Depuis les recommandations du couchage sur le dos de 1994, les morts inattendues du nourrisson (MIN) ont chuté drastiquement. Même si à ce jour, le chiffre ne peut pas être précisé, on compterait environ 400 à 500 MIN / an en France.
Avec Dr Elisabeth Briand Huchet, médecin conseil de l'association Naître et Vivre, pédiatre, et responsable du Centre de référence de la mort inattendue du nourrisson à Antoine Béclère (Clamart).
Dans les dernières statistiques en France de l’INVS, sur la période de l’enquête 2007-2009, 281 Morts inattendues du nourrissons (MIN) ont été signalées par les correspondants Samu des départements participants. Parmi elles, 256 ont été incluses, 220 MIN de moins d'1 an et 36 MIN d'1 à 2 ans. Une dizaine d’années après, quels sont les chiffres d'aujourd’hui ?
L’enquête de l’INVS est la seule enquête publiée en France et nous n’avons pas beaucoup progressé depuis. Les statistiques officielles dont nous disposons ne sont pas très fiables et ont tendance à être sous-évaluées. En fait, ces chiffres sont alimentés par ce que les médecins marquent sur le certificat de décès et au moment où ils signent le document (Morts inattendues du nourrisson, morts subites du nourrisson, ou cause inconnue), alors que les résultats du bilan, et encore moins ceux de l’autopsie ne sont connus.
En reprenant les statistiques de mortalité en France, où l’on utilise la classification internationale des maladies , on note moins de 200 MSN de 0 à 1 an, si on les ajoute aux causes englobant des MIN avec des causes inconnues ou accidents de literie, on dépasserait les 500. La vérité se situerait entre 200 et 500 MIN / an, dont encore la moitié évitables.
Y-a-t-il des actions entreprises pour rendre ces chiffres plus fiables ?
L’Association nationale des centres référents pour la mort inattendue du nourrisson (ANCReMIN), qui travaille sur la prévention, a mis en place en 2015 un observatoire national des MIN. Les 35 centres de référence répartis en France contribuent au recrutement et à l’analyse de données épidémiologiques ce qui permettra d’obtenir des chiffres fiables en temps réels et de façon longitudinale. Ces statistiques nous aideront à développer les axes de prévention plus orientés et à identifier de nouveaux facteurs de risque.
Quelles tendances se dégagent des premières analyses ?
Selon les premières analyses (étude de Levieux K et coll « Environnement du couchage des nourrissons français décédés de MIN présenté au congrès des sociétés de pédiatrie – Lyon mai 2018), un couchage inadapté est encore observé, et entre autres, encore 30% des bébés décédés avaient été couchés en décubitus latéral ou ventral. Malgré les préconisations données aux parents sur le couchage des nourrissons depuis plus de 20 ans, 2/3 sont actuellement mal installés pour dormir.
Cela ne signifie pas que le couchage soit forcement mis en cause. Par exemple, si on trouve le bébé avec le nez dégagé, sur le dos dans un couchage avec un tour de lit, un édredon, et que sa mort est attribuée à une cause définie, sa literie n’est pas responsable de celle-ci, pour autant, elle n’est pas satisfaisante pour son âge. Par contre si on le trouve dans le tour de lit avec des lésions asphyxiques, le couchage est incriminable dans la cause du décès.
Alors comment expliquer encore aujourd’hui ces comportements ?
Tout d’abord du côté des professionnels de santé, il y a ceux qui ont connu les préconisations que l’on donnait dans les années 1980. À cette période, on n’avait pas compris le rôle du couchage, on pensait aux apnées idiopathiques, aux RGO. Un certain nombre de fausses pistes qui les ont incités à coucher les bébés sur le ventre en pensant que c’était une bonne idée. Il s’est avéré que c’était une catastrophe ! Ce n’est jamais très agréable de se dire que l’on a prodigué des conseils responsables de décès surtout lorsque 20 ans plus tard on sait que la prévention à mettre en œuvre , coucher le bébé sur le dos est extrêmement simple.
Des soignants sont aussi peu convaincus et n’insistent pas assez sur les recommandations en prétextant que « ce n’est pas le moment de faire peur », alors que c’est un sujet qu’il faut aborder aux cours de préparation à la naissance et à la parentalité, en donnant des indications sur le matériel utile et dangereux.
De nos jours, les parents ont déjà entendu parler de MIN dans les médias, c’est de notoriété publique, seulement il persiste encore du flou parce qu’ils n’ont pas bien compris ce qu’ils peuvent faire.
Il faut dont leur expliquer les mécanismes de MIN et les sages-femmes ont un grand rôle à jouer !
Ensuite, on a des difficultés à convaincre, parce qu’il y a un marché de la puériculture qui ne tient pas compte des recommandations, avec beaucoup d’objets non seulement inutiles mais souvent dangereux, présentés comme apportant du confort au bébé, ou encore pire de la « sécurité »..
Parmi d’autres obstacles : les grands-mères ! Elles couchaient leur enfant sur le ventre, et risquent de minimiser ou de rejeter nos conseils, tout comme la désinformation diffusée sur les réseaux sociaux, les discussions pédiatriques entre la plagiocéphalie et allaitement...