La rétention urinaire aiguë est une complication assez rare du post-partum dont l’incidence varie, selon les études, de 0,45% à 0,9% mais qui peut néanmoins être handicapante.
Avec Fanny Perrin, sage-femme à Remiremont.
Rétention urinaire aigüe : Qu'est-ce que c'est ?
De façon générale, la rétention aigue d'urine est l'impossibilité brutale et totale d'uriner alors que la vessie est pleine. Il s'agit même d'un globe vésical palpable, douloureux alors que le patient est incapable d'uriner (société internationale de la continence). Concernant le post-partum, il existe plusieurs définitions dont l'incapacité d'uriner spontanément dans les 12 heures après l'accouchement, dans les 6 heures associé à un globe vésical > 400 ml ou simplement une absence de miction spontanée à 6h du post-partum, ou après ablation d'une sonde à demeure. Ainsi en fonction de la définition que l'on donne à la rétention urinaire aigüe (RUA), le protocole de prise en charge sera différent. Il existe également des rétentions urinaires complètes qui perdurent après plusieurs jours (lésion du détrusor). Près de 75 % des RU du post partum récupèrent en moins de 72 heures. Cependant, le délai de 6h post-partum semble le plus cohérent pour la prise en charge.
Les facteurs de risques les plus retrouvés dans la littérature
L'analgésie locorégionale et plus particulièrement la réinjection proche de l'accouchement
Le travail prolongé (lié au remplissage vasculaire par les perfusions et
donc augmentation du remplissage vésical)
Les extractions instrumentales
Les épisiotomies, lésions périnéales car elles entrainent des œdèmes périnéaux. La douleur liée aux lésions périnéales et épisiotomies peut avoir pour conséquence un spasme urétéral qui peut bloquer miction
Sondage évacuateur deux heures après l’accouchement : systématique ou non ?
Selon les études le sondage urinaire évacuateur après l’accouchement (2h-3h) n’est pas systématique et pourra être réalisé au cas par cas. Cependant, pour éviter les risques de rétention urinaire du post-partum, il faudra être attentif à certains points:
Miction sur les toilettes si possible avant l’installation en SDN
Miction sur les toilettes si possible avant la pose d’APD
Plat-bassin proposé régulièrement, toutes les 4 heures environ, à pondérer avec le remplissage vasculaire et sondage urinaire évacuateur après l’essai s’il n’est pas contributif
Abolition du remplissage vasculaire inutile, afin d’éviter les sur-distensions vésicales
Quantification approximative des sondages urinaires pendant le travail et au bilan des 3 heures (+/++/+++), étant donné que la quantification précise est difficile à mettre en œuvre
Limitation de l’exposition aux facteurs de risque, dans la mesure du possible
Pas d’accouchement vessie pleine, donc pratique du sondage urinaire évacuateur peu de temps avant l’accouchement : Dilatation complète partie haute ou moyenne
Notification de tous les actes et leur horaires sur le partogramme (mictions spontanées, sondages urinaires évacuateurs, pose d’une sonde à demeure et retrait, sondage urinaire au moment de l’accouchement
Notification des caractéristiques mictionnelles du bilan des 3 heures (pas de sondage pas de miction, sondage urinaire évacuateur, miction spontanée) et l’heure du sondage urinaire, de la miction spontanée ou du dernier sondage urinaire effectué.
Notification de la pratique d’une expression abdominale pour l’accouchement
Soigner les œdèmes et hématomes périnéaux par des poches de glace en application locale
Quantifier les douleurs périnéales après l’accouchement (surtout chez les femmes n’ayant pas eu d’APD) grâce à une échelle de douleur et traiter les douleurs par pallier
Installation assise ou position du choix de la patiente systématique au bilan des 3 heures, avant tout sondage urinaire évacuateur, et utilisation des mesures d’aide et d’incitation à la miction spontanée
Dépistage des femmes les plus à risque de développer une rétention urinaire et demander une surveillance plus pointue de la reprise mictionnelle et de l’absence de globe vésical le cas échéant.
Toutefois, même si ces règles de bonnes pratiques sont respectées, il est utile 6h après l’accouchement de contrôler le volume vésical avec un échographe portable (Bladder scanner), si les mesures d'incitation à la miction ont été tentées, la douleur, les œdèmes ont été traités au préalable.
Prévenir une rétention urinaire aigüe du post-partum : 8 conseils pratiques
Prise de connaissance des modalités mictionnelles après l’accouchement et de l’heure de la dernière miction
Evaluation de la douleur et traitement efficace de celle-ci (AINS en 1re intention)
Traitement précoce des œdèmes et hématomes périnéaux
Examen clinique rigoureux à la recherche d’un globe vésical et surveillance attentive de toutes les accouchées durant les 24 premières heures du post-partum, surveillance renforcée chez les patientes présentant de facteurs de risque (APD, extraction instrumentale, lésions périnéales importantes)
Utilisation de mesures d’aide et d’incitation à la miction, le plus tôt possible après l’arrivée en suites de naissances lorsque la patiente n’arrive pas à uriner d’elle-même
Sondage urinaire évacuateur 4 heures après la dernière miction / 6 heures après l’accouchement si miction spontanée impossible avec des mesures d’aide et d’incitation à la miction ou si possible utilisation du bladder scanner
Appel précoce des professionnels en urologie si la patiente est en rétention urinaire
Mesure des résidus post-mictionnels chez une patiente ayant une rétention urinaire en cours de résolution.
Référence :
La rétention urinaire du post-partum : quelle prévention et quelle prise en charge à la Maternité Régionale Universitaire de Nancy ? Etude rétrospective descriptive des cas de rétention entre 1998 et 2011 et étude de pratiques et de connaissances des sages-femmes- Fanny Perrin - École de Sages-femmes Albert Fruhinsholz - Université Henri Poincaré Nancy I. 2012.
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