Vomissements, perte de poids, fatigue au point de ne plus pouvoir assurer les tâches de la vie quotidienne et son activité professionnelle, la grossesse n’est pas une maladie et pourtant, l’hyperemesis gravidarum peut être un véritable calvaire pour les femmes qui en font l’expérience. Entre le « ce n’est pas grave, ça va passer » et des prises en charge hétérogènes, il était temps qu’une société savante réactualise les connaissances sur le sujet. Le Collège national des gynécologues obstétriciens français a publié de nouvelles recommandations pour la prise en charge de ces femmes. En voici les grandes lignes.
Les nausées et vomissements gravidiques touche 50 à 90% des femmes enceintes. Dans la majorité des cas, les symptômes disparaissent à la fin du 1er trimestre. Pour 35% des femmes, ces manifestations sont sevères, appelées alors hyperemesis gravidarum et altèrent leur vie quotidienne. Entre 0,3% et 3,6%, des femmes, selon les études, nécessiteront une hospitalisation.
À ce jour les mécanismes de l’hyperemesis gravidarum sont mal connus et les étiologies pourraient être multifactorielles. Aussi, ce trouble pourrait influencer l’évolution de la grossesse avec un risque de naissance prématurée, de petit poids d’âge gestationnel, mais les études n’ont pas un niveau de preuve suffisamment élevé pour pouvoir le confirmer.
Ce que l’on sait, c’est qu’il existe pour la mère un risque d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke en cas de carence en thiamine (vitamine B1) et plus rarement, en cas de carence en vitamine K, une dystotose maxillo-faciale ou un syndrome de Binder.
Alors que les symptômes sévères peuvent mener certaines femmes à envisager une interruption volontaire de grossesse ou abandonner l’idée d’une future grossesse, il semble impératif de s’intéresser à l’hyperemesis gravidarum, écore méconnue du public et du monde médical, pour accompagner ces femmes et leur proposer une prise en charge adaptée.
Comment évaluer la gravité ?
Les nausées et vomissements de la grossesse débutent au 1er trimestre et disparaissent généralement à la fin de celui-ci. Le CNGOF propose d’évaluer leur gravité selon 3 critères : la perte de poids, les signes cliniques de déshydratation (soif intense, un signe du pli cutané, une hypotension artérielle orthostatique, puis de décubitus avec tachycardie compensatrice réflexe, un choc hypovolemique lorsque les pertes liquidiennes sont supérieures a 30 %, un aplatissement des veines superficielles dont la jugulaire externe en position allongée, une oligurie avec concentration des urines, une sécheresse de la peau, en particulier dans les aisselles) et le score de PUQE (Pregnancy Unique Quantification of Emesis and nausea).
Ainsi les nausées et vomissements gravidiques sont dits non compliqués quand la perte de poids est inférieure à 5%, que la parturiente ne présente pas de signe de déshydratation et quand le score de PUQE est ≤ 6. Dans ce cas-là et en l’absence d’une pathologie sous-jacente, il n’est pas recommandé de prescrire un bilan sanguin et la prise en charge se fera en externe.
On parle alors d’hyperemesis gravidrum quand la perte de poids est ≥ 5%, quand il y a un ou plusieurs signes cliniques de déshydratation et que le score de PUQE ≥7. Dans cas, il est préconisé de réaliser un bilan pour évaluer les éventuels désordres hydro-electrolytiques. Celui-ci inclut une natrémie , kaliémie, créatinémie et une bandelette urinaire.
Si malgré un traitement, les symptômes persistent ou s’aggravent, un bilan complémentaire est proposé pour établir un diagnostic différentiel (pancréatite, hépatite, appendicite, pyelonéphrite, torsion de l’annexe, hyperthyroïdie). Il recherchera pour un dosage des transamines, de la lipase, une numération leucocytaire, de la CRP, de la TSH, de la T4, ainsi qu’une échographie abdominale.
L’hospitalisation est proposée en cas de perte de poids ≥ 10%, quand il y a un ou plusieurs signes cliniques de déshydratation, un score PUQE 13, une hypokaliémie < 3,0 mmol/L , une hyponatrémie < 120 mmol/L, une élévation de la créatininémie > 100 mmol/L, une résistance au traitement.
