intervention, comment gérez-vous ?
Dans cette situation, je donne des avis pour orienter la décision et je fais de la guidance pour les gestes par téléphone et selon l’endroit, j’essaye d’envoyer des collègues que j’ai formés.
Quelles sont vos réflexions sur les interventions d’accouchements inopinés ?
J’ai très vite constaté que le nombre d’accouchements inopinés augmentait de façon exponentielle dans l’Hérault. C’est pour cette raison que j’ai intégré l’Observatoire National des Accouchements Inopinés en France en 2013, en y incluant pour l’Hérault, en plus des équipes SMUR 34, les équipes médicales des pompiers du SDIS 34. J’en parle d’ailleurs dans mon mémoire de master 2 de sciences humaines. J’ai pu constater que les accouchements sont rapides avec une médiane à 2h50, il s’agit essentiellement de 2e pare à 38-39 SA décrivant un accouchement extrêmement rapide. L’analyse des données a montré également un pourcentage élevé de complications maternelles et néonatales et un pourcentage élevé de prématurité par rapport à la population générale
Face à ces constations, il me semble important de former les acteurs de santé, car le pré-hospitalier est un terrain inconnu alors que les accouchements inopinés sont de plus en plus fréquents…