Le score de PUQE
Entourez la reponse qui correspond le mieux à votre situation depuis le début de la grossesse :
1. En moyenne durant une journée, combien de temps vous sentez-vous nauséeuse ou avez-vous « mal au cœur » ?
Pas du tout (1)
Moins d’1 h (2)
2–3 h (3)
4–6 h (4)
Plus de 6 h (5)
2. En moyenne durant une journée, combien de fois vomissez-vous ?
Pas du tout (1)
1–2 fois (2)
3–4 fois (3)
5–6 fois (4)
plus de 7 fois (5)
3. En moyenne durant une journe´e, combien de fois avez-vous eu des haut-le-cœur ou des renvois sans ve´ritable vomissement ?
Pas du tout (1)
1–2 fois (2)
3–4 fois (3)
5–6 fois (4)
Plus de 7 fois (5)
Score total (faire la somme des points obtenus aux questions 1, 2 et 3) : Nausées et vomissements gravidiques légers 6, modérés, 7 à 12, sévères 13.
Quelle traitement ?
Pour commencer, le CNGOF préconise des règles hygièno-diétetiques, à savoir de maintenir la supplémentation en acide folique, mais de stopper les vitamines prénatales et la supplémentation en fer susceptible d’aggraver les symptômes. En ce qui concerne le régime alimentaire, il n’y a pas de ligne directrice particulière, la femme l’adaptatera comme elle le souhaitera, car la littérature ne fait pas état d’un régime suffisamment efficace pour être recommandé.
Les techniques de prise en charge non médicamenteuse (gingembre, acupuncture et éléctrostimulation) peuvent être proposées aux femmes présentant un PUQE ≤ 6. Par contre, l’arométhérapie n’est pas conseillé « en raison des risques potentiels associés aux huiles essentielles et de l’absence d’efficacité démontré ».
Les études portant sur les antiémétiques restent assez pauvres. La ligne de conduite que propose le CNGOF est de choisir toujours en premier lieu les thérapeutiques avec le moins d’effets secondaires possibles puisqu’il n’y a pas de supériorité d’une classe médicamenteuse. Il s’agit donc de choisir en première intention l’association doxylamine-pyridoxine qui a été évaluée contre placebo.
Les autres classes thérapeutique, à savoir les neuroleptiques (métoclopramide), incluant les phénothiazines (chlopromazine et prométhazine) sont associés à un risque augmenté de signes extrapyramidaux (somnolence, tremblements, vertiges, dystonie) et l’ondansetron, période d’organogènèse est associée dans des études de registre à une augmentation minime du risque absolu de fentes labio-palatines (de l’ordre de 3 cas supplémentaires pour 10 000 naissances vivantes exposées). Aussi, les corticoïdes ne doivent être utilisés qu’en dernier recours en cas d’hyperémèse gravidique en raison de leurs effets secondaires potentiels et de leur efficacité incertaine.
À partir de ces données, le CNGOF propose un algorithme de prise en charge en fonction de la sévérité des symptômes.
Lorsque la réhydratation parentérale est justifiée chez les patientes présentant une hypérèmese gravidique, une administration systématique de vitamine B1 est recommandée pour prévenir les risques d’encéphalopathie de Gayet de Wernicke.
Dans certaines maternités, il est préconisé un isolement pour les patientes souffrant d’hyperemesis gravidarum. Or, en l’absence de données démontrant l’efficacité des possibles effets psychologiques délétères, il n’est pas recommandé de recourir à cette pratique.
Ces stratégies peuvent s’accompagner d’un suivi psychologique et d’une orientation vers des associations qui accompagnent les femmes avec hyperemese gravidique.
Malgré ce travail qui vise à harmoniser la prise en charge des patientes souffrant de nausées et de vomissements pendant la grossesse, il est à noter que les alternatives thérapeutiques sont peu nombreuses et peu efficaces. Ce champ de recherche reste donc à approfondir pour aider les patientes à mieux vivre leur grossesse